Catastrophe de Denain Fosse Turenne 39 morts

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Articles de presse

Le courrier des Vosges

« Confiens dans la prudence de nos ingénieurs, certains de la bonne direction des travaux, nous ne croyions plus au danger d'explosions dans nos mines. Il existait pourtant, aussi terrible que partout ailleurs ; ce qui vient de se passer près de nous montre combien la prudence humaine est souvent prise au dépourvu.

« Jeudi, vers midi, un bruit sinistre se répandit à Denain, et jeta l'épouvante dans toutes les familles;  le grisou avait fait explosion à la fosse Turenne

Quelle était l'importance du sinistre ? on l’ignorait, et la foule haletante se porta aux environs de la houillère, ne sachant ce qu'elle devait espérer ou craindre.

«             Avec un sang-froid et une intelligence digne des plus grands éloges les directeurs du service s'étaient hâtés, une fois l'accident constaté, d'organiser les moyens de sauvetage. Bientôt on put apprécier l'étendue du désastre. L'explosion du gaz avait eu des conséquences épouvantables.

«             Au fond de la fosse Turenne qui pour la bonne construction des appareils et la régularité de l'exploitation, et cependant : citée comme modèle, travaillant de nombreux ouvriers. Après le coup de feu bon nombre d'entre eux purent s'échapper par les galeries voisines ; mais bien d'autres avaient été atteints par les éboulements ou asphyxiés par le gaz acide carbonique dans les galeries obstruées. - Dans les premières heures du travail, on ramena au jour 22 cadavres et 8 ou 10 blessés. Douze hommes : au moins manquaient encore à l'appel.

« M. le sous-préfet et M. le procureur impérial s'étaient rendus sur les lieux au sitôt la nouvelle du sinistre connue. I1 y rencontre les chefs de la compagnie des mines, d’Anzin : MM. Leb et, Courtin Delbecq ingénieurs etc. Leur présence encourage les travaux.

Bientôt apparurent au jour d'autres victimes on en porte aujourd'hui le nombre total à 27.

Ce chiffre est transmis par des sauveteurs. Il n’apparait malheureusement pas exagéré. K.us le livrons à la publicité en l'absence de renseigne­ments officiel :

« Les funérailles des malheureux mineurs auront liu aujourd'hui. Des souscriptions s'ou­vrent en faveur de leurs familles. »

 

 

Le petit journal

On nous 'écrit de Denain (Nord), le 9 février : Une catastrophe épouvantable vient de jeter ici la consternation.

Vers midi, le grisou (gaz hydrogène protocarboné) a fait explosion à la fosse Turenne et à l'heure qu’il est dix-neuf victimes gisent sans vie sur le carreau de la fosse.

Le nombre de ceux qui restent à retrouver est encore inconnu.

Contre ces accidents si fréquents dans les charbonnages, les moyens ordinaires, tels qu'aspiration de l'air méphitique des galeries par de puissants ventilateurs, foyers et cheminées d'aérage sont-ils suffisants.

Amon sens, la chimie seule serait assez puis­sante pour vaincre ce fléau des exploitations houil­lères.

Ainsi, de même que le chlorure de chaux neu­tralise les miasmes épidémiques, ne pourrait-on trouver un corps simple et peu coûteux qui, gazéi­fié, vînt modifier la composition chimique du terrible grisou ?           

Je livre ce rudiment d'idée à ceux de vos innombrables lecteurs à qui la chimie est familière, sou­haitant que l'un d'eux puisse, en la réalisant, ren­dre la sécurité aux travailleurs des mines et aux exploitants.

Un lecteur du Petit Journal.

 

Le messager du midi

Nous lisons dans le Courrier du Nord, du 11 février

 

« Confiants dans la prudence de nos ingénieurs, certains de la bonne direction des travaux, nous ne croyions plus au danger d'explosion dans nos mines. Il existait pourtant, aussi terrible que par­tout ailleurs ; ce qui vient de se passer près de nous, montre combien la prudence humaine est souvent prise au dépourvu.

« Jeudi, vers midi, un bruit sinistre se répandit à Denain, et jeta l'épouvante dans toutes les familles le grisou avait fait explosion à la Turenne Quelle était l'importance du sinistre ? On l'ignorait, et la foule haletante se porta aux environs de la houillère, ne sachant ce qu'elle devait espérer ou craindre.

« Avec un sang-froid et une intelligence digne des plus grands éloges, les directeurs des services s'étaient hâtés, une fois l'accident constaté, d'or­ganiser les moyens de sauvetage. Bientôt on put apprécier l'étendue du désastre. L'explosion du gaz avait eu des conséquences épouvantables.

« Au fond do la   te, qui, pour la bonne construction des appareils et la régularité du l'exploitation, est cependant citée comme modèle travaillaient do nombreux ouvriers. Après le coup de feu, ben nombre d'entre eux purent s'échapper par les galeries voisines; mais bien d'autres avaient été atteints par les éboulements ou asphyxiés par le gaz acide carbonique dans les galeries obstruées. Dans les premières heures de travail, on ramena au jour vingt-deux cadavres et huit ou dix blessés. Douze hommes, au moins, manquaient encore à l'appel fosse

« M. le sous-préfet et M. le procureur impérial s’étaient rendus sur les lieux, aussitôt la nouvelle du sinistre connue. Ils y rencontrèrent les chefs de la Compagnie d'Anzin : MM. Lebret, Courtin, Declerck, ingénieur, etc. Leur présence encou­rageait les travailleurs. Bientôt apparurent au jour d'autres victimes, on en porte aujourd'hui le nombre total à vingt-sept. Ce chiffre est transmis par des voyageurs, Il ne parait malheureusement pas exagéré. Nous le livrons à la publicité en l'absence de renseignements officiels.

