CHAPITRE VIII

 

MORTS EN SURVIE ...

César DANGLOT est mort. Le lendemain des funérailles officielles, le commandant Lasson et le préfet ont présenté à son épouse les condoléances du Gouvernement.

« LE GRAND ECHO » du 21 mars publie la liste des victimes de Méricourt ; parmi elles

 

-          à Méricourt-Corons

…………

20 Léon Boursier, 20 ans, célibataire.

30 Louis Castel, 23 ans, célibataire. 67 Albert Dubois, 18 ans, célibataire.

175 Henri Nény, 38 ans, marié, 4 enfants.

177 Charles Pruvost, 45 ans, marié, 3 enfants. 178 Anselme Pruvost, 15 ans, célibataire.

224 Henri Wattiez, 27 ans, marié, un enfant.

 

- a Méricourt Village

…..

9              Romain Noiret, 33 ans, marié, 3 enfants.

32            Victor Martin, 14 ans, célibataire.

123          Elie Lefebvre, 38 ans, marié.

 

A Loison, chez les Couplet, on pleure la disparition de Léon ; à Billy-Montigny, tout espoir de revoir vivant le jeune Vanoudenhove est perdu.

Treize morts au champ d'honneur du travail.

Ils ont échappé à la catastrophe, ils ont vécu quelques jours avec « le briquet » de camarades morts. Ils se sont retrouvés sans vivres. La faim, la soif, le froid, la fièvre. La mort ? ...

 

Pour le père Pruvost, la situation est certes inquiétante ; mais non désespérante. Ni pour César Danglot, lutteur et boxeur, hercule au cœur d'or. Ni pour Noiret, l'homme de la campagne, travailleur, tenace. Ni pour Lefebvre qui met un point d'honneur à ne pas se laisser surpasser par son ami intime Noiret.

Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir! Les aînés ont le moral. Les jeunes sont tranquillisés.

Se laisser mourir de faim, de soif ? Pas question ! Il n'y a plus de vivres? Mais alors : que manger, que boire ? ...

L'un enlève l'écorce d'un bois et la mange. Voilà pour la faim I ... Il urine dans un bidon et en boit le contenu. Voilà pour la soif ! ...

Plusieurs l'imitent. Pour la nourriture seulement. Car, pour boisson, ils préfèrent le liquide que recueille une rigole longeant la paroi de la voie. Une eau mélangée d'urine, de poussière de charbon, avec parfois des excréments. Le tout, un liquide pâteux que l'on filtre à l'aide de l'étoffe d'un jupon.

Un quart d'heure plus tard, des rires, des chants. Un vent de folie s'empare de ceux qui ont absorbé l'infâme breuvage. Un breuvage avec un arrière-goût de sang humain.

Progressivement, le calme revient. Combien de temps a duré cet accès de démence? L'alerte a été rude ! A tout prix, il faut trouver une eau moins contaminée. Noiret, Lefebvre partent au hasard, cherchent. Soudain, sur la paroi d'un rocher, la vision d'une source. Ils gouttent le liquide qui s'écoule. De l'eau !

Sauvés, ils le sont momentanément. Car ils sont toujours prisonniers de la mine dont ils veulent sortir. Comment ? En ouvrant un passage à travers les éboulis de la bowette. Cela peut demander beaucoup de temps ; il faut donc ménager l'huile : une seule lampe sera allumée pour ceux qui travaillent. Les autres resteront dans le noir.

Avec les mains, ils déblayent bois et pierres, aménagent un boyau suffisamment grand pour permettre le passage d'un homme. Parfois, l'obstacle est un cadavre qu'il faut repousser dans les éboulis. Un travail épuisant, repoussant.

De nombreuses pauses sont nécessaires. Les corps sombrent dans une sorte de léthargie. Les esprits divaguent ...

Danglot se réveille. Il fait noir. Il appelle sa femme. - Adélaïde ! allume donc la lampe. Pas de réponse.

- Adélaïde ! j'ai soif, vite à boire du café. Adélaïde n'arrive pas.

La colère monte à la tête de Danglot. Il est prêt à tout casser. Adélaïde va en entendre pour ses «quatre sous ».

