Rapport du délégué minier LEBLOND

 

LEBLOND

Délégués Minier

Sallaumines

 

 

 

RAPPORT SUR LA CATASTROPHE

DU 19 AVRIL 1948

Au Puits 4-11 Groupe d’Hénin Liétard

 

 

 

 

PREAMBULE

 

 

Ce rapport comprend 4 parties importantes qui sont :

 

1        - Les effets mécaniques qui ont entrainé la catastrophe ;

  Les conclusions de cette 1ère partie.

 

2        - Pourquoi il y a eu coup de poussières.

  Les conclusions de cette 2ème partie.

 

3        - Comment y a-t-il eu accumulation de poussières.

  Les conclusions de cette 3ème partie.

 

4        - Comment pouvait-on éviter cette catastrophe.

  Les conclusions de cette 4ème partie

 

Enfin, le rapport se termine par des conclusions générales et des propositions qui découlent de l’étude des lieux et des plans de la catastrophe. Pour suivre ce rapport il faut se référer aux plans dressés par le service des mines ainsi qu’aux photographies des installations du jour.

 

 

 

 

 

 

 

CATASTROPHE DE COURRIERES

Fosse 4 de Sallaumines

 

 

 

Historique de la catastrophe

 

1ère Partie

 

Le 19 avril 1948 à 17 heures 48, une terrible catastrophe survenait au puits II de Groupe d’Hénin Liétard des houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais, sis sur le territoire de la commune de Sallaumine (Pas-de-Calais).

 

Le puits II, puis d’entrée d’air, couplé au puits de retour d’air est classé poussiéreux de première catégorie.

 

Cette catastrophe a fait 44 victimes se décomposant ainsi :

 

 

1 – Morts au Champ d’Honneur du Travail

 

DEMICHELIS Baptiste, Français, 20 ans célibataire, conducteur tracteur bowette 403.

 

BRISSE Marcel, Français, 39 ans, marié, écurie 403, garde écurie.

 

CAPILLON René, Français, 22 ans célibataire, accrochage conducteur tracteur.

 

WYSOCKI Simon, Polonais, 38 ans, marié 7 enfants, accrochage, ajusteur.

 

QUINCHON René, Français, 47 ans, marié, chef de coupe accrochage.

 

KACZMAREK Jean, Polonais, 16 ans, célibataire, Bowette Sud, aiguilleur.

 

SCHARF Helmut, Allemand, 39 ans, P.G. manœuvre.

 

HIERL Georges, Allemand, 25 ans, galibot défonceur.

 

RAK Hubert, Allemand, 22 ans, aide aux traçages.

 

VASSEUR René, Français, 33 ans, célibataire, accrochage.

 

FEIRRERA Armand, Français, 30 ans, marié 1 enfant, accrochage.

 

           

JOUR

 

BIGOTTE Maurice, Français, 34 ans, marié 1 enfant, criblage ajusteur.

 

WILO César, 54 ans, divorcé, moulineur.

 

LOBODA Hélène, Polonaise, 19 ans, célibataire, moulinage, trieuse.

 

BEYER Gertrude, Polonaise, 19 ans, célibataire, moulinage, trieuse.

 

GEIGER Herman, Allemand, P.F., moulineur. Le nombre des blessés s’élève à 30 ouvriers hospitalisés dont 3 jeunes filles et à d’autres blessés plus légèrement.

 

Les blessures sont multiples : brûlures, état de choc, fracture du crane, contusions multiples.

 

Des blessures ont entrainé la mort par asphyxie. A signaler en particulier la mort tragique de 3 agents retrouvés le dimanche 3 mai au fond du puits.

 

Les effets mécaniques de l’explosion furent terribles.

 

 

EFFETS MECANIQUES AU FOND

 

Ce puits à trois étages : 289 – 341 – 403.

 

Les trois étages ont subi des effets mécaniques violents dans le sens d’une poussée, vers les chantiers ce qui prouve que l’explosion venait du puits d’entrée d’air.

 

A – A l’étage 289 - Seuls les abords de l’accrochage du puits d’entrée d’air du II ont subi ces effets mécaniques avec violence. Dans la goie tournante de l’accrochage, la poussée partant vers les fronts, culbute des cadres, ainsi que des bois en travers de cette voie. Elle arrache une première porte, on trouve ensuite une seconde porte en fer tordue, une troisième arrachée, enfin un stoupet en maçonnerie est sauté aussi.