« Les funérailles des malheureux mineurs au­ront lieu aujourd'hui. Des souscriptions s'ouvrent en faveur de leurs familles. »

 

Le pays 

— Une catastrophe a eu lieu à Denain. Voici les détails que nous trouvons dans l'Echo de le Frontière :

Le bruit s'est tout à coup répandu hier après-midi, dans notre ville, qu'une affreuse catastrophe, dans le genre de celle qui est arrivée dernièrement à Dour (Belgique), et dont nous avons fait connaitre les terribles détails venait de se produire à Denain, dans la fosse Turenne

Cette triste nouvelle n'est malheureusement que trop fondée : c'est vers midi alors que près de trois cents ouvriers se trouvaient dans la mine, que l'explosion de grisou a eu lien. Rien ne pouvait faire prévoir cet épouvantable accident, dont la cause, due sans doute, comme cela n'arrive que trop fréquemment, à une imprudence, est restée ignorée jusqu'ici. Les appareils d'aérage fonctionnaient parfaitement, et s'il y a lieu d'être étonné, c'est que le coup de feu ait justement éclaté dans cette fosse qui, pour son exploitation, est citée comme modèle de perfection.        .               .

Aussitôt l'explosion produite, ce fut un navrant spectacle : un grand nombre d'ouvriers parvinrent à s'échapper par les galeries voisines, mais d'autres, frappés d'asphyxie, tombaient à coté de leurs camarades atteints par le feu.

On procéda immédiatement au sauvetage sous la direction des ingénieurs de la Compagnie, avec le louable dévouement qu'on trouve toujours dans la population houillère. A la première nouvelle du sinistre, M. le sous-préfet do Valenciennes s'était rendu sur les lieux, on il trouva M. de Clerck, ingé­nieur des mines ; M. Lebret, régisseur gérant ; M. Courtin et les principaux chefs de service de la Compagnie des mines d'Anzin.

L'étendue du désastre ne saurait être sûrement déterminée aujourd’hui ; nous savons seulement que le nombre des morts est évalué à 30 environ. Au moment où nous écrivons, 22 cadavres ont été retirés de la fosse ; 12 ouvriers manquent encore à l'appel.

La commune de Denain est plongée dans le deuil et la désolation.

 

 

 

DISTRIBUTION SOLENNELLE DE MÉDAILLES D’HONNEUR AUX OUVRIERS MINEURS qui se sont le plus distingués dans le sauvetage de vingt-neuf de leurs camarades surpris par une explosion de grisou dans la fosse Turenne, à Denain, le 9 février 1865

 

COMPTE-RENDU

La journée du 9 février 1865 a été marquée à Denain par l'un de ces douloureux événements dont les houillères sont trop souvent le théâtre. Une explosion de grisou a eu lieu dans la fosse Turenne et y a jeté l'épouvante et la mort. Cependant, grâce au sang-froid, à l'énergie et au dévouement de braves ouvriers mineurs, le nombre des victimes, déjà trop grand hélas ! a pu être diminué de près de moitié. Ces actes d'intrépidité, voisins de l'héroïsme, si l'on songe au milieu dans lequel ils durent s'accomplir, ont excité l'admiration générale. La Société impériale d'agriculture, sciences et arts de l'ar­rondissement de Valenciennes s'en est émue et, fidèle à sa tradition, elle a, sur la proposition de sa section de moralité, décidé que des médailles seraient décernées publiquement à Denain à ceux des ou­vriers mineurs qui s'étaient plus particulièrement distingués dans le périlleux sauvetage de leurs camarades.

Cette solennité-a été fixée au dimanche 18 juin.

Partie à deux heures et demie de la station du chemin de fer d'Anzin, par un train spécial que la Compagnie des mines avait eu l'obligeance de mettre à sa disposition, la Société ayant à sa tête M. le vicomte Malher, sous-préfet de l'arrondissement, qui lui avait fait l'honneur d'accepter la présidence de la réunion, est arrivée à Denain un peu avant trois heures et a été reçue à la gare par M. Payen, adjoint (en l'absence de M. Adolphe Deslinsel, maire, rete­nu par indisposition), par les membres du Conseil municipal, du Comice agricole et de la Commission de répartition des secours, parmi lesquels se trouvaient MM. Gouvion-Deroy, A. Jenart, J. Gonvion, Zoude, etc., etc. — Selon le désir qu'en avait manifesté la Société, il n'y avait ni musique ni escorte de pompiers, afin que l'acte de justice qu'elle allait accomplir conservât sa simplicité et ne revêtit point le caractère d'une fête dont l'éclat eut pu contraster pénible­ment avec l'amertume de plaies encore saignantes. Le cortège s'étant formé prit la direction de la Mairie où l'attendaient M. Le Bret, associé-régisseur-gérant de la Compagnie d'Anzin, les mineurs proposés pour les récompenses et les employés de la Compagnie.