En se levant, il rencontre une main, la tire, mord un bras à pleines dents. Le bras d'un de ses compagnons Noiret ? Pruvost ? ...

Les uns les autres calment Danglot. Le pauvre se croyait dans son lit! Il sort d'un cauchemar pour continuer à en vivre un autre : enterré vivant.

A travers l'éboulement, ils avancent lentement, se frayent un passage d'une soixantaine de mètres : l'obstacle est franchi ! Illusion d'un moment, car plus loin devant eux un autre ébou­lement. Une courte joie suivie d'une amère déception.

Impossible de chercher le salut par l'étage 326. Ils reviennent dans leur abri, découragés et d'autant plus abattus que la faim les tenaille.

 

Dans la voie, un cheval va et vient ... Celui de Couplet. Ils le connaissent tous. Son nom : « Ecuyer ». Lui aussi est sorti indemne de la catastrophe. Il tient compagnie aux hommes.

Avec une fréquence redoublée, les regards se posent sur « Ecuyer »'. Le tuer? Il ne peut en être question. C'est un camarade de travail I Et puis, il est la propriété de la Compagnie. S'ils le tuent, on leur en réclamera le prix ; ce serait alors la misère pour la famille.

Les estomacs font mal. Tuer « Ecuyer » - ? Non. Mais, le cheval. Ce serait bon à manger du cheval. L'abattre devient une obsession. Ah ! s'ils étaient sûrs d'être sauvés dans peu de temps. Mais quand seront-ils sauvés ?

J'ai faim, terriblement faim. Couplet, c'est toi qui connais le mieux « Ecuyer ». C'est toi qui l'exécuteras.

Quelques sifflements, des claquements de langues : des appels à peine perceptibles. Avec le secret espoir de ne pas être entendus. Prendre « Ecuyer » en traître, c'est pour tous un déchirement. Le voilà qui arrive. Dans le silence du tombeau, il a perçu les appels. Joyeux, il accourt, écoute sans compren­dre ces voix humaines qui lui sont familières, attend de recevoir sur la croupe les tapes amicales de ses compagnons.

Mais aujourd'hui, rien. D'une main tremblante, Couplet tient une lampe dont la flamme vacille ; de l'autre, il palpe le front du cheval, repère l'endroit où il portera le coup meurtrier. Les autres se retirent dans l'abri. Couplet s'arme d'un pic, ramène les bras en arrière. Et vlan ! en pleine tête.

« Ecuyer » pousse un hennissement terrible, se cabre, rue, secoue la tête pour se débarrasser du pic planté dans la boîte crânienne quelque peu entrouverte, fonce dans la galerie.

Malheureux, troublé, affaibli, Couplet a raté son coup.

La bête, furieuse, revient au galop, surgit tel un monstre, repart. Que cette masse se jette sur les hommes, et c'en est fini d'eux. Vite, ils amoncellent bois et berlines dans la galerie. L'animal fonce sur le barrage, s'abat dans un bruit fracassant de ferraille.

Angoissés, les hommes écoutent. La bête s'est empêtrée dans les berlines qui résonnent de coups de sabots. Sa respi­ration d'abord haletante devient évanescente : la bête agoni­se ... Des soubresauts, puis le silence ... « Ecuyer » est mort.

Dans l'antre de la mine, c'est la ruée sur le cadavre. Avec des instruments de fortune, chacun essaye de découper un morceau de viande. Le sang dégouline de partout sur la cuirasse. Danglot et Noiret réagissent : ils demandent à leurs camarades de regagner leur place dans l'abri. Puis, à l'aide de couteaux, ils dépècent la cuisse.

De la viande sanguinolente à satiété. Un festin de roi. Ce n'est pas aujourd'hui qu'ils mourront de faim.

Quel jour est-on ? Le 20 mars? Le 22 ?

Les hommes continuent à chercher une issue ... Dans le lointain, un bruit. Des pas, dirait-on. Derrière une porte qui donne accès à la voie Adélaïde, un appel. Illusion? Hallucina­tion? La porte s'ouvre. Dans les ténèbres, un homme s'avance. Un sauveteur ?

- Qui va là, crie Noiret?

- Nény.

- M ... j s'exclame le père Pruvost désappointé. Espoir, déception : les nerfs de Couplet craquent.