 

A l’entrée de la Bowette Sud cadrée, on trouve une porte en fer tordue, un bloc de maçonnerie de 1 x 0,80 x 0,45 ainsi que des débris de briques. Au puits de retour d’air n°4 à l’étage 289, on ne trouve de l’effet mécanique par une trappe d’échelle et une tôle retournée à l’accrochage du côté nord. Il est à signaler par la suite l’incendie d’un dépôt de bois se trouvant à cet endroit.

 

B – A l’étage 341 – Les effets mécaniques sont violents à l’accrochage et dans la bowette N du puits d’entrée d’air n°II.

 

Une poussée violente partie vers les fronts, dans la direction du Nord, projette la grille du puits dans l’accrochage à 6 mètres du puits. On retrouve une échelle tordue dans l’accrochage. On suit la trace de la poussée jusqu’aux pieds du bure 37, en constatant un bouleversement complet de matériel, tôle, trucks, berlines, bois, tuyaux, etc …

 

 

La même poussée vers le Nord, allant jusqu’à l’entrée de l’albraque. La porte d’entrée de l’albraque subit quelques dégâts.

 

L’accrochage vers le Sud a peu d’effets mécaniques, les portes de fer sont intactes.

 

Par contre on trouve une tôle de 10 mm perforée par un tuyau. Dans la voie tournante, se dirigeant vers le Sud, on trouve les portes arrachées dans le sens d’une poussée vers les fronts se dirigeant vers le Sud.

 

Dans la voie de recoupage partant vers la bowette Sud Ouest, on trouve : tôles, cadres, berlines au travers ? Dans la bowette S.O. on trouve une porte en fer tordue à 30 m du recoupage.

 

A l’entrée de la bowette Sud Ouest venant du puits 4, on trouve le cheval Erico, mort par asphyxie. Dans la bowette sud, quelques planques de l’arrêt-barrage sont déplacées.

 

Un peu plus loin, avant l’entrée de l’écurie se trouve le cheval Etat tué sur le coup, l’écurie est restée intacte avec un cheval et un âne vivant (voir  croquis).

 

Un coffre à l’emplacement de l’ancienne écurie est resté intact, sa porte n’a pas bougé depuis l’écurie, la bowette n’a plus subi aucun effet mécanique. Toute la partie des voies avec ses portes conduisant à la salle des pompes, la salle elle-même n’ont subi aucun dégât.

 

Le côté Sud de l’accrochage n’a subi aucun effet mécanique.

 

L’entrée de la bowette sud ouest non plus. On trouve pourtant l’ouvrier MEYER Gérard, blessé par brulures.

 

Par contre le côté Nord subit des effets assez violents. La porte de fer à l’entrée de la bowette nord du puits II est tordue, projetée vers le puits II est tordue, projetée vers le puits, la 2émé porte plus près du puits s’est tordue également.

 

A cet endroit un tuyau I20 est plié en ver, vers le 4.

 

Toutes ces données supposent une poussée venant de la bowette Nord du puits II et chassant vers le puits 4.

 

C – Etage 403

 

A cet étage les effets mécaniques sont très violents aux environs du puits et sur une longueur de 250 mètres dans les bowettes y menant.


Toutes les poussées sont vers les fronts.

 

Ceci explique mieux, que l’explosion venant du puits, trouvant une résistance au fond du puits se fit ressentir alors dans tous les sens, ne se propageant plus dès cet instant dans une direction donnée, comme aux étages supérieurs, ou le même phénomène ne pouvait se produire.

 

Il n’existait en effet pas de bouchon à ces étages, comme au fond avec le bouniou.  Au puits II le chargeur de l’accrochage STEPHANSKI Edmond, porte des brûlures, FEIRRERA Armand, aide chargeur d’accrochage, porte des brûlures (fractures – décédé suite de ses blessures). Le galibot d’accrochage VASSEUR René brûlures, état de choc, décédé le 21 avril.

 

La violence du choc se fait sentir à la tête du bure 57 qui va de l’étage 403 à l’étage 483. Dans le goyau de bure, on trouve les blessés suivants :

 

DULAWA Auguste, bowetteur, contusions,

ECKMANN Léon, aide bowetteur, état de choc, commotion nerveuse,

KOZAK Michel, aide bowetteur, contusions.