A trois heures précises, M. le Sous-Préfet monte au fauteuil de la présidence. Près de lui prennent place au bureau M. E. Grar, prési­dent de la Société, M. V. Bultot, vice-président, M. le doyen Capelle, président de la Section de moralité, M. Le Bret, M. Payen, adjoint au maire de Denain, M. A. Martin, secrétaire général de la Société, M. Bonnier, président du Comice agricole de Condé, M. l'abbé Le-Houcq, secrétaire de la Section de moralité, M. Cellier, archiviste de la Société, M. J. Lecat, bibliothécaire, M. Em. Blondeau, trésorier.

Des deux côtés du Bureau se rangent les membres de la Section centrale, de la Section de moralité et de la Commission de répartition des secours, des Comices et Sections de la Société.

Sur l'invitation de M. le Président, les portes sont ouvertes au pu­blic qui remplit promptement les places restées vides dans l'enceinte.

La séance est ouverte.

M. le Sous-Préfet se lève et prononce un discours vivement senti que nous regrettons de ne pouvoir reproduire in extenso. Il rappelle que depuis 1843 la Société impériale de Valenciennes décerne des médailles pour les bons et loyaux services, pour les actes de courage, de vertu et de dévouement, et qu'en venant récompenser, en pré­sence de leurs concitoyens, les ouvriers mineurs qui, à la suite de la catastrophe de la fosse Turenne ont montré le plus d'abnégation et d'intrépidité, elle ne fait qu'obéir à une tradition qui l'honore.

Il ajoute qu'il est particulièrement heureux de s'associer à cette ma­nifestation ; elle complète les manifestations si unanimes et si tou­chantes qui sont venues prouver les sentiments de vive sympathie que tout notre pays porte à la bonne et brave population des mines ; elle annonce encore d'autres récompenses dont la délivrance, au nom du Gouvernement, viendra consacrer avec éclat le souvenir de ces belles actions.

Il termine par ces mots qui sont restés gravés dans la mémoire de tous :

« Si les récompenses, pour rester précieuses, n'ont pu être accordées qu'à quelques-uns seulement, les éloges pour être justes doivent s'adresser à tous. »

Ces bonnes paroles, qui répondaient si bien aux sentiments de tous, ont été accueillies par les plus vifs applaudissements.

— La parole est donnée à M. l'abbé Le-Houcq, secrétaire de la Sec­tion de moralité, chargé du rapport sur les actes de dévouement. M. le rapporteur s'exprime en ces termes :

Messieurs,

« Pour peu que nous ayons l'habitude de regarder autour de nous, et de nous rendre compte de ce que nous voyons, nous ne tardons pas à découvrir que nous sommes sous l'empire de deux grandes lois auxquelles la Providence divine nous a  soumis, et dont elle-même ne s'écarte jamais dans son action sur l'humanité. La première de ces lois veut que notre vie ici-bas soit une vie de labeur et de lutte continuelle : le mal et la douleur, voilà ce qu'elle semble nous donner en partage. L'autre loi veut que nous cherchions sans cesse à alléger le fardeau de ces labeurs, à adoucir l'amertume de ces douleurs, à sortir victorieux de ces luttes : la patience qui supporte, l'énergie qui triomphe et assure le succès ; voilà, je ne dirai plus ce que Dieu veut trouver en nous, mais ce qu'il a mis lui-même en germe dans sa créature. Voyez plutôt, Messieurs. Nos campagnes ne devaient qu'à regret nous laisser prendre le pain nécessaire à notre subsistance ; et Dieu a mis au cœur du laboureur l'amour obstiné du travail, pendant qu'il donnait à ses membres une infatigable vigueur. La guerre, avec tous les fléaux qu'elle apporte, devait de temps en temps menacer la patrie et troubler son repos ; et Dieu a soufflé au cœur du soldat le culte de la gloire, la soif du danger, le mépris de la mort, pendant qu'il donnait aux chefs la sagesse et le sang-froid, gages de la victoire. Le sein de la terre renfermait des trésors inconnus aux générations anciennes, et nécessaires au développement de l'industrie et de la civilisation moderne ; et Dieu a suscité des hommes de science qui, à force de recherches et de calculs, ont deviné ces trésors, en ont démontré l'existence, ont fourni les moyens de les arracher des pro­fondeurs où ils étaient enfouis ; et en même temps, il mettait dans l'âme du mineur les doubles qualités du laboureur et du soldat. Car il aura, cet homme, besoin de toute la patience, de toute l'énergie, de toute l'infatigabilité du laboureur ; il aura donc cette patience, cette énergie, cette infatigabilité : mais en même temps il aura l'intrépidité, le sang-froid, le mépris du danger qui distinguent le soldat, parce que, comme lui, il aura des ennemis à braver à repousser et à vaincre ; ennemis d'autant plus redoutables qu'ils sont invisibles, et leurs atta­ques imprévues. Oui, Messieurs, voilà les belles qualités que Dieu a départies aux hommes de l'industrie minière, depuis l'homme qui en est la tête, jusqu'à celui qui en est le bras ; depuis celui qui représente la pensée qui dirige, jusqu'à celui qui représente l'instrument qui exécute.

« Mais ces belles qualités se montrent surtout dans les circonstances difficiles. Car nous ne sommes pas de ceux qui disent que c'est le péril qui donne le courage. Non, Messieurs, le péril  ne donne pas plus le courage que la maladie ne donne la science au médecin : elle lui procure seulement l'occasion de se déployer. Nous disons donc que ces belles qualités se montrent dans les circonstances difficiles. Alors seulement on peut apprécier tous les trésors d'intrépidité, de charité et de dévouement que peut renfermer l'âme d'un homme. Alors, il se produit de ces actes dont un pays entier a le droit d'être fier, et dont les auteurs tireraient peut-être vanité, si la vanité n'était pas chose trop petite pour entrer dans de pareils cœurs, et si peut-être une pensée secrète de foi chrétienne ne les avertissait qu'ils doivent plutôt rendre grâce à Dieu qui les a faits ce qu'ils sont.

