ADDENDA

 

La remonte des rescapés à Billy-Montigny décupla l'ardeur des sauveteurs dans l'exploration des galeries et chantiers du secteur initialement abandonné de Méricourt ­Sallaumines.

Le 2 avril, vers 19 heures, Leprince-Ringuet, Petitjean et plusieurs mineurs descendirent à la fosse 4. Dans les corons se répandit alors le bruit que s'il y avait descente c'est qu'on avait entendu des hommes battre le rappel. La foule accourut en masse. Les soldats, postés derrière les barrières, eurent peine à la calmer : il n'y avait pas de survivants.

Et pourtant le miracle vint. Mercredi matin, 4 avril, Auguste Berton remontait vivant de la fosse 4, quatorzième et dernier rescapé qu'il convenait d'associer à ses 13 cama­rades remontés à la fosse 2.

Lui aussi eut à lutter contre la faim, la soif et le froid. Il avait établi son quartier général dans une bowette d'où il rayonnait, se rendant régulièrement aux accrochages des puits 4 et 11. Il mangea les briquets de ses camarades morts, but l'eau de suintement des parois des bowettes, dépouilla les cadavres de leurs vêtements dont il se servit comme matelas et couvertures. Sauvé, il avait l'impression qu'une dizaine de jours seulement s'étaient écoulés depuis la catastrophe.

Après la remonte des 13 rescapés et celle de Berton, la grève reprit vigueur. Clémenceau fit intervenir la troupe et un climat d'insécurité pesa sur la région minière.

Une anecdote : l'itinéraire de la course PARIS-ROUBAIX du dimanche 15 avril fut modifié, et les organisateurs du Tour de France s'arrangèrent pour éviter notre région. Pourquoi? Le journal l'AUTO s'en expliqua auprès de ses lecteurs :

« Les troubles qui se produisent fréquemment dans la région d'Hénin-Liétard depuis le tragique événement que tout le monde connaît ont mis la population dans un tel état d'exaltation qu'il serait parfaitement possible que nous ayons, sans le changement dont il s'agit, à enregistrer de graves désordres dans la partie de l'itinéraire comprise entre Arras et Carvin. »

Notre inspecteur Abran, qui reconnaît actuellement le parcours du Tour de France, va même plus loin et nous téléphone qu'il est matériellement impossible de faire passer nos vaillants concurrents au milieu des cohortes de mineurs et d'ouvriers décidés aux pires excès. « On leur tendrait des fils de fer, on leur jetterait des briques », nous dit Abran .

Le changement d'itinéraire du PARIS-ROUBAIX : une mesure qui indigna profondément la population minière.

 

REPARTITION PAR COMMUNES
DES VICTIMES DE LA CATASTROPHE DE COURRIERES

 

Communes

Nombre 

de morts

Communes

Nombre

de morts

Acheville

Achicourt

Athies

Avion

Bailleul-sire-Berthoult

Beaurains

Billy-Montigny

Dourges

Farbus

Feuchy

Fouquierès-lès-lens

Hénin-Liétard

Izel-Iès-Esquerchin

Lens

Loison-sous-Lens

5

1

2

30

8

1

114

1

1

1

36

8

1

12

22

Méricourt

Montigny-en-Gohelle

Neuville-Vitasse

Neuvireuil

Noyelles-sous-Lens

Oppy

Rouvroy

SaiIIy-Labourse

Saint-Laurent­-Blangy

Sallaumines

Thélus

Vimy

Vitry-en-Artois

Willerval

404

9

1

1

102

5

 9

1

1

304

2

13

1

3

               

                                              

Maire de Billy-Montigny de 1904 à 1922, qui était Pierre-Joseph Tournay ?

Né à Denain le 26 février 1850, il descendit à la fosse comme galibot à l'âge de 10 ans. Puis s'engagea à 20 ans au 3ème régiment de zouaves. Au cours de combats en Afrique, il participa notamment à l'expédition de Zurjura et de l'Aurès avec les généraux Lacroix et Cérès ; il y gagna la médaille commémorative de cette campagne d'Algérie.

Libéré en 1875, il revint à Anzin et reprit le métier de mineur. Militant syndicaliste, il passa par Aniche, Bully­-Grenay, Lens, Annezin, Martes, Drocourt, Billy. Il était à Dourges lors de la grève de 1893. Arrêté comme meneur, il fut condamné pour entrave à la liberté du travail.

Il se fixa à Billy en 1884 où il se dévoua pour la cause syndicale. Lors des élections municipales de 1904, il arrivera en tête de liste et sera élu maire.

« De taille moyenne et trapue, carré des épaules avec dans la marche un déhanchement spécial. Figure énergique, le front haut, des yeux bleus très doux mais le regard franc, droit ... Le citoyen Tournay, que ses amis et les familiers appellent dans l'intimité le « Zouave », porte la casquette russe relevée en arrière comme la chéchia. Il a gardé le beau type de ce vieux soldat héroïque et simple, que l'image et la gravure ont rendu populaire et qu'ont bien connu tous ceux qui ont «  servi »  en Afrique, avant la guerre ».

(LE REVEIL DU NORD DU 18 MARS 1906)


 

 

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