 

Vers la bowette sud ouest, dans la voie tournante, on trouve le corps carbonisé du chef de coupe QUINCHON René et dans la voie de recoupage, les deux massifs de portes ainsi que le mur ont sauté. Dans la bowette sud sur le tracteur B.9 on trouve le corps du conducteur CAPILLON René (brûlures étendues) et plus loin ainsi qu’à plusieurs endroits, l’emplacement de petits foyers d’incendie, derrière les matelas de compression des rondins en bois situés dans la mézière.

 

Dans l’accrochage vers le Nord, l’aide chargeur d’accrochage CICHY Joseph, est blessé par des brûlures ; Le recoupage allant vers le Nord est démoli, mur et portes sautés. Dans l’écurie le garde d’écurie BRISSE Marcel est tué par écrasement du crane. Sur 10 chevaux, 3 sont vivants, les yeux brûlés. Les autres sont morts ou par asphyxie ou encore suite de brûlures. La paille de l’écurie est intacte. Le massif de porte de la salle des tracteurs a sauté et la grille a été chassée vers l’intérieur.

 

De la bowette sud, vers l’accrochage du puits 4, les quatre portes d’aérage sont sautées vers l’accrochage.

 

Le cheval Fidèle est tué par la déflagration aux abords de l’accrochage du puits 4. Dans le puits 4 à 120 mètres du jour, se trouve la cage avec le brandisseur KNIZELIS Jean qui porte des contusions et le galibot d’accrochage SCHAAF Kel (brûlures, plaies, décédé le même jour).

 

Du côté Nord de l’accrochage et du puits 4, la poussée venant du puits II a fait sauter les deux portes d’aérage dans la direction du puits.

 

Dans l’accrochage, on trouve le conducteur RUDNICK Antoine, blessé, état de choc, brûlures, contusions, l’aide chargeur d’accrochage, LEWANDOWSKI Florian, blessé, état de choc, fractures, lésions, le chef chargeur d’accrochage MALAK Jean, brûlures, contusions.

 

 

EFFETS MECANIQUES DANS LE PUITS

 

La base d’assise du chevalement est soufflée, ainsi que la maçonnerie du puits. Le sommet du cuvelage est situé à la moise 5, soit à 12 m 75 de la surface.

 

La base du cuvelage est située à la moise 65, soit à 91 m 79 de la surface.

 

Entre les deux points, le cuvelage est sauté. Les moises sont déplacées.

 

En dessous de la moise 15, on trouve une chaussure d’homme.

 

En dessous de la moise 25, se trouve un béguin de trieuse. En dessous de la moise 30 se trouve une casquette. A la moise 54, la colonne d’aire de 250 a explosé une première fois.

Il y a ensuite 22 explosions jusqu’à la moise 265 et la rupture du T à l’étage 341, quand la colonne d’air est séparée par deux colonnes de 160.

 

Le câble de tête et le câble de queue sont noués ensemble entre la moise 325 et 330.

 

Dispositions des cages : Celle du fond est en dessous de l’étage de 403. Au moment de l’explosion, celle du jour était au clichage, son premier étage au clichage même, l’autre étage dans le puits.

 

Après l’explosion elle se trouve à 22 m 25 du clichage aux taquets de sécurité empêchant la cage d’aller aux mollettes.

 

Ainsi la cage du jour pèse avec son contenu 7 tonnes 85 a été projetée et écrasée sur les taquets de sécurité.

 

C’est l’indication que l’explosion est venue du puits, partie du fond et propagée au jour avec une puissance inouïe, déterminant des dégâts dans le puits, surtout le clichage et l’étage 289.

 

On retrouve dans le puits au bouniou les corps des trois disparus :

 

LOBODA  Hélène, 19 ans, polonaise, célibataire, moulinage, trieuse.

BEYER Gertrude, 19 ans, polonaise, célibataire, moulinage, trieuse

GEIGER Hermann, allemand, P.G., moulineur.

 

Ces victimes ne portent aucune brûlure. Au clichage tout est bouleversé, le sol est littéralement labouré.

 

Les recettes du jour, le chevalement ont subi des dégâts importants, voir photographies… En même temps que l’explosion faisait de tels dégâts, une flambée terrible eut lieu.

 

Les berlines de charbon portent des traces très nettes de croutes de coke.

