HULLUCH   (21 juin 1962) et Hugues DELBROEUVE sur un accident similaire en 1952

A la fosse 13 d'Hulluch, l'exploitation du charbon est assurée par 400 mineurs environ, lequel charbon est remonté par le puits de concentration du 18 de Lens.

 

Dans cette fosse, une veine de charbon : Elisa. Une petite taille : 17 m de long avec une ouverture de 1,20 m, au fond d'une voie en impasse. Etage : 550. Le soutènement de la taille un soutènement métallique réalisé avec des étançons et des rallonges articulées en porte-à-faux.

 

Un agent de maîtrise, de passage dans cette taille après l'abattage effectué au poste précédent, remarque que le toit n'est pas sûr, et le signale.

 

Sous la conduite de Michel Gruson, chef de taille, une équipe est formée pour renforcer le soutènement.

Un homme refuse de travailler dans la taille ; à son avis, le toit ne tient pas et il y a de l'eau. Mineur depuis 7 ans, il habite près de la maison de Michel. Celui-ci et un porion le raisonnent. Rien à faire. Il demande à changer de poste. Refus catégorique. Il demande à remonter, avec un billet : « refus de travail ». Francisco Carchidi remonte, retourne chez lui au no 9 de la rue du Havre à Hulluch, retrouve sa femme, ses deux enfants .. .

 

Pendant ce temps, au fond . . . L'équipe est formée : un moniteur marocain, deux ouvriers marocains expérimentés et deux autres nouvellement embauchés. Pour renforcer le soutènement, faut-il poser des étançons supplémentaires ou mettre en place des longerons ? Michel Gruson décide. Les six hommes sont dans la taille. Un ou plusieurs longerons ont-ils été installés ? Le toit craque soudain, les étançons sont basculés vers le foudroyage. C'est l'éboulement dans un vacarme épouvantable : un déluge de charbon, de pierres et de poussières. Il est environ 20 heures.

 

Un ouvrier marocain travaillant près de là donne l'alerte. Des sauveteurs arrivent sur les lieux du drame. Les opérations de dégagement s'avèrent très difficiles Avec l'espoir cependant de sauver au moins un homme qui répond aux appels : Michel Gruson, coincé quelque part dans l'éboulement.

 

Comment opérer pour dégager ou sauver les « emmurés » tout en parant à un nouvel éboulement ? Une vingtaine de mineurs sont recrutés ; parmi eux, des volontaires marocains. Des équipes de cinq, six, huit hommes sont constituées, se relayant toutes les cinq heures. Sur le carreau de la fosse, des ambulances attendent ; au fond de la mine, des médecins assurent une permanence.

 

Les sauveteurs remontent le massif de charbon, déblayent les terres éboulées. Depuis plusieurs heures ils s'acharnent, avançant dans la direction de Michel Gruson qui garde le contact. Vers 3 heures du matin, celui-ci s'inquiète : « Vite, vite . . . l'eau monte . . . ça sent le gaz ! ». Un barrage de pierres le sépare des sauveteurs. Ceux-ci tentent une manœuvre désespérée. Le terrain est mouvant ; un nouvel éboulement se produit. Michel ne répond plus. Il est mort.

 

A 550 mètres sous terre, les sauveteurs poursuivent leur tâche harassante afin de reprendre à la mine les corps de leurs camarades. L'avancement des opérations est retardé par des éboulements continus, qui les obligent à renforcer le soutènement.

 

Vers 13 heures, le premier corps est dégagé, puis un second : deux Marocains remontés et transportés à la morgue du Centre Hospitalier de Lens.

 

Parmi les personnalités présentes sur les lieux de la catastrophe, M. le Consul du Maroc.

 

Et deux femmes, dans l'attente d'une maternité, vivent un cauchemar : l'épouse de Michel Gruson qui avait déjà une fillette d'un an et celle de Brahim Ben Ahmed, une européenne.

 

Michel Gruson est remonté vers 20 h 45. Son épouse et sa famille venue d'Annezin-lez-Béthune ont accès au carreau de fosse. Moment éprouvant, dramatique. Le corps de Michel est conduit à Annezin, son village natal.

 

Après 35 heures d'efforts, le samedi 23 juin, vers 7 heures, la dernière et sixième victime de la catastrophe est dégagée, puis remontée et dirigée, comme les autres victimes marocaines, à la morgue du Centre Hospitalier de Lens.