- Je ne reverrai plus ma mère, je ne reverrai plus ma mère, répète-t-il en pleurs.

Pressé de questions, Nény raconte avec emphase son accident, son odyssée souterraine. Il exaspère.

- Ta g ... ! lui lance Lefebvre qui ne peut se contenir.

Nény en reste coi. On manque d'huile? Il explique qu'il doit en rester un bidon dans une taille du côté de la voie Joséphine.

Pruvost en tête, le groupe s'y rend et trouve ... Martin accroupi, en pleurs, un morceau de pain moisi à la main. Près de lui, trois mallettes. A la vue de ses camarades, il explose de joie. Une joie bien vite tempérée : il entend Nény au loin.

Celui-ci s'approche de Martin, le gifle, s'acharne sur lui. Nény serait-il devenu fou.? Les autres interviennent. Danglot calme les esprits.

Pourquoi cette correction incompréhensible ? Sans doute pour faire comprendre à Martin de se taire. Le pauvre enfant, paralysé par la vue des cadavres, n'avait pas voulu partir avec ses trois compagnons. Il avait été l'esclave, le souffre ­douleur de Nény qui le contraignit à rechercher les mallettes des morts. C'est ce qu'apprendront ses camarades au fil des jours.

Martin est retrouvé. Etait-ce le but du déplacement ?

Non. Où se niche donc le bidon d'huile ? Nény indique une taille, s'excuse de ne pouvoir s'y engager à cause de ses blessures. Noiret, Pruvost y pénètrent et en sortent presque aussi vite : les gaz !

Les blessures de Nény : un faux-fuyant? Depuis qu'il est à Joséphine, Martin et lui-même n'ont-ils pas exploré les environs? D'aucuns se méfient : quelles idées Nény a-t-il derrière la tête? Il ne reste plus au groupe qu'à retourner dans l'excavation salutaire : le quartier général en quelque sorte.

Que deviennent pendant ce temps Boursier, Wattiez et Anselme Pruvost ?

Ils sont toujours à l'accrochage 280. Wattiez avait eu la chance de trouver aux abords du puits une réserve d'eau potable qui leur permit d'étancher la soif provoquée peu après leur arrivée par un accès de fièvre.

Pour vaincre la faim, ils se nourrissaient d'écorces de bois de chêne ; sauf Boursier qui, ne pouvant supporter cette nourriture, déchiquetait et avalait les toiles de mallettes vidées.

Des jours durant, cent fois peut-être, ils ont essayé en vain de quitter l'étage 280 par les deux beurtiats qui y conduisent. L'air vicié empêchait toute tentative d'évasion ...

Ils se sentent faibles, ils sont las. Comme sujets de conversation : la famille, la faim. Wattiez revoit les « plats » qui lui étaient servis alors qu'il effectuait son service militaire à Avesnes, ces restes de gamelles jetés dans un bac qu'un éleveur de cochons enlevait chaque soir. Quelle chance ont-ils ces cochons de manger à leur faim ! L'eau lui en vient à la bouche...

Sortiront-ils vivants de ce trou où ils se blottissent? Le petit Anselme donne des inquiétudes : sa brûlure au visage le fait de plus en plus souffrir, il n'arrive plus à s'endormir.

Couplet réclame sans cesse sa mère. De la part de Nény, que Danglot est obligé d'accompagner aux lieux d'aisan­ces, ce ne sont que jérémiades. Le cadavre du cheval empuante l'atmosphère. Plus d'huile, plus d'allumettes : c'est le noir absolu.

La situation devient intolérable. Tous sont d'accord pour quitter les lieux. Nény suggère de gagner l'étage 231 ; après y avoir envoyé trois éclaireurs. Il ne peut être question de se séparer.

Du cheval, il reste le flanc, l'encolure, le poitrail. Les mallettes sont remplies au maximum d'une viande dégoulinante de sang. A tout hasard, on emporte des pics et autres outils.

Et c'est le départ pour une première étape, l'étage 280.