 

On trouve du métal fondu au sommet du chevalement.

 

Toute l’armature en fer du moulinage, du criblage porte dans ses encoignures des traces évidentes de croutes de coke.

 

 

 

EFFETS MECANIQUES DANS LES BOWETTES A L’ETAGE 341

Bowette Nord n°350 à l’Etage 341

 

 

 

A l’entrée de la bowette Nord, un peu avant l’intersection de la bowette Est, quelques berlines de charbon sont retournées. L’arrêt barrage a fonctionné, ses planches sont tombées au sol. En partant vers les fronts après l’entrée de la bowette Est, on retrouve encore des berlines de charbon culbutées. A 80 m, il y a une tôle tordue et une porte de fer au milieu de la bowette. Un train de berlines vides avec quelques éléments culbutés, et le 2ème arrêt barrage ayant fonctionné ses planches étant retournées.

 

Bowette Est n° 30 à l’étage 341

 

A l’entrée de la bowette se trouve une planche d’arrêt barrage en fer sur le sol ainsi qu’une quantité considérable de débris de planches d’arrêts barrages jusqu’à 20 m, ensuite la partie de cette bowette est intacte juqu’à front.

 

Bowette Sud n° 26 à l’étage 341

 

Aucun effet mécanique n’est signalé, les arrêts barrages sont restés intacts.

 

Bowette Sud Ouest n° 27 à  l’étage 341

 

A l’entrée de la bowette, une berline se trouve au milieu à 20 m de là ; une porte en fer de 1,25  m de largeur est tordue. A 40 m, l’arrêt barrage est resté intact ainsi que la bowette elle-même jusqu’à front.

 

A 100 m il y a l’ouvrier GERBER Max qui est blessé : état de choc.

 

 

EFFETS MECANIQUES DANS LES BOWETTES A L’ETAGE 403

Bowette Nord n° 72 à l’étage 403

 

 

A l’entrée de la bowette, il y a le tracteur B.8. dont le capet est retrouvé à 15 m en arrière vers les fronts. A cet endroit, 3 berlines de sable sont renversées au milieu de la bowette et dans la 1ère il y a l’ouvrier JEDRASZACK Edmond, conducteur de tracteur qui est blessé par des brûlures étendues. A 40 m, 2 tôles de tracteurs sont retrouvées ainsi que le corps de DEMICHELIS Baptiste, tué par écrasement du crane. A Partir de cet endroit, jusqu’à 260 m on retrouve des débris de planches d’arrêts barrages pulvérisées, des tôles, des berlines, des cadres, un couloir, ainsi qu’une partie de la mézière qui s’est effondrée.

 

Bowette Sud Ouest n°97 à l’étage 403

 

A l’entrée de la bowette des débris de toutes sortes et ce jusqu’à 260 m, il y a des tôles d’arrêts barrages de déchirées, des cadres de déplacés, des terres de troussage et l’ouvrier KRYSTEK Jean, ajusteur, blessé par plusieurs plaies et contusions. A l’intersection de la voie de fond de Désirée, il y a des débris d’arrêts barrages, des terres de troussage et ce jusqu’à 300 m environ. A partir de cet endroit, la bowette est restée intacte.

 

Bowette Sud n°73 à l’étage 403

 

A 25 m au milieu de matériaux, berlines, palans, l’ouvrier WYSOCKI Simon, ajusteur est mort par brûlures étendue. De cette partie jusque l’entrée de la voie de fond de Désirée, il y a une quantité considérable de matériaux de toutes sortes qui jonchent le sol et ce jusqu’à 210 m. A 190 m il y a le corps de KACZMAREK Jean, aiguilleur, mort par brûlures étendues. A 240 m, l’arrêt barrage est resté intact ainsi que la partie de la bowette jusqu’à front.

 

Bowette Sud Est n° 74 à l’étage 403

 

A l’entrée de la bowette un train de berlines de marnes a subi des effets et quelques berlines se trouvent renversées.


Dans cette bowette, jusqu’à 300 m, il y a des effets mécaniques violents déterminés par des débris de toutes sortes. Des briques et du ciment ainsi que des débris de planches d’arrêts barrages.

 

A partir de cet endroit la bowette est intacte et on retrouve à front de bowette, l’ouvrier GAJDAZ Tadeusz, conducteur de tracteur, blessé par de petites plaies.

