Vendredi 1er janvier 1915

 

A minuit exactement, une série de coups de fusil se font entendre ; cela dure pendant une demi-heure. Les coups sont très rapprochés et tout autour de Billy Montigny. Nous nous demandons ce que cela signifie et nous n’en avons l'explication que le matin lorsque nous apprenons que les soldats ont la coutume de célébrer le commencement de l'année par des salves de fusil. C'est ainsi qu'on en avait tiré tout autour de nous.

 

Triste journée que ce premier de l'an passé loin des siens, sans nouvelle aucune, sans pouvoir fonder aucune espérance sur l'issue des événements et  sur la durée de notre isolement absolu.

 

La journée a été relativement calme ; la situation reste absolument la même.

 

Les Allemands ont installé à Billy une ambulance de 200 lits au moins dans l'école communale des garçons. Ils ont ramassé toute la literie qu'ils ont pu trouver dans les maisons inoccupées.

 

 

Il y a Billy un personnel très important d’officiers et 150 à 200 hommes de troupe, fantassins de la Landwehr et chasseurs à cheval. On a démonté un certain nombre de chasseurs pour les envoyer au feu dans les tranchées.

 

Nous allumons les  feux au nº 8  pour fourniture de lumière et fonctionnement des bains douches sur réquisition de la 29ème division à Wingles dont le village de Courrières dépend.

 

L'épuisement aux numéros 6 et 10 est commencé depuis six jours, ainsi qu'aux 7 et 9 où  nous avons extrait un peu de charbon. Au nº 2, le travail continue. Nous occupons en tout, en ce moment, 450 hommes.

 

Samedi 2 janvier

 

Le canon recommence à tonner assez violemment particulièrement dans l'après-midi.

 

Dimanche 3 janvier

 

... Cela continue pendant la nuit et s’accentue fortement pendant toute la journée à l’Ouest et au Sud-ouest comme toujours.

 

M. le Comte d’Andelaw qui a été promu Capitaine part pour le front. C'est un regret de le voir partir, car avec lui, les relations étaient faciles et fort courtoises, et il nous a rendu de réels services pour la reprise du travail et mille détails. C'est le lieutenant Lemann (chasseurs) qui le remplace.

 

Lundi 4 janvier

 

Le combat a continué très fort pendant la nuit ; on tire  encore beaucoup pendant la journée, mais très irrégulièrement, parfois à coups très espacés et souvent d'une façon continue.

 

M.Oheimb vient de Valenciennes ; il m’apporte un bon pour 2000 litres de benzine à prendre à Courchelettes ; nous lui versons le coût de cette fourniture (40 Pfennigs) le litre, soit 800 marks. Il m'annonce qu'un ingénieur officier à Vendin le Vieil, M.Heinrich est désigné pour lui venir en aide.

 

Mardi 5 janvier

 

Quelques coups de canon la nuit et surtout le matin. Cela cesse quelque peu dans la matinée pour reprendre très fort dans l'après-midi et continuer jusqu'à une heure avancée de la nuit.

 

M. Reumaux et son gendre viennent passer quelques instants à la maison dans l'après-midi.

Photo source Gauheria

Les fosses de Lens ont subi beaucoup d’avaries : câbles coupés, matériel projeté dans le puits, ainsi que des chevaux morts.

 

Mercredi 6 janvier

 

Comme la journée précédente, très fort duel d'artillerie surtout l'après-midi, et jusqu'à une heure avancée de la nuit.

 

Jeudi 7 janvier

 

Le canon continue comme les journées précédentes. On entend très distinctement dans l'après-midi l'éclat des obus des alliés.

 

M. le Comte d’Andelaw vient le soir dîner avec son Excellence.

 

Vendredi 8 janvier

 

Nuit très bruyante. Son Excellence Von Kehler part à onze heures pour l'Allemagne où il va prendre une quinzaine de jours de repos. Son Etat-major reste ici. Il vient prendre très aimablement congé de nous avant son départ. Il est remplacé pendant son absence par le général de brigade d'infanterie (57ème brigade) von Trotha qui arrive à 3 heures.

 

M. Heinrich, Ingénieur des mines à Sarrebruck vient s’installer ici (chez M.Fremaux) et restera attaché à Billy pour l'exploitation de nos mines (à titre de surveillance). M.Oheimb m’avait remis là veille un lot d’affiches de l'Inspection des Etapes interdisant aux troupes de réquisitionner les objets et matériel nécessaires à l'exploitation.

 

L'artillerie tire dans toutes les directions autour de nous à l'Ouest ; Nord-ouest et Sud-ouest ; très fortes détonations, très suivies qui dureront jusque vers quatre heures du matin.

 

Samedi 9 janvier

 

Continuation de la canonnade pendant une grande partie de la journée ; coups très violents, se succédant très rapidement pendant certaines périodes ; la nuit est également forte agitée.

 

Dimanche 10 janvier

 

Comme hier, on entend le canon de tous côtés au Nord-ouest, Ouest, et Sud-ouest. Détonations extrêmement fortes qui se continuent la nuit.

 

Pendant l’après-midi, le Commandant von Batocki me fait appeler pour me dire que l'on a fait des signaux la nuit par l’allumage intermittent d'une de nos lanternes électriques située sur le carreau du n°2.

Il est accompagné  de tous les officiers sous ses ordres. Je lui fais observer que nous avons pris toutes les mesures possibles pour rendre impossible l’allumage de ces lanternes, que nous avons enlevé les plombs fusibles. Il me répond qu'on a pu les remplacer pour allumer et les enlever après etc... etc...

Voyant la difficulté que j'éprouvais à le convaincre, et outré de l'accusation absolument  injuste portée contre nous, je fais chercher M.Heinrich qui parvient à l’apaiser.

 

Nous faisons enlever toutes les lanternes et nous coupons les communications pour éviter qu'on puisse encore nous accuser et l'incident est clos.

 

Mais c'est très émotionnant pour nous de penser qu'à chaque instant on peut nous créer une difficulté et comme on a l'air de se méfier de M.Leclercq (malgré toute sa prudence et tout le dévouement dont il fait preuve), je demande à M.Heinrich de le faire surveiller le jour et la nuit de façon à  ce qu'on ne puisse rien lui reprocher.

 

 

Lundi 11 janvier

 

Pendant la journée et une partie de la nuit, très violente canonnade toujours dans la même direction.

Journal de bord de Monsieur Lavaurs

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