» C'est ce dont nous avons été témoins, Messieurs, dans le terrible événement qui est venu naguère jeter la consternation au milieu de nous. Au 9 février dernier, un cri sinistre s'est fait entendre. Une explosion à la fosse Turenne ! Une explosion, Messieurs ! quelles idées funèbres un pareil mot ne doit-il pas éveiller ? Une explosion, c'est l'incendie avec ses flammes dévorantes ; c'est l'ouragan avec ses tour­billons les plus impétueux ; c'est le tremblement de terre avec ses plus incroyables bouleversements ; c'est l'inondation, quelquefois, l'asphyxie presque toujours ; ce sont tous les dangers accumulés, toutes les morts réunies. Et malgré cela, croyez-vous qu'autour de la fosse Turenne on calcule, qu'on délibère, qu'on hésite ?

L'affreuse nouvelle est à peine connue, M. Jules Dumont sous-directeur de la Compagnie pour les travaux du fond, arrive en toute hâte à la fosse. D'un coup-d’œil il a vu l'étendue du malheur et la gravité de ses devoirs. ll est chef, et par conséquent c'est à lui qu'in­combe l'organisation du sauvetage, la direction des opérations à tenter des secours à porter prudence et sang-froid, voilà les qualités qu'il devra d'abord déployer pour que les mesures adoptées soient efficaces : pour que de nouveaux malheurs, fruits d'héroïques imprudences, ne viennent pas grossir la liste des victimes. Mais il doit aussi l'exemple, car si la sagesse dirige la générosité de l'exemple anime et culmine. Aussi, il paraît bientôt, vêtu du costume des mineurs. Et pourquoi donc, Messieurs ? C'est pour descendre quand il le faudra avec ses braves ouvriers, pour pénétrer dans les sombres galeries, au milieu des éboulements sans cesse menaçants et des gaz délétères, encourager partout, diriger tout, avoir l’œil à tout, et ne quitter le terrible champ de bataille qu'après avoir vu arracher à la mort les victimes qu'elle n'avait pu encore dévorer. Lutte magnifique entre tous ces hommes, où l'on ne sait ce que l'on doit le plus admirer, de l'intrépidité dans le dévouement, ou du dévouement dans le devoir.

» Mais que se passe-t-il cependant dans les entrailles de la terre ? Tant de courage ne serait-il point dépensé en pure perte ? Ne recevra-t-on pas une fois de plus cette terrible réponse : trop tard ! Heureuse­ment non, Messieurs, car, là aussi il y avait des hommes !

» Le sieur Dulieu (Jean-Baptiste), lampiste de la compagnie d'Anzin se trouvait en ce moment dans la fosse mais dans une autre galerie, et dans une direction opposée à relie où avait eu lieu l'accident. La commotion lui apprit à la fois le malheur dont ses camarades venaient d'être frappés, et le danger que lui-même avait couru. Que pensez-vous qu'il fasse, Messieurs ? Une âme ordinaire eut été ébranlée, ne fût-ce qu'un instant ; car le danger parait plus terrible encore quand on vient d'y échapper que lorsqu'on le brave ou qu'on le cherche. Mais Dulieu n'est point une âme ordinaire. A l'instant mème, et sans hésitation, il court vers les lieux où son cœur l'appelle. Les voies sont obstruées, et les portes d'aérage brisées. Avec une présence d'esprit admirable, il rétablit à la hâte l'aération au moyen de couvertures de coton qu'il s'est procurées à l'accrochage, il refoule l'air de galeries en galeries, et le force enfin de pénétrer avec lui jusqu'au fond de l'abîme où vingt et un pauvres ouvriers gisaient expirants. Alors surviennent Joly (Louis) et Wattiez (Jean-Baptiste). Après avoir traversé les gaz dont ils commençaient à ressentir les funestes effets, s'encourageant l'un l'autre pour soutenir leurs forces qui s'épuisent, ils marchent, ils appellent. Une voix leur répond. Ils volent avec une nouvelle ardeur à l'endroit du danger, font lever ceux que l'asphyxie commençait à gagner, les attachent les uns aux autres par leurs vêtements et leurs ceintures, et les poussent ainsi devant eux. Quelques instants après les vingt et un ouvriers étaient rendus à l'air, à la lumière, à la vie ! Braves mineurs, Joly, Wattiez, et vous surtout, Dulieu, vous avez eu, et vous aurez encore sans doute votre part dans les chagrins et les maux de la vie ; vous serez, comme tous les hommes, exposés aux tentations de découragement et de tristesse. Eh bien alors, pensez au 9 février ; pensez à ce jour où la Providence s'est servie de vous pour sauver la vie à vingt et un hommes I Pensez à ces autres traits de courage que celui-ci ferait oublier, peut-être, si vous n'en portiez les éternels souvenirs dans les nobles cicatrices dont votre visage et votre corps sont sillonnés ! Pensez à cela, et dites-vous à vous mômes : Je ne suis ni riche, ni grand, ni puissant parmi les hommes ; je vivrai et mourrai pauvre ouvrier mineur ; mais du moins, j'aurai eu la conso­lation d'entendre la voix de mon pays la voix de ma conscience, la voix de Dieu qui m'a dit :Je suis content de toi!