 

Quatre des mineurs marocains, dont deux habitaient à Liévin et les deux autres à Meurchin, étaient originaires de la région d'Agadir, tristement renommée par un tremblement de terre. Leurs épouses sont restées au Maroc ; ils laissent onze orphelins.

 

Dans cette même fosse, il y a 10 ans, un oncle par alliance de Michel Gruson avait péri, noyé.

 

Lundi 25, à 10 h 30, funérailles de Michel Gruson. Bien avant 10 heures, au domicile de ses parents, 51, rue des Martyrs, défilent devant le cercueil recouvert de fleurs, des parents, des amis, de nombreuses personnes venues témoigner leur sympathie à la famille.

 

Dans l'église, beaucoup trop petite pour accueillir la foule, l'abbé Pronier célèbre la messe de Requiem. L'abbé Delelis, doyen de Béthune, apporte à la famille le réconfort de l'Eglise. Le chanoine Beillard, représentant Mgr Huyghe, chante l'absoute.

 

A la fin de la cérémonie religieuse, Michel est conduit au cimetière d'Annezin en un long cortège : des porteurs de gerbes, les Charitables, qu'encadrent des mineurs en tenue de travail formant une haie d'honneur. Des personnalités, dont les députés Just Evrard et Derancy, les conseillers généraux Delelis et Harmant, de nombreux maires, une foule innombrable l'accom­pagnent à sa dernière demeure.

 

Au cimetière, une seule allocution devant la tombe ; c'est l'adieu au nom de tous, du président de la Société de secours mutuels « La Solidarité », Jean Lestave.

L'après-midi, à 15 heures, quelque cinq mille mineurs marocains sont rassemblés à Lens pour participer aux funérailles de leurs frères de travail. Les cercueils, émergeant d'un beau parterre de fleurs, sont alignés dans l'enceinte du Centre Hospi­talier de Lens. De nombreux mineurs français participent aux funérailles.

 

Des personnalités passent, s'inclinent : Si Thari, consul général du Maroc ; MM. Cousin, préfet, et Souvraz, sous-préfet de Lens ; MM. Darchicourt, Darras, Derancy, Evrard et Schaffner, députés ; M. Aurel, directeur général, et autres représentants des H.B.N.P.C. ; de nombreux élus de la région.

 

Un cortège se forme, gagne le cimetière de la fosse 14 - cimetière « nord » de Lens -, s'arrête près d'une enclave réservée aux sépultures musulmanes. Sous la conduite de l'imam Brahim, les Marocains prient : une cérémonie religieuse selon le rite mahométan. Les cinq mineurs marocains victimes de l'éboulement d'Hulluch, reposent à côté de leurs frères inhumés, en terre étrangère.

20 ans plus tard, le vendredi 16 avril après-midi, ma femme et moi-même, nous nous rendons au cimetière « nord » de Lens. En vain nous cherchons les sépultures que nous trouvons finalement grâce à l'obligeance du fossoyeur : « Là-bas, contre la clôture ».

 

Quelques pierres tombales à même le sol, disposées en oblique, sans doute orientées vers La Mecque. En guise de croix, un bout de bois surmonté d'un croissant, le tout pourri ; bois parfois cassé, parfois tombé.

Où reposent Brahim, Lhoussain, Moulay, Ahmed, Audonge ? ... Reposent-ils vraiment dans ce coin abandonné du cimetière ? Sur l'une des pierres tombales, une plaque « Ingénieurs et employés du 13-18 » ; sur une autre : « Ingénieurs et employés du siège 18 » ... Sur les autres, rien. Aucun nom.

 

Ils ont eu leur photo dans la presse ... Des personnalités marocaines et françaises se sont inclinées devant leur dépouille mortelle .. .

Victimes de la Mine au service de l'Industrie française, ils sont tombés dans l'oubli, parce qu'inhumés en terre étrangère. Les Français n'ont-ils pas des devoirs envers eux ? Victimes du travail, ces mineurs marocains n'ont-ils pas droit aux mêmes égards que leurs frères inhumés dans les cimetières militaires ?

Que cette page perpétue leur souvenir !

 

HULLUCH : 21 juin 1962

GRUSON Michel,                                                  26 ans,      chef de taille

BRAHIM ben AHMED ben BRAHIM,                    29 ans,       moniteur

LHOUSSAIN ben RAHON ben FARES,                  24 ans

MOULAY LAHCEM ben MOHAMED,                   24 ans

AHMED AHMED ben JAMAA ben SI BOUICH,      23 ans

AUDONGE ben BRAHIM ben ABDALLAH,            28 ans

 

 

         le préfet et l'embassadeur du Maroc

 

Un complement envoyé par Hugues DELBROEUVE sur un accident similaire en 1952       

 

Je me permets de venir vers vous pour vous apporter mon témoignage qui je l’espère vous intéressera et sera susceptible de compléter votre exposé sur les accidents de la mine.

