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Un sauveteur nous dit..
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Nous avons pu joindre dans la journée
un des hommes qui, arrivé le
premier sur les lieus, coopéra le plus
activement aux travaux de sauvetage.
Il s'agit de M. André Grattinoix travaillant
à la veine 7, étage 1000.
J'étais, nous dit-il, occupé à
«
rocher
» quand vers 1 h 15 on cria que
quelqu'un était pris. C'était Marcowiak
qui donnait l'alarme. Rapidement
je me rendis sur l'es lieux. Aussitôt
j'aperçus Sawinski ; il se trouvait
en quelque sorte pendu entre deux
rondins qui, au cours de l'éboulements
s'étaient coincés à la hauteur
de son cou ; il était donc
mort debout
et comme étranglé. Nous sciâmes l'un
des rondins et nous pûmes, avec l'aide
d'autres camarades survenus entre-temps,
le dégager assez rapidement
mais il était trop tard.
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Le sauvetage des deux autres compagnons dura un peu plus
longtemps
en raison de l'enchevêtrement des
bois et des terres. Quand on les découvrit
ils étaient accroupis dans la position habituelle du mineur.
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Ce qui fut surtout très long et particulièrement
pénible, ajoute M. Grattinoix,
ce fut de transporter les corps
sur une civière dans les galeries étroites,
jusqu'à l'accrochage. Il nous fallut
plus d'une heure.
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M. Grattinoix estime que l'accident
est dû à un mouvement de terrain, lequel
aurait d'ailleurs été perçu à la
surface.
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Les quatre ouvriers étaient occupés
réparer ce que l'on appelle une « fondrée
», c'est-à-dire qu'un premier
éboulement s'était déjà produit.
L'endroit était donc assez dangereux,
néanmoins c'est un travail que l'on
effectue souvent dans les mêmes
conditions.
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On a des raisons de conjecturer
qu'ils furent avertis du danger mais
n'eurent pas le temps de se garer. En
effet, Marcowiak
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avait constaté que
du « menu » tombait du plafond. Le
a "menu
"
est une sorte de poussière
mélangée de petits
cailloux
et qui précède
généralement l'éboulement de
quelques secondes. Il annonce le danger
et, quand
les
mineurs occupés à des travaux de boisage s'aperçoivent
de sa présence, la prudence le fait se
garer aussitôt. Neuf fois sur dix ils
ont raison.
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Dont hier, Marcowiak fut, dit-il, le
premier à constater le mouvement de terrain par la chute
du menu. « Vient par
ici,
ça dégringole
s'écria-t-il
à Sawinski.
Hélas, à peine ce dernier effectuait-il
son mouvement de retraite, qu'un
craquement sinistre se fit entendre
; tout le boisage mélangé de
gros cailloux Vint choir aux pieds
de Marcowiak, ensevelissant ses
trois infortunés compagnons
de travail. La mine avait
inscrit trois nouvelles victimes sur sa liste déjà longue:
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Source :Le Télégramme du
PdC et de la Somme
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Un éboulement
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Donc, vers 1 h 30 du matin,
4
ouvriers
étaient
occupés
dans la voie 7
de la fosse no 1 à des travaux de réparation
de boisage, travaux appelés communément «
coupe de terre ». C'était le
Français Auguste Potier, 35 ans,
les Polonais Thomas Sawinski 51 ans et Pierre Markowiak, 50 ans
ainsi que l'Algérien
Mohamed
Merzoud,
28
ans. Au mines de la Clarence
c'est
à plus de 100 mètres sous
terre
que s'extrait le charbon. Une
pierre soudainement se détacha de la toiture, provoquant un
premier éboulement
que les ouvriers parvinrent à
endiguer
;
mais la masse formidable de
terre s'appesantit à nouveau sur
les bois qui cédèrent. Auguste Potier
et Thomas Sawinski furent immédiatement
recouverts. L'Algérien Merzoud.
qui travaillait
un
peu à l'écart avec,
Pierre Markowiak, tenta de se sauver, mais dans
sa
précipitation il prit
la mauvaise direction et alla se jeter
sous la fissure où
il
fut enseveli avec
ses deux
autres
compagnons de travail,
sous
un
amas
de
terre et de décombres.