Mais le dévouement, Messieurs n'est point circonscrit en un seul lieu : il se déploie partout ou se présente le péril. Dans une autre veine travaillaient sept ouvriers sous la conduite de Henri Botte, leur porion. Doué d'une force peu commune et connaissant parfaitement l'état des lieux par la nature même de ses fonctions, pensez-vous qu'il ait pro­fité de ses avantages pour se mettre en sûreté. Non, il se souvient qu'il est le chef de ses camarades, et il s'oublie lui-même pour ne son­ger qu'à eux. Il les rassemble, les encourage, les appelle, les secoue, les force à lui répondre pour les arracher à l'assoupissement de l'asphyxie qui les gagne; les conduit où il présume trouver un peu d'air respirable ; les y traine par les épaules lorsque leurs forces épui­sées ne leur permettent plus de se mouvoir eux-mêmes ; et tous les huit, placés près d'une porte d'aérage, attendent pendant sept quarts-d ‘heure de mortelles angoisses, n'ayant plus qu'une seule lampe à laquelle ils n'osent toucher de peur d'un nouvel accident, et dont la lumière mourante semble indiquer que les dernières portions d'air vital sont épuisées et que bientôt hommes et lumière vont s'éteindre tous à la fois. Ah ! encore une fois Dieu permettra-t-il que tant de courage et de dévouement soit perdu ?

 

·   Non, Messieurs, rassurons: nous. Léopold Quivy, maitre-porion, et Lebon (André), maitre-mineur, se sont déjà précipités dans le gouffre qui a englouti leurs camarades, et dans lequel on frémit de les accom­pagner même par la pensée. Comment se diriger sous ces galeries éboulées ? Comment pénétrer au milieu de tous ces décombres ? Com­ment traverser ces lourds nuages de gaz empoisonnés qui s'avancent au-devant d'eux comme pour embrasser et étouffer les téméraires qui tenteraient seulement d'en approcher. Quivy sait tout cela ! Lebon sait tout cela, et pourtant ni l'un ni l'autre ne recule. Mais que dis-je ? Reculer ! plus ils sentent que le danger est grand, plus ils se préci­pitent : car ils comprennent qu'une minute, c'est la vie ou la mort : Seulement ils paraissent avoir oublié qu'une minute trop tôt c’est la mort pour eux, comme une minute trop tard la mort pour leurs cama­rades. Mais ils n'ont plus le temps de songer à eux-mêmes : ils mar­chent, ils marchent au milieu d'effroyables dangers et avec des efforts inouïs, et quand ils reviendront, eux aussi, c'est quand ils auront re­conquis sur la tombe les huit infortunés qu'elle regardait déjà comme sa proie.

« Messieurs, en présence de pareils faits la Société impériale d'agri­culture, sciences et arts de Valenciennes, dont la mission est de ré­compenser quand elle le peut, et de signaler toujours les actes de dévouement accomplis dans notre arrondissement, a compris qu'elle avait ici un devoir important à remplir. Quel dévouement ne pourra jamais surpasser celui dont Denain a été témoin ? Quand a-t-on vu plus de périls affrontés, et plus d'infortunés ravis au trépas ? Aussi la Société sur la proposition de sa Section de moralité, afin d'honorer autant qu'il est en elle tes personnes qui leur ont été signalées, a décidé qu'il y avait lieu de se réunir en Comice extraordinaire à Denain, à l'effet d'y proclamer leurs noms en présence de leurs concitoyens.

En conséquence, la Société, se faisant l'organe de l'arrondissement tout entier, commence par signaler M. Jules Dumont, sous-directeur des travaux du fond aux mines d'Anzin, et le prie d'agréer ses plus cha­leureuses félicitations et de les considérer comme étant l'écho de la reconnaissance publique. Elle comprend pour une large part dans ces félicitations M. de Clerck, ingénieur des mines à Valenciennes, dont l'habileté et le zèle infatigable ont été si remarqués dans ces pénibles circonstances.

« Elle décerne une médaille d'or à M. Dulieu (Jean-Baptiste), lam­piste, employé aux mines d'Anzin.

« Une médaille de vermeil à M. Quivy (Léopold), maitre-porion. Une médaille de vermeil à M. Botte (Henri), porion.

« Une médaille d'argent à M. Joly (Louis), porion.

« Une médaille d'argent à M. Lebon (André), maitre-mineur.

« Une médaille d'argent à M. Nattiez (Jean-Baptiste), ouvrier mi­neur.

La Société d’agriculture remercie en outre la Compagnie d'Anzin pour tout ce qu'elle a déjà fait, et se dispose à faire dans l'intérêt des malheureux atteints par l'accident.

« Elle remercie toutes les âmes généreuses qui ont contribué d'une manière quelconque à recueillir des offrandes ; et la Commission de répartition établie à Denain, qui s'est montrée si infatigable afin d'as­surer une équitable distribution des secours destinés aux victimes.

«  Elle remercie et félicite les ingénieurs et employés de la Compa­gnie, ainsi que les ouvriers de tous grades et de toutes professions, pour la manière dont ils se sont comportés. Elle constate avec bon­heur que pas un n'a montré ni lâcheté ni défaillance, mais que tous ont fait noblement leur devoir.