 

 

 

 

 

 

LES EFFETS MECANIQUES AU COMPRESSEUR

 

Le compresseur n°5 porte des traces évidentes d’un coup de feu, au bas des clapets de compression on trouve une matière poreuse, épaisse de trois à quatre centimètres, cokéfié à sa surface.

 

La quantité de cette matière indique qu’elle est déposée depuis très longtemps. Son analyse déterminera quelle peut être sa composition et le temps qu’il a fallu pour avoir un tel dépôt.

 

Les traces de flammes violentes que l’on constate à cette partie se retrouvant jusqu’à la sortie du ballon n°1.

 

Le témoin, SKOTARCZAK François a vu sortir des flammes bleuâtres par les soupapes de sécurité. En ce qui concerne le compresseur, l’enquête menée, aussi bien par l’ingénieur en chef des mines que par la commission parlementaire a déterminé les points suivants :

 

1°/ - le purgeur situé en bas des clapets de compression était souvent bouché, le mécanicien se d’un fil de fer pour le déboucher et faire évacuer les huiles qui se trouvaient  à cet endroit.

 

       Ce mauvais fonctionnement du purgeur permet de penser que c’est là la cause initiale de ce dépôt qui s’était fait à cette place

 

2°/ - Dans les consignes prévues pour les compresseurs DUJARDIN, et affichées dans les salles des compresseurs, il est notifié que l’aspiration de l’air doit se faire en dehors d’une atmosphère poussiéreuse. Or nous constatons que la salle d’aspiration située au sous-sol n’est jamais  nettoyée, ni arrosée, que les murs du compresseur perméables, permettent l’entrée de la fine poussière de sciures venant de la scie de bois qui se trouve à proximité de cette salle.

 

        Il y a donc à notre avis, sur le premier point de ces consignes, une grosse responsabilité de l’exploitant.

 

3°/ - Ces mêmes consignes obligent une révision générale du compresseur chaque année. Or, le Compresseur Dujardin, qui a subi le coup de feu n’a jamais été révisé depuis la fin de l’année 1944.

 

         Le motif invoqué au non respect de ces consignes, est le manque d’air au fond, quine permet pas l’arrêt d’un compresseur. Ce deuxième point concernant le non  respect des consignes engagent encore plus la responsabilité de l’exploitant. D’autant plus que l’on change les clapets des compresseurs, ou tous les six mois, ou par année, et cela s’est fait pour les compresseurs du siège à l’exception de celui qui subi le coup de feu.

 

         L’enquête a permis aussi de savoir que le mauvais état de ce compresseur a été signalé à maintes reprises au chef de service de l’entretien, et que malgré cela on en n’a pas tenu compte et toujours pour le même motif, impossible d’arrêter un compresseur parce qu’il manque d’air au fond.

 

        Le mauvais fonctionnement de ce compresseur a été signalé aussi au cours d’une réunion du Comité de siège, par le machiniste LEJEUNE Maurice au mois de mars 1949 parce qu’un  dimanche ce compresseur avait monté à une pression de 8 Kgs 1/3. En annexe de ce rapport,

        se trouve l’attestation signée par les membres du comité de siège qui avaient assisté à cette réunion et entendre signaler ce danger.

 

    Il est impossible de trouver trace au siège d’un cahier de consignes, en ce qui concerne l’utilisation des huiles la nature des huiles et leur analyse. L’enquête qui continue à travers l’analyse aussi bien des huiles que des matières retrouvées au sein du compresseur ne peuvent jusqu’à présent nous permettre de déterminer les causes initiales de ce coup de feu.

 

   A signaler aussi qu’il n’y a pas de thermomètre car les tuyauteries aspiration et refoulement.

   Le Mécanicien prenant la température au toucher, soit dans l’eau du réfrigérant, soit sur la colonne d’arrivée d’air à l’aspiration.

 

   Il est de tain qu’en ce qui concerne le compresseur aucune des consignes n’était respectée, malgré les avis répétés aussi bien des délégués que des membres du comité du puits, ce qui engage toute la responsabilité de l’exploitant.

 

 

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

 

Tous les effets mécaniques indiquent une explosion terrible de poussières.