De nouveau, les hommes remontent le beurtiat. Les voici dans la voie 280. L'atmosphère est lourde, déprimante. Personne ne veut prendre la tête de la colonne par crainte des gaz. On s'arrête. Faut-il se résigner à mourir là? Mourir pour mourir, autant foncer. Danglot raisonne ses camarades. Pruvost hésite. Il a toujours donné l'exemple du courage ; aujourd'hui, il ne peut défaillir.

Danglot part en tête. Derrière lui : Lefebvre et tous les autres. Ils avancent à l'aveuglette ; trébuchent sur des rails, des corps, des bois. Et atteignent la bowette 280 !

L'air est plus frais. Chance inespérée ! Ils y trouvent un peu d'eau potable dont ils s'abreuvent. Quel délice ! Par rapport à cette urine dont ils ont fait leur boisson habituelle.

L'espoir renaît. La marche se poursuit dans les ténèbres. Danglot et Martin connaissent le secteur. Ils servent de guide. Par un treuil, ils gagnent l'étage 231. On y respire bien. La fatigue se fait sentir. Une pause est nécessaire. Chacun goutte une joie intérieure : celle de revoir bientôt les siens.

Leur sauvetage ne dépend que d'eux. Ils en sont conscients. Une reconnaissance des lieux s'impose. Castel et Noiret s'enfoncent prudemment dans la bowette. Revenus, ils expriment des craintes : l'air semble vicié. Pour en sortir, il faut à tout prix gagner l'accrochage 280. Danglot et Lefebvre décident d'aller plus en avant ... L'air est respirable !

A quelle distance sont-ils de l'accrochage ? Danglot frappe de son pic un tuyau. Pas de réponse. Il appelle ses camarades.

Où aller? Danglot et Pruvost décident que le mieux est finalement de descendre par un beurtiat à l'étage 303. Ce qui est fait. De là, le groupe gagne l'accrochage où règne une odeur fétide de cadavres contre lesquels ils butent. Là non plus, pas de réponse aux appels lancés par tuyaux. L'endroit semble ravagé ; c'est l'antre de la mort. Une nouvelle et cruelle déception.

Pruvost connaît bien la voie -Caporal» à 303. Le salut est-il par là ? Il prend la tête du groupe.

La voie est encombrée ! L'idée d'être prisonnier n'est plus supportable. Il faut aller de l'avant. Peut-être, d'ailleurs, n'y a-t-il éboulement que sur quelques mètres. A coup de pics, ils ouvrent un tunnel dans lequel ils s'engouffrent rampant, marchant à genoux, Danglot traînant Nény. C'est ensuite un tronçon de voie praticable ; et de nouveau, des éboulis. De temps en temps, une pause : pour voir si tout le monde suit. Plus de mille mètres d'un cheminement épuisant, d'une lenteur désespérante. Pour aboutir où ? Au pied d'un beurtiat qui conduira à la fosse 2 de Billy-Montigny ! Ils sont sauvés !

Joie de se dégourdir les jambes, joie d'être au bout d'un calvaire. Les morceaux de cheval emportés dégagent une odeur insupportable. En manger? Pourquoi? Puisque bientôt ils seront « au jour ». Certains, cependant, en prennent pour apaiser une faim tyrannique. Les restes néanmoins ne sont pas jetés ; ils sont déposés au pied d'un étai. Sait-on jamais.

Après une pause, Noiret et Lefebvre s'avancent vers l'ouverture du beurtiat. Ils tâtonnent. Des échelles sont cassées ! Comment grimper ? Des cercles de fer protègent les parois du beurtiat contre les poussées de terrain. Prenant mille pré­cautions, s'aidant des mains et des pieds, ils montent lente­ment, lentement ... Le moindre faux pas, c'est la chute mortelle. Combien de temps dure cette ascension? Une éternité. Après un dernier rétablissement, ils se retrouvent enfin à l'étage supérieur. La voie est ouverte. Les autres grimpent à leur tour, Danglot soutenant Nény. Tous se retrouvent ainsi, sans incident, dans la voie qui doit les conduire à la fosse 2. Quelle tête vont faire les Billysiens en les voyant arriver ! ...

Soudain, Lefebvre heurte un cadavre. Il se penche, passe la main sur le visage, appelle

- Noiret, nous ne sommes pas au beurtiat du Maca ! Voici le corps du camarade Arthur Lecomte. Nous sommes toujours sur la fosse de Méricourt où il travaillait !