«  Et maintenant, Messieurs, vous allez recevoir ces gages de t'estime publique; vous allez les reporter dans vos familles, vous les montrerez à vos enfants et plus tard à vos petits-enfants. Racontez quelquefois à vos descendants cette solennité touchante. Dites-leur qu'il fut un jour où pour vous le pays entier a envoyé ses députés dans votre ville ; où pour vous, simples ouvriers mineurs, le premier magistrat de l'arron­dissement de Valenciennes a oublié un instant l'administration des affai­res publiques; où pour vous des pasteurs ont laissé un instant le soin de leurs troupeaux ; où pour vous le négociant et l'homme d'affaires s'est dérobé aux joies de la famille que lui laissait le repos du saint jour ; pour vous, oui, pour vous seuls ; pour vous voir, vous entendre, vous féliciter, pour avoir l'honneur de vous serrer la main. Et plus tard, quand vous serez vieux, si quelque jeune homme, étranger au pays sans doute osait vous demander ce que vous saviez faire dans votre temps, vous lui montrerez la fosse Turenne ; vous lui montrerez tout un peuple de jeunes travailleurs, et vous lui répondrez : « Voilà les enfants et les petits-enfants des hommes que j'ai sauvés !

Ce rapport, tableau fidèle et saisissant du drame de la fosse Tu­renne, a été fréquemment interrompu par les bravos de l'assistance. Durant sa lecture, bien des yeux se sont emplis de larmes et sa péro­raison a laissé dans tous les cœurs une impression des plus profonde qui s'est bientôt traduite par de nouveaux et chaleureux applaudis­sements.

La proclamation des lauréats et la distribution des médailles ont ensuite eu lieu dans l'ordre suivant :

Médaille d'or : Dulien (Jean-Baptiste).

Médaille de vermeil : Quivy (Léopold) et Botte (Henri).

Médaille d'argent :(Louis), Lebon (André), et Wattiez (Jean‑Baptiste).

D'unanimes applaudissements accueillent ces récompenses et leur donnent ainsi la consécration de l'opinion publique. Chacun s'em­presse à l'envi de serrer les mains de ces braves ouvriers dont la plupart portent encore les nobles traces de leur dévouement.

— L'émotion causée par cette scène touchante est à peine calmée que M. le doyen Capelle, président de la Section de moralité, se lève et prononce le discours suivant :

Messieurs.

Tout à l'heure, M. le Sous-Préfet nous a fait l'honneur de nous dire : nous ne récompensons que quelques hommes, mais nous avons des félicitations pour tous. Que M. le Sous-Préfet veuille bien me per­mettre de développer ses quelques paroles et, pour ainsi dire, de les paraphraser.

Messieurs, sur un champ de bataille, lorsqu'un soldat a fait preuve d'un grand courage on lui décerne la récompense la plus belle qu'un Français puisse ambitionner : la croix d'honneur ; mais lorsque tout un régiment s'est distingué par des prodiges de valeur, que tous les soldats se sont conduits continu des héros, le général commandant en chef, l'Empereur s'il est là, décore le drapeau et de ce signe sacré descend une multitude de rayons qui vont se reposer sur la poitrine de chaque soldat : tout le régiment est décoré par le drapeau qui, dans ses plis, porte plus rayonnant encore le signe de l'honneur français.

«  Messieurs, vous avez eu, vous aussi, votre champ de bataille, champ de bataille bien plus terrible que celui où dans ces vastes plaines on vit « L'audacieux Villars disputant le tonnerre à l'aigle des Césars »

« Il vous a fallu affronter la mort, non pas cette mort qui apparaît si noble dans l'exaltation de la lutte, et qui vient environnée du prestige d'une glorieuse immortalité que sait donner la patrie ; mais la mort bravée de sang-froid, la mort qui ne promet pas même un suaire, la mort qui refuse à des mains amies le transport au champ du repos, un tombeau sur lequel on place une simple croix de bois !... (Sensation.)

Eh bien, Messieurs, sur ce triste champ de  bataille, à 400 mètres sous terre vous avez fait des prodiges de valeur, vous avez été des héros ; tous, oui tous, vous avez mérité les plus belles récompenses. Dans les temps ordinaires, les derniers d'entre vous, qui ne sont pas même  nommés, auxquels personne ne pense, sans faire plus qu'ils n'ont fait, auraient été proposés pour nos plus hautes distinctions: et à ceux-là nous n'avons rien donné ! Mais que dis-je ? Si nous n'avons dé­cerné des médailles qu'à six d'entre vous, ces six nous les regardons comme le drapeau des mineurs, et en eux, tous les mineurs sont dé­corés! Applaudissements unanimes.)

Ah mes bons amis, conservez bien cet esprit d'union, ce dévoue­ment mutuel qui distinguent si admirablement les ouvriers mineurs. Cet esprit n'est pas seulement une magnifique qualité morale, c'est encore la vertu la plus belle et la plus sainte que recommande la Religion puisqu'elle nous rapproche le plus du Dieu qui a voulu s'appeler de son nom la Charité ! Avec elle vous recevrez toujours les bénédictions de la Famille, de la Religion et de la Patrie.

Ce discours, souvent interrompu par les bravos, provoque un ton­nerre d'applaudissements.

