1er Septembre.

Rien de nouveau dans la concession.

Le matin, nous avions réunion des Directeurs à Lens, mais sur un avertissement que la circulation des autos, bicyclettes et voitures était interdite à Lens, nous décidons avec M.M. Prudhomme et Virely qui étaient passés pour me prendre sans être informés de cette mesure, que nous n’irons pas. J'avais été avisé par l’Adjoint au Maire de Billy à qui j’avais prêté une voiture et un cheval le matin pour porter le courrier à Lens.

Nous décidons de limiter dans de très fortes proportions le nombre des postes à faire par nos ouvriers et de réduire l'entretien à l'indispensable.

Les ouvriers célibataires et ceux ayant deux enfants et au-dessous ferons trois postes par quinzaine, ceux en ayant davantage cinq postes.

Je fais partir le matin M. Descouvemont pour Paris chercher 325 000 francs au Gaz de Paris (facture de Juillet), il est accompagné de M.M. Gottraux et Desvenain. Ils iront par auto s'il le faut au Tréport prendre le train, de là par fer à Paris. Ils verseront l'argent qu’ils toucheront à la Banque de France et demanderont un chèque sur la succursale de Boulogne.

J'envoie un motocycliste à Berck-sur-Mer consulter M. Boca au sujet de l'émission de papier-monnaie. Je fais remettre au Sous-Préfet de Béthune une lettre pour lui demander d'activer la distribution des secours du Gouvernement aux familles des soldats.

Nous ramenons de Rocquigny, Haplincourt et Barastre, 13 blessés, nous nous en avons 22.

 

2 Septembre.

Vers une heure et demie on publie l'appel des soldats en sursis, territoriaux et réservistes territoriaux. Ils doivent rejoindre leurs dépôts respectifs ; on leur assigne des régions très éloignées (Creuse, Haute-Vienne, Dordogne et Charente).

Je fais payer les journées à ces appelés.

Tous nos ingénieurs, sauf M.M. Scherrer, Chabert, Sion et Leclercq (ces deux derniers du jour) sont touchés par cet appel.

Le Préfet me fait demander de la part du Ministère des Travaux Publics, 100 mineurs pour Albi. Je lui écris pour lui dire que je ne peux faire l’avance du voyage et lui demander comment il peut leur assurer le parcours.

 

3 Septembre.

Tous les appelés partent, ils se mettent en route dès trois heures du matin devant gagner à pied St Pol au moins, si toutefois on peut encore y prendre le train.

Dès le matin nous nous occupons de la répartition du personnel.

Les fosses n° 2, 3,10, sont confiées comme direction à M. Storet, chef géomètre ;

Les fosses n° 4, 5, 13,21, sont confiées comme direction à M. Chabert ingénieur ;

Les fosses n° 6, 7, 8, 9, sont confiées comme direction à M. Scherrer ingénieur.

Beaucoup de chefs porions sont partis, de porions contrôleurs également. Je fais appel à quatre chefs porions retraités qui acceptent de nous prêter leur concours pour 200 francs par mois payables après la guerre.

Je dois faire des mutations provisoires, certaines fosses étant plus dépourvues de surveillants que d'autres.

Les chefs de carreau nous font faute aussi, pour combler les vides, je prends des employés des Travaux du Jour.

Mêmes difficultés pour les Comptables de fosses. Enfin nous arrivons à établir des attributions de services dans les meilleures conditions possibles étant données nos ressources en agents.

M. Leclercq est chargé de tout ce qui a rapport à la surface : turbines des 3 et 5 pour l'éclairage et l'épuisement des fosses.

M. Sion prêtera son concours pour les fosses 9 et 21 à M.M. Scherrer et Chabert.

Le service des Equipages est donné à un employé des Magasins, M. Liégeois, frère du Chef du Service Commercial.

M. Coutelier a le service de l'entretien des machines, chaudières, ateliers etc. etc…

Le nombre des ouvriers restant pour le fond est de 4200, y compris les galibots. Nous n'avons pas encore fait la récapitulation en détail.

Il nous reste en tout dans les divers services, fond non compris, 50 employés en chiffres ronds, dont une dizaine en dessous de 18 ans.

 

4 Septembre.

Rien de particulier

Quatre soldats malades nous arrivent d’Arras. Nous évacuons 2 blessés graves sur l'hôpital de la Compagnie de Dourges.

Notre ambulance de Billy soigne 23 unités.

L'auto-ambulance rentre après avoir conduit les Ingénieurs mobilisés pour prendre le train sur la ligne de Boulogne.

M.M. Frémaux et Liégeois vont à Lens voir M. Reumaux pour savoir ce qui a été décidé dans la réunion de Mardi dernier 1er courant. On a surtout examiné la situation financière ; Lens est largement pourvu, Liévin, Bruay, Béthune, Ostricourt émettent des billets.