Cette explosion s’est déclenchée dans le puits,  tous les effets mécaniques constatées tant au fond qu’au jour, le prouve

 

Elle peut provenir d’un autre allumage dans le compresseur en mauvais état de marche, pouvant créer  un mélange explosif qui a fait éclater la colonne d’air dans le puits, aux parties faibles, n’ayant plus qu’une épaisseur de 1 mm au lieu de 6 à l’étalonneur. Cette colonne d’air date d’après la guerre - 14-18 et se trouve dans un état de vétusté. Cette première conclusion entraine donc toute la responsabilité de l’exploitant qui se sert d’un matériel en mauvais état, du en partie à sa vétusté ou à son mauvais entretien.


Les résultats d’analyse d’huile de graissage donneront de précieuses indications. Les clapets de refoulement indiquent qu’ils fonctionnaient mal.

 

 

 

2ème PARTIE

 

POURQUOI UNE EXPLOSION DE POUSSIERES

 

 

La nature du charbon de ce puits n’a fait reconnaitre poussiéreux au premier étage. Il se dégage une quantité formidable de poussières au fond.

 

1°/ - Dans les chantiers d’abattage

2°/ - Aux  points de chargements

3°/ - Aux points de déversement

4°/ - Dans les voies de roulage, tamponnement de berlines.etc….

 

Il s’en dégage une quantité considérable au jour :

1°/ - Au culbuteur : quatre ou huit berlines à la fois sont culbutées

2°/ - Au triage, table à secousses.

 

Aucun moyen de captation de poussières n’existe dans la fosse.

 

Elles sont laissées à leur gré et nettoyées seulement pendant les heures d’arrêt du criblage. Le chevalement étant complètement couvert, le triage, le moulinage étant complètement étanches à part  quelques carreaux cassés, la culbuteur se trouvant à environ  trente mètres du puits. Aucune poussière ne sort des installées.

 

Le criblage, le moulinage étaient pleins de nids à poussières pulvérulentes (les plus dangereuses). L’enquête prouve qu’on les nettoyait seulement au sol, alors que dans toute l’armature en fer des bâtiments il s’en trouve des couches de 20 à 30 centimètres jamais nettoyées.

 

 

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

 

Le puits II étant une entrée d’air, aspire obligatoirement les poussières provoquées par le culbuteur et le triage. D’autant plus facilement que le vent ce jour la chassait du côté du puits ce qui occasionne des poussières partout même dans le puits.

 

 

 

3ème PARTIE

 

 

 

QUELLES SONT LES PREUVES DE LA PRESENCE DE POUSSIERES

 

Elles sont multiples et accusatrices pour l’exploitant. Voyons d’abord les rapports que nous délégués à la sécurité et à l’hygiène, tant du fond que du jour, avons inscrit sur nos registres.

 

Rapport du délégué-mineur :

 

Je signale le 13 avril 1948

 

« Convoyeur Milan – attention également aux poussières. Dans le convoyeur d’après ce que j’ai pu constater, celui-ci ne doit pas être souvent arrosé. Les pulvérisateurs ne marchant plus, les poussières s’accumulent de plus en plus et rendent l’atmosphère irrespirable, de même que derrière la trémie, sur la bavette Sud-est, depuis que celle-ci est arrêtée, on aurait du nettoyer les tas de poussières qui s’y trouvent et achistifier de nouveau la bowette ».

 

Je signale encore le 26 mars 1948

 

« Je me demande pourquoi maintenant on interdit aux pied de la taille et des convoyeurs l’arrosage. Pourtant il y fait une poussière qui empêche d’y voir clair ».

 

Je signale enfin le 30 mars 1948

 

« Quartier Loeil, attention également aux poussières, on ne peut plus respirer tellement celles-ci sont denses. Il faut mettre de plus puissants pulvérisateurs au déversoir des tailles et dans la trémie et aussi les faire parcher. Bien entendu, arroser le plus possible, chose qui m’a semblé se faire rarement dans ce quartier ».

 

 

Rapport du délégué de la surface :

 

Il signale le 17/12/47

 

« Criblage : j’ai déjà signalé dans un rapport précédent que c’était un danger pour le personnel féminin d’avoir des braséros allumés entre les toiles du criblage. Il faudrait activer les réparations du chauffage central, et supprimer les braséros qui sont contraires à l’hygiène et à la sécurité du personnel ».