M. A. Martin, secrétaire-général de la Société se lève à son tour et prend la parole en ces termes :

Messieurs,

La Société impériale de Valenciennes a répondu aux devoirs de sa mission en venant décerner aux braves ouvriers mineurs qui se sont plus particulièrement distingués dans le sauvetage des victimes de la catastrophe de Denain, les récompenses qu'elle réserve au courage et au dévouement. Elle l'a fait avec empressement, nous voudrions dire avec bonheur, s'il était possible de séparer de cet acte de justice le sou­venir douloureux du sinistre qui lui a donné naissance. Cette pensée a été pour elle un sujet de légitime préoccupation et l'a conduite à se demander si la cause de l'humanité devait rester éternellement im­puissante devant le redoutable fléau qui trop souvent désole les mines.

« Elle n'était point seule à se poser cette question.

La catastrophe de Denain a eu un retentissement immense et par­tout, nous le disons avec orgueil, elle a éveillé une touchante sollicitu­de. Elle devait surtout trouver un écho sympathique dans le cœur d'un homme qui partage sa vie et sa fortune entre les progrès de l'indus­trie et le soulagement des familles de ceux que le malheur frappe ou que la mort enlève avant le temps à leurs travaux et à leurs découver­tes. Ce savant, cet homme de bien, qui a laissé dans le pays les plus honorables souvenirs, qui veut rendre ces souvenirs plus chers encore en les couronnant par une bonne action, c'est un des membres les plus dévoués de notre Société, nous avons nominé l'estimable M. Dubrunfaut. (Applaudissements). — A la nouvelle de l'événement dont la fosse Turenne a été le théâtre, son cœur s'est ému et toutes ses pensées se sont concentrées vers un seul but: prévenir, s'il est possible le retour de semblable calamité.

»  Comment y parvenir ?

Faire appel aux lumières de la science, ouvrir un concours fon­der un prix considérable, mais n'accorder ce prix à l'inventeur qu'après avoir expérimenté son invention et l'avoir reconnue sûrement pratica­ble, c'est-à-dire, résolvant d'une manière complète le problème de la suppression radicale des explosions du grisou.

Tel est le projet que M. Dubrunfaut a soumis à la Société impé­riale de Valenciennes et que celle-ci a accueilli avec reconnaissance et adopté à l'unanimité.

« Un programme déterminera prochainement les conditions de ce concours.

La Société, eu égard à la gravité de la question et pour tâcher d'élever le prix à la hauteur du sujet, fera appel au public et notam­ment aux Compagnies houillères qui ont le plus grand intérêt matériel et moral dans le succès de l'entreprise. Elle ouvrira donc sans retard une souscription pour la création du capital de ce prix, et elle est heu­reuse de pouvoir, dès à présent placer en tête de la liste l'honorable M. Dubrunfaut pour une somme de trois mille francs.

Elle compte sur la sympathie de tous les grands établissements houillers pour le développement de cette souscription de manière que le chiffre puisse être un stimulant énergique pour la solution du problè­me qu'elle pose. Ce concours ne lui fera pas défaut, nous en avons pour garant la sollicitude dont les Compagnies houillères entourent leurs travailleurs, sollicitude qui s'est toujours trouvée ù la hauteur des événements et dont la Compagnie des mines d'Anzin avec une spontanéité qui l'honore, a fourni récemment un exemple de plus.

« Là ne doit pas se borner, Messieurs, l'intelligente libéralité de M. Dubrunfaut qui a conçu et vous a communiqué un vaste projet d'en­semble, embrassant les questions les plus intéressantes, ayant toutes pour but le développement du progrès, le perfectionnement de l'intelli­gence, l'amélioration du cœur. Ces concours feront l'objet d'autant de programmes dont nous nous occuperons le plus tôt possible. Ce sera le meilleur moyen de prouver à la fois et notre reconnaissance à leur généreux initiateur, et notre désir de contribuer au bien-être des tra­vailleurs et à l'avenir de leurs enfants.

« Ouvriers mineurs,

« Si dans le douloureux événement du 9 février vous avez tous et à l'envi fait noblement votre devoir, vous avez vu avec quel empressement, magistrats, chefs, concitoyens et étrangers sont venus au se­cours de vos familles ; et la solennité de ce jour vous dit assez de quelle sympathie vous entoure l'opinion publique. La présence ici du premier magistrat de l'arrondissement doit en rehausser le prix à vos yeux. Cette sympathie, ne l'oubliez pas, se mesurera toujours à la conduite que vous saurez tenir et il nous est agréable de penser qu'animés des sentiments qui font l'honnête homme et le bon citoyen, vous aurez à cœur de vous en montrer de plus en plus dignes.

Quant à nous, après avoir récompensé publiquement votre courage et votre abnégation, nous allons tenter le moyen d'assurer votre sécu­rité et  nous le ferons avec tout le zèle et tout le dévouement dont nous sommes capables. Puisse Dieu réserver à nos vœux les plus ardents le succès de l'entreprise que nous fondons, ce sera, soyez-en sur la plus douce comme la plus précieuse récompense de nos efforts. »

Cette communication reçoit de l'assemblée l'accueil la plus sympathique.

M. Le Bret, associé régisseur-gérant de la Compagnie des mines d'Anzin, demande la parole et, d'une voix que l'émotion domine, s'exprime ainsi :

« Mes amis.