Plus heureux, Markowiak avait
emprunté
une direction opposée ; il se tira sain et sauf de cette
terrible situation et donna aussitôt
l'alarme.
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Le dégagement des corps
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Sous la direction de MM.
Delage et Vandeputte, ingénieurs et de MM.
Acheret, chef-porion et Sevin,
porion,
les secours s'organisèrent. Tous les
ouvriers présents et occupés au même,
travail de réparation des diverses
voies car on n'extrait les de charbon
la nuit 'aux mines de la Clarence
y coopérèrent avec une célérité
et un zèle dignes d'éloges. Mais de
tels travaux sont infiniment délicats
et ce
n'est
qu’après une heure d'efforts
patients que le premier put pu être dégagé
Le dégagement du corps. C’était le polonais Thomas
Sawinski
Hélas on ne retirera qu’un cadavre
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Le dégagement de M. Auguste
Potier nécessita encore une longue
heure de travail pénible. Quant à
Merzoud, on ne put le dégager qu'au
petit jour
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Les trois corps, après avoir été nettoyés
furent reconduits aux domiciles
mortuaires dans la voiture ambulante
de la Compagnie des Mines.
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Le docteur Henaux qui avait été prévenu
pour le cas
où son concours eut
été nécessaire procéda aux constatations
légales au fur et à mesure de la
découverte des corps des malheureuses
victimes. Ce praticien estima que la
mort avait les causes suivantes : pour
Potier une compression thoracique
ayant provoqué la mort par asphyxie ;
il constata en outre sur le corps des
plaies et érosions multiples. Sawinski
était mort d'une fracture de la colonne vertébrale cervicale
; il avait aussi des
contusions à la face. Quant à l'Algérien
Merzoud, il avait eu, comme Potier,
le thorax défoncé, mais en outre
la cuisse droite était fracturée avec une
plaie béante, le genou droit et l'avant-bras
gauche étaient également brisés.
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Les victimes
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Voici l'identité exacte des trois ouvriers
défunts : M.. Auguste Potier, 35
ans, dit Gérard, résidant rue D no 25 à
La Clarence, était marié et père de 4
enfants. Il était né à Camblain-Chatelain
et était occupé depuis 14 ans par
la Compagnie des Mines de La Clarence.
Il avait, voici un an, obtenu la médaille
militaire. C’était un excellent ouvrier, parfaitement considéré de tous
ses chefs.
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Thomas Sawinski était âgé de 51 ans Il demeurait rue C. n°
41. Veuf depuis
un mois à
peiné,
il était père de 6 enfants
dont deux décédés.
Arrivé en
France en
mai
1924, il était également
considéré
comme un
excellent
ouvrier
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L'Algérien Mohamed Merzoud, 2
ans,
célibataire,
demeurait
14
coron
Pâques à La Clarence.
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Les funérailles de MM. Auguste Potier
et Sawinski sont fixées vendredi à 10 heures.
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Le corps de l'Algérien Merzoud sera
reconduit à son pays natal, Fort National,
douar Kouriet, ainsi que sa famille en a témoigné le désir.
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Ce navrant
accident
a causé dans la
région, on le conçoit, une pénible impression.
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Une
enquête
va être ouverte afin de
situer
les
responsabilités, s'il y en a
déterminer. Sans doute, les mesures de
sécurité et de sauvegarde ont été bien
prises, mais la mine est traîtresse et
l'on ne saurait
jamais
trop s'entourer
de précautions avec
elle.
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Hier, après que
les
opérations de déblaiement
eurent été terminées le travail
a repris
dans
la voie homicide.
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Source :Le Télégramme du PdC
et de la Somme