 

Il signale encore le 12 février 1948

 

« Criblage : moulinage – Il faudrait faire disparaitre beaucoup de vieux matériaux (fer) qui traient dans tous les coins et aussi se pencher sur meilleur nettoyage »

 

Enfin le 18 février 1948

 

Il faudrait faire activer le vitrage du moulinage et criblage car le personnel se plaint des courants d’aire et de la poussière que font ces courants d’air, surtout au culbuteur du moulinage.

 

Et maintenant voilà les questions posées au comité de siège.

 

Rabanel  demande une équipe volante de manœuvres dans le carreau. Motif : pour remplacement des permissionnaires dans les services ainsi que des malades, ceci afin que l’on assure l’entretien du carreau.

 

Monsieur Mangez Directeur délégué répond : Nous ne pouvons donner suite à cette demande qui conduirait à un gaspillage de la main d’œuvre au détriment de la production.

 

Une autre demande de Rabanel : Il demande qu’un ingénieur compétent vienne un jour de 1 heure à 15 heures pour faire visiter avec lui le criblage et le lavoir à sec. Il y a lieu de remettre en état l’installation pour réduire les poussières qui ont beaucoup augmenté.

 

Il est donc prouvé que dans ce puits et dans la première circonscription, il existait une poussière constante.

Les témoignages des hommes que leurs fonctions appellent dans le puits, visiteurs de câbles et autres le prouvent quand ils déclarent être obligés de mettre des lunettes pour faire leur visite ».

 

Ce qui prouve encore plus le courant constant de poussières. C’est que les hommes de l’accrochage étaient eux aussi obligés de travailler avec des lunettes.

 

 

CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE

 

Les rapports des délégués de la surface et du fond, les discussions au comité de puits, les témoignages des hommes travaillant soit dans les puits, soit à l’accrochage avec des lunettes prouvent la présence d’un dégagement continu de poussières à la fosse II.

 

 

 

 

 

4ème PARTIE

 

 

COMMENT POUVAIT ON EVITER CETTE CATASTROPHE

 

1°/ - En respectant le règlement général sur l’exploitation des mines de combustibles dans son  Article 8 : « Les poussières, ainsi que le gaz, incommodés, insalubres ou toxiques, doivent être évacués directement en dehors des ateliers, au fur et à mesure de leur production.

 

        L’air des ateliers doit être renouvelé de façon à rester dans l’état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers.

 

        Or, au puits II, ces poussières n’étaient pas enlevées au fur et à mesure de leur production il y en avait une couche énorme sur l’armature en fer des bâtiments et dans le chevalement du puits.

 

       Ce règlement étant d’ailleurs complété par une circulaire du 1er janvier 1928, aux ingénieurs en chef des Mines, sur les mesures de sécurité contre les dangers de poussières en ce sens :

       Précaution contre la pénétration des poussières des installations extérieures

 

       Au jour, lorsque les culbuteurs sont trop rapprochés d’un puits d’entrée d’air, les poussières très fines et particulièrement dangereuses qui se dégagent de ces appareils sont entrainés dans les puits et pénètrent dans les galeries souterraines.

 

       En général, les installations récentes, sont exemptes de cet inconvénient.

 

       Dans les anciennes, il doit y avoir remédié, soit par des aspirateurs, soit par des gaines, soit en interposant entre l’atelier de criblage et de puits une cloison ne présentant que des ouvertures indispensables pour le passage des berlines soit par tout autre moyen approprié.

 

       Ces caractéristiques sont celles du puits II et les dispositifs de sécurité étaient inexistants.

 

       On devrait d’autre part, dans ce puits, tenir compte de la composition très poussiéreuse du charbon et y apporter remède à l’origine même de la production des poussières.

 

       Le point deux de la circulaire du 10 janvier le précisait d’ailleurs en ce sens : mesures contre l’inflammation des poussières : les mesures préventives contre l’inflammation des poussières visant à supprimer le danger dans son origine même sont d’une importance capitale.

 

      Quelles devraient être ces mesures préventives ?

 

      Ce sont celles demandées par moi, délégué-mineur dans les rapports cités au chapitre III du  Rapport.

 

      Nos pulvérisateurs actuels débitent trop d’eau, mouillent anormalement le charbon, provoquant des accidents de marché dans les lavoirs. Un pistolet à brouillard a été installé à la tête de la trémie pour essai.