«  A certain jour de douloureuse mémoire vous avez fait preuve de courage et de générosité. Le témoignage de vos propres consciences, la satisfaction de vos chefs et la reconnaissance de vos camarades seront à toujours votre récompense. Ce n'est pas tout, voici le suffrage de vos concitoyens qui vient vous honorer et vous recommander à l'estime publique. Soyez fiers de cette distinction ; soyez heureux surtout parce qu'elle est méritée. Cependant n'oubliez jamais à quoi elle vous oblige. La tâche d'ailleurs vous sera fade et vous ne démé­riterez pas de vous-mêmes, des bons exemples dont vous êtes entou­rés, car je dois le dire, la race entière des ouvriers des mines est pleine de cœur et n'a jamais reculé devant le danger quand il s'agit de secourir et de sauver des camarades. (Applaudissements.) — Mais, si vous êtes fiers d'un côté soyez humbles de l'autre, soyez prudents. L'événement déplorable dont cette réunion retrace le souvenir a prouvé une fois de plus combien nous sommes faibles et combien nous devons être soumis aux décrets de ta Providence.

« Messieurs,

« Permettez-moi maintenant de me constituer l'organe de ces braves gens et de vous remercier avec effusion de ce que vous faites pour eux en ce moment. Persuadé que je ne fais qu'exprimer leur sentiment, je remercie d'abord les honorables membres de la Société impériale d'agriculture dont l'initiative a produit cette solennité intime.

» Je remercie M. le Sous-Préfet dont la présidence est une nouvelle preuve de la sollicitude qu'il n'a cessé de porter à nos travaux et à l'intéressante population de nos mines.

Je ne puis oublier M. l’Ingénieur des Mines De Clerck dont la pré­sence ici rappelle l'empressement qu'il a mis à s'occuper du sauvetage dès les premiers moments lors de l'événement du 9 février. (Applaudissements.)

« Enfin, je remercie MM. les doyens et MM. les ecclésiastiques qui ont bien voulu ajouter à cette cérémonie par la dignité de leur carac­tère et dont l'esprit de charité et l'amour du prochain est supérieur à tous nos éloges.

« En effet, mes amis, vous avez ici les suffrages réunis des pou­voirs qui président aux destinées humaines.

« La religion s'offre à vous dans les personnes des vénérables membres du clergé.

« L'autorité et l'administration sont personnifiées dans l'honorable vicomte Mailler, notre sous-préfet.

Enfin la Société impériale (l'agriculture représente l'intérêt général.

Vous allez retourner dans vos demeures, vous y appendrez les images qui retracent le souvenir de cette cérémonie, conservez-les pour l'exemple de vos enfants la satisfaction (de vos parents et amis ) et pour votre légitime orgueil.

Ce discours est suivi d'énergiques applaudissements.

La séance touche à son terme ; pour la clore dignement, M. le Sous-Préfet se lève et dit :

Je vais lever la séance ; séparons-nous en emportant un souvenir ineffaçable de cette touchante cérémonie, et n'oublions jamais qu'en définitive la meilleure manière de louer les hommes de dévouement et de bien, c'est de les imiter. »

Ces paroles sont couvertes des plus vifs applaudissements.

Après quoi la séance a été levée et les nombreux assistants se sont retirés plus émus qu'on ne saurait le dire de ce qu'ils venaient de voir et d'entendre.

Les lauréats sont entourés et reçoivent de tous les plus chaleureuses félicitations.

A cinq heures un train spécial ramenait à Anzin la Société impé­riale d'agriculture, heureuse de sa journée et reconnaissante de l'accueil sympathique et plein de courtoisie qu'elle avait reçu de la part de l'intelligente population de Denain, de ses honorables admi­nistrateurs et de ses notables.

Le secrétaire-général,

A. MARTIN.

 

Liste et actes de décès

Nom Prénom Age
Barbe Michel 24
Bouchez Martin 34
Brunet Alfred 21
Bruyère François 47
Caremiaux Auguste 22
Depauw François 25
Depauw Jean Baptiste 30
Depauw Hubert 14
Deplus Joseph 38
Dernoncourt Pierre 19
Dubois Pierre 30
Dupret Prudent 20
Durot Hippolyte 29
Evrard Alexandre 17
Fontaine Emile 16
Gorrez Jean Baptiste 42
Gosse Pierre 16
Gras Louis 46
Gras Louis 39
Hecq Eloi 25
Henri Devienne 11
Laplace  André 19
Lecerf Romain 18
Lecoeuvre Théophile 11
Lecompte François 35
Lecutier Emmanuel 31
Lernould Bénoni 19
Levecque Jean Baptiste 16
Loyez Charles 15
Michel Augustin 21
Moreau Corneille 23
Morelle Alphonse 16
Pradel Edmond 21
Teillez François 36
Teillez Jean Baptiste 28
Trivière Pierre 31
Vannez Léopold 51

 

BARBE Michel

BOUCHEZ Martin

BRUNET Alfred

BRUYERE François

CAREMIAUX Auguste

DEPAUW Hubert

DEPAUW François

DEPAUW Jean Baptiste

DEPLUS Joseph

DERNONCOURT Pierre

DUBOIS Pierre

DEVIENNE Henri

 

DUPRET Prudence

DUROT Hippolyte

EVRARD Alexandre

FONTAINE Emile

GORREZ Jean Baptiste

GOSSE Pierre

GRAS Louis Joseph

GRAS Louis Joseph

HECQ Eloi

LAPLACE André

LECERF Romain

LECOEUVRE Théophile

LECOMPTE François

LECUTIER Emmanuel

LERNOULD Benoni

LEVECQUE Jean Baptiste

LOYEZ Charles

MICHEL Augustin

MOREAU Corneille

MORELLE Alphonse

PRADEL Edmond

TEILLEZ François

TEILLEZ Jean Baptiste

TRIVIERE Pierre

VANEZ Léopold

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