L'après-midi M. Frémaux va à Lille conduit par M. Maurice Thellier de Poncheville dans une petite auto. Je l’ai chargé de demander au Crédit Lyonnais et à Verley Decroix, 20 chèques de 100 000 francs l’un, sur la succursale de la banque de France à Boulogne, afin de pouvoir avoir une réserve papier au lieu de billets ou numéraire et y avoir recours au fur et à mesure de nos besoins. Ces banques ne pouvant plus correspondre avec Boulogne n'ont pu accéder à ce désir.

La ville de Lille est occupée par les Allemands et la circulation en voiture y est interdite sans autorisation spéciale du Général commandant la Place ; une affiche signée de lui et du Maire de Lille informe les habitants que les propriétés privées et les personnes seront respectées.

Lille est frappée d'une amende de 350 000 francs parce qu'on y aurait trouvé une publication injurieuse pour le Kaiser, présentée sous forme de testament.

 

5 Septembre.

Les Allemands continuent à circuler par petits groupes de 4 ou 5 sur la route nationale entre Hénin-Liétard et Lens. Ils ne s'arrêtent pas à Billy, mais ils ramassent beaucoup de mobilisés qui vont, les uns en char à bancs, d’autres à pied pour répondre à l'appel fait le 2 courant. Ils demandent les livrets militaires et dirigent sur Douai ceux qui sont encore soumis au service.

Le soir un lieutenant réquisitionne 25 autos à fournir par la ville de Lens sous peine d'une amende de 10 000 francs par auto qui manquerait sur ce nombre. M. Maurice Thellier de Poncheville est appelé par le maire de Lens pour l'aider ; on arrive à en réunir 7 à Lens même, et comme le lieutenant a pu constater que tous les efforts ont été faits pour satisfaire à la réquisition et qu'il est impossible de fournir ce qu'il a demandé, on n’applique pas l’amende

 

6 Septembre

M.M Descouvemont, Gottraux et Desvenain que j'avais envoyés à Paris le 1er courant toucher à Paris (Société du Gaz) la facture de 325 000 francs pour les fournitures de Juillet et de demander aux Compagnies du Nord et de l’Est de nous payer également, arrivent en auto à quatre heures et demie du matin.

J'avais donné pouvoir à M. Descouvemont pour donner quittance et lui avais remis aussi des lettres personnelles pour les Chefs de Service de ces Compagnies avec lesquels j'ai de bonnes relations. Au Gaz, il a été payé de suite ; à l'Est, l'Ingénieur en Chef du matériel et de la traction lui a dit que la Caisse était transférée à Dijon où il pourrait être payé, et que le Nord avait également évacué Paris. J'aurais dû envoyer deux jours plus tôt.

Il a déposé les 325 000 francs du Gaz à la Banque de France et demandé un virement sur la succursale de Boulogne. J'avais jugé prudent, étant donnée l'incertitude des communications par voie ferrée, de ne pas transporter cet argent depuis Paris jusqu'ici, les relations avec Boulogne étant plus faciles.

Le voyage aller et retour a dû, en effet, être fait en auto. J'avais pensé qu'on trouverait au Tréport un train sur Paris, sinon à Rouen, mais même en ce dernier point le service du chemin de fer était arrêté depuis plusieurs jours, on a donc dû aller en auto jusqu'à Paris et revenir de même.

Comme nous avions crainte que la région de Boulogne ne devienne inabordable, M. Descouvemont est reparti le même jour à trois heures accompagné de M. Gottraux que ce voyage à Paris avait retardé pour répondre à la mobilisation, et Desvenain.

 

7 Septembre.

Nous apprenons le matin que les villes de Lens, Hénin-Liétard et Lille qui étaient occupées par des Allemands ont été évacuées dès le matin. Nous n'avons pas eu de stationnement d'Allemands à Billy Montigny. Des patrouilles détachées de trois ou quatre hommes ont circulé à maintes reprises sur la route, mais ne se sont jamais arrêtées dans le village et n'ont fait aucune réquisition. Elles ont arrêté en diverses fournées des groupes de mobilisés qui allaient rejoindre et les ont fait prisonniers ; à Lens et à Hénin on a réquisitionné des autos, mais aucune atteinte n’a été portée contre les personnes.

J'envoie M. Frémaux accompagné de M. Leclercq à Lille chercher 400 000 francs au Crédit Lyonnais ou chez Verley. Ils font le trajet en voiture et rapportent cette somme. Leur voyage s'effectue sans incidents. Lille est absolument purgé d'occupants ennemis.

 

8 Septembre.

M.M. Descouvemont et Desvenain rentrent de Boulogne après y avoir touché l'ordre de virement de 325 000 francs à la succursale de la Banque de France. Ils sont arrivés à dix heures du matin après avoir couché à Bruay. J'avais envoyé un motocycliste pour reconnaître la route dès le matin et les avertir si elle était parcourue encore par des cavaliers allemands. Le pays était absolument libre. M. Butruille nous apprend que Douai a aussi été évacué ; nous ne savons rien d’Arras sinon que hier au soir ????

 

 

Journal de bord de Monsieur Lavaurs

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