 

 

 

 

CONCLUSION DE LA QUATRIEME PARTIE

 

Le règlement général d’exploitation des mines n’étant pas respecté au puits, il manque :

 

1°/ - De mesures préventives au point initial de production de poussières c'est-à-dire au fond.

2°/ - Ces poussières n’étaient pas évacuées au fur et à mesure de leur production à la surface, seulement un coup de balai au sol, pendant les heures d’arrêt.

3°/ - Les installations, criblage et culbuteurs n’avaient aucun dispositif de captation de poussière.

4°/ - Les culbuteurs n’étaient pas séparés du puits d’entrée d’air par une cloison étanche comme le prévoit le règlement.

5°/ - Les consignes des compresseurs n’étaient pas respectées parce que l’on ne pouvait les arrêter afin de faire l’entretien nécessaire sans faire manquer d’air au fond.

 

 

 

 

CONCLUSION GENERALE

 

Tenant compte de toutes ces observations contenues dans ce rapport, nul doute n’est permis, l’exploitant est responsable de la catastrophe. Sans l’en accuser, nous pouvons affirmer qu’il n’est pas le seul.

 

La disparition des véritables nationalisations au bénéfice de l’Etat-Patron, veut que le gouvernement ait donné une orientation nouvelle à la politique charbonnière de notre Pays.

 

Cette politique consiste à faire du charbon à des prix de revient le plus bas et cela à tout prix, ce qui ne peut se faire que contre les intérêts des mineurs qui sont sous les coups de telles catastrophes.

 

Ainsi donc ont peut dégager le résumé des conclusions :

 

1°/ - Responsabilité de l’exploitant ne tenant aucun compte des rapports des délégués et du comité

       de puits

 

       Responsabilité du fait du non respect du règlement général sur l’exploitation des mines poussiéreuses, manque d’arrosage, aucun moyen de combattre les poussières à leur production initiale, aucun moyen de captation des poussières à la surface, pas de séparation entre le culbuteur et le puits d’entrée d’air.

 

       Pas d’entretien des compresseurs comme le prévoit les consignes.

 

2°/ - Responsabilité de l’Etat Patron avec sa politique du prix de revient le plus bas possible, donnant des ordres impératifs à l’exploitant pour l’appliquer, refusant les crédits pour  travaux neufs  nécessaires à la modernisation des houillères, enlevant toute possibilité d’adaptation des moyens modernes de lutte contre les poussières.

 

QUELLES SONT NOS PROPOSITIONS DEVANT UNE TELLE SITUATION

 

1°/ - En finir avec la politique de l’Etat-Patron et abroger les notes et l’esprit que donne le ministre du commerce et de l’industrie, Robert LACOSTE, sur l’exploitation minière dans notre pays.

 

2°/ - Donner les crédits nécessaires au Houillères pour permettre l’application au plan d’équipement et de modernisation, plan qui doit permettre de créer des installations, ou les dangers des poussières seront disparues par des aménagements modernes des criblages et des moulinages, plan qui permettra aussi d’avoir des procédés techniques combattant les poussières au moment de leur production « l’injection d’eau et autres ».

 

3°/ - Renforcer le cadre des ingénieurs du fond, en supprimant le surnombre d’ingénieurs dans les bureaux qui ne sont que de vulgaires paperassiers.

 

4°/ - Donner plus de pouvoirs aux délégués-mineurs leur permettant d’arrêter tout chantier où il y a danger imminent ou encore un jour franc après l’avertissement écrit à l’exploitant lors de la présence de gaz ou de poussières.

 

        Donner la possibilité aux délégués mineurs de suivre des cours techniques sur la marche des appareils de sécurité et d’hygiène permettant de perfectionner leur travail. Décentraliser immédiatement les circonscriptions de délégués-mineurs trop importantes, qui empêchent un bon fonctionnement du  rôle trop importants, que celui-ci a dans la surveillance de la Sécurité.

 

         Porter un aménagement à la loi sur les délégués-mineurs obligeant l’exploitant à consigner toutes ses réponses sur le livre de rapport des délégués, ainsi que celles du service des Mines faites au cours de ses visites.

 

                                                                       Fait à Sallaumines, le 22 mai 1948

 

 

          Le Délégué Mineur                                                     Le Délégué de la surface

 

 

 

 

 

Transcription Chantal Pipet

 

Photos dossier

Archives départementales du Pas de Calais

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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