Non. Ce n'est pas possible. Noiret s'approche, se penche à son tour sur le cadavre. Pas de doute, c'est Lecomte. Il était le seul de la fosse à porter une barbe aussi fournie ...

Ils vont à droite, à gauche, butent contre des outils. Si, au moins, ils avaient un peu de lumière, ils sauraient de quelle fosse proviennent ces outils ; ils sauraient où ils se trouvent ... Ils cherchent, cherchent. En vain. Ils sont désorien­tés, perdus, prostrés.

Qui réagit le premier? Perdus, il faut revenir au point de départ. C'est la décision qui apparaît finalement la plus sage. Mais, auparavant, une collation. Au menu : bois, urine. Et puis un peu de repos : ils en ont grand besoin ...

Couplet a conservé la longe d'Ecuyer. Elle servira pour la descente dans le beurtiat, une descente qui s'effectue sans encombre.

L'air est bon, mais la faim dévore les « rescapés ». Ne pas l'apaiser, c'est aller vers une mort lente. Cette viande déposée au pied d'un étai, trois hommes vont la chercher. Et tous se restaurent de charogne ...

De leur échec, ils ne se remettent pas ; ils sont en proie aux cauchemars les plus terribles. Le jour, ils ne le reverront plus. D'ailleurs, pour les familles, ne sont-ils pas déjà morts ? ...

L'air est frais. Il fait froid. Il faut partir. Nény ne bouge pas. Il a « fait son signe » , il attend la mort. Qu'il reste ! Danglot prend la tête, s'engage dans cette voie qu'ils ont eu tant de mal à dégager et qui devait - ô ironie ! - les conduire à leur salut.

- Va voir si tout le monde nous suit, dit soudain Danglot à Dubois.

Tout le monde suit, même Nény ... Plus de mille mètres à nouveau parcourus dans des conditions inimaginables. Ce n'est plus l'homme qui avance, c'est l'instinct de conservation qui le fait avancer. Marche ou crève ! Voie «  Caporal », accro­chage 303. L'écurie. Le cadavre d'un cheval en décomposition. Danglot taille dans cette pourriture un morceau pour chacun. Qu'ils sont loin les bons biftecks d'Ecuyer !

A l'aveuglette, ils essaient de faire l'inventaire des lieux. Le jeune Vanhoudenhove découvre un coffre à avoine. Chacun en reçoit une poignée qu'il mâchonne religieusement. Ah !ce goût ! Quel régal ! ...

Tiens ! un seau. A l'accrochage, il tombe un peu d'eau. On va la recueillir. D'instinct, Couplet? Castel? Danglot? frappent sur les tuyaux, lancent des appels dans le puits. Des voix répondent ! Les cœurs battent : la délivrance est proche.

Dans une joie délirante, ils attendent patiemment qu'on vienne les chercher, l'oreille aux aguets, les yeux fixés vers le puits où doivent apparaître les sauveteurs.

Des heures passent. Aucun bruit. De nouveau, ils appellent dans le puits. De nouveau, le puits résonne d'appels venant d'un étage supérieur.

Des sauveteurs? Ou des rescapés comme eux, réfugiés à l'accrochage 231 ? Ils veulent en avoir le cœur net. Du beurtiat 303, ils passent à la bowette 280 et, de là, ils gagnent l'accrochage, épuisés. 'Dans l'obscurité, Boursier lance

- Qui est là ? - C'est nous.

- Qui nous ? Dites vos noms. Deux exclamations soudaines - Papa 1

- Min garchon !

Au son de leur voix, le père Pruvost et Anselme se rapprochent, les mains se rencontrent. Ils tombent à genoux, s'étreignent, se couvrent de baisers. Au milieu de sanglots, de larmes de joie.

Un père et son fils, perdus dans les entrailles de la terre, se sont retrouvés après douze, quinze jours d'errement. L'émotion gagne les témoins invisibles de ces retrouvailles. Tous pleurent. Et songent à ces êtres chers, qui, là- haut, vivent dans le chagrin. Ces êtres chers au milieu desquels ils s'imaginent apparaître ...

 

Papa 1 ... Min garchon ! ...

 

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