 

J’ai lu avec le plus grand intérêt votre rubrique traitant ce sujet et plus particulièrement l’accident survenu le 21 juin 1962 à la fosse la fosse 13 D'HULLUCH, qui a fait 6 victimes, monsieur Michel GRUSON et 5 de ses camarades d’origine marocaine, MM BRAHIM ben AHMED ben BRAHIM, LHOUSSAIN ben RAHON ben ARES, MOULAY LAHCEM ben MOHAMED, AHMED AHMED ben JAMAA ben SI BOUICH, et AUDONGE ben BRAHIM ben ABDALLAH  (impossible de vous écrire sans les citer tous)       

 

S’agissant de Michel GRUSON Vous écrivez notamment :

 

« Les sauveteurs … avançant dans la direction de Michel GRUSON qui garde le contact. Vers 3 heures du matin, celui-ci s'inquiète : « Vite, vite . . . l'eau monte

……..

Parmi les personnalités présentes sur les lieux de la catastrophe ……. deux femmes, dans l'attente d'une maternité, vivent un cauchemar : l'épouse de Michel GRUSON qui avait déjà une fillette d'un an et celle de Brahim Ben Ahmed, une européenne.

 .......

Michel GRUSON est remonté vers 20 h 45. Son épouse et sa famille venue d'Annezin-lez-Béthune ont accès au carreau de fosse. Moment éprouvant, dramatique. Le corps de Michel est conduit à Annezin, son village natal.


 

 ………. Dans cette même fosse, il y a 10 ans, un oncle par alliance de Michel GRUSON avait péri, noyé. »

 

  

Je pense que l’oncle par alliance de Michel GRUSON, mort noyé 10 ans auparavant, était mon père Roger DELBROEUVE.

 

En effet comme vous pourrez le vérifier à la lecture des documents* que je joints en annexe et dans mes mails suivants, mon père semble correspondre à cet oncle par alliance. *(déclaration d’accident des Houillères – extrait du PV d’enquête de la SECU sur l’accident -  Photo enterrent extraits journaux)

 

Je ne dispose pas d’information relative à la filiation entre mon père et Michel GRUSON, mais les faits semblent concordants : 

 

Roger  Emile Joseph DELBROEUVE  est né le 23.08.1925 à  VENDIN.

Il habitait rue des Maisons Rouges prolongée à ANNEZIN, devenue rue Paul et François VASSEUR.

Il était traceur aux Houillères du Bassin du Nord et du Pas de Calais – Groupe de Lens

Il est décédé le 05.05.1952, noyé lors d’un accident survenu au fond de la fosse 13 à HULLUCH (veine 12 – voie 24).

 

Au-delà des faits tragiques, j’ai été frappé par certaines similitudes de destins que je soumets à votre réflexion :

 

Michel GRUSON et Roger DELBROEUVE sont décédés accidentellement dans la même fosse, le premier à l’âge de 26 ans le second dans sa 27ème année.

 

L’eau a été un facteur déterminant dans les 2 décès.

 

Mme GRUSON était déjà maman d’une fillette d’un an et était enceinte d’un autre enfant au moment de l’accident.

 

Ma maman avait déjà un fils (Hervé), né en 1951 et me portait dans son ventre au moment de l’accident. Je suis né 2 mois plus tard le 23.07.1952.

 

Michel GRUSON et Roger DELBROEUVE sont enterrés au cimetière d’ANNEZIN, derrière le coron de la rue du 8 mai.

 

 

Je ne dispose malheureusement pas d’autres informations concernant les circonstances de l’accident qui a coûté la vie de mon père. Je cherche depuis longtemps, dans les livres sur « la mine » et sur le Net mais c’est la première fois que je lis quelque chose qui me semble correspondre.

Cette carence est peut-être dû au fait que mon père a été la seule victime de l’accident de mai 1952, mais d’autres victimes aurait pu être dénombrées si ce que j’ai entendu dans mes jeunes années s’avérait exact.

 

AVIS DE RECERCHE :pour tout renseignement complémentaire contacter le site merci d'avance

     

  

 

 

 

 

                                 

 

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