Mardi 1er décembre

 

Très forte canonnade qui durera toute la journée avec quelques intermittences, et toute la nuit jusqu'à cinq heures du matin. Nuit très claire.

L'Etat-major est toujours à Billy. Il y a également un commandement de place, de l’intendance, etc. etc.... et une grande quantité de soldats.

 

Nous continuons à travailler au numéro 2 avec une centaine d'hommes en moyenne. Ce matin nous en avions 120.

 

Mercredi 2 décembre

 

Le combat continue toujours avec une certaine violence.

 

Les alliés  auraient, croyons nous, tenté vers le soir une attaque inattendue, car vers 19 heures, une grande agitation règne autour de nous.

 

On parle même du départ de l'Etat-major qui se trouve à la maison. Beaucoup de mouvement sur la route entre 20 et 22 heures.

Des convois se dirigent en hâte  dans la direction d’Hénin ; à un moment ils s'arrêtent et ensuite retournent sur leurs pas.

D'aucuns disent qu’on a fait faire aux troupes  une manœuvre d'embarquement à titre d'exercice !

Nous n'en savons rien. En tous les cas, cette agitation cesse, et la nuit s'est passée comme la précédente avec de fortes canonnades et fusillades.

 

Il fait un véritable ouragan.

 

Jeudi 3 décembre

 

Il n'y a rien de particulier à signaler ; le canon continue à tonner avec plus ou moins d’intensité suivant les heures de la journée.

 

Vendredi 4 décembre

 

La journée est plus caractérisée comme intensité de canonnade. On tire beaucoup du côté Sud et ce doit être de très grosses pièces car par moments la répercussion fait trembler les fermetures de la maison. La nuit aussi est assez agitée ; il fait un magnifique clair de lune.

 

Samedi 5 décembre

 

J'obtiens l'autorisation de faire l’épuisement aux numéros 6 et 10, et de nous mettre en mesure de faire un peu d'extraction au nº 9. Cela nous permettra de faire un peu d'entretien. 9/17

 

L'Etat-major qui est logé chez moi me procure de la benzine pour nos lampes de mine. Nous en avions plus de 6000 litres qui nous ont été réquisitionnés il y a déjà plus de trois semaines.

 

Le gaz de Lille m'avait demandé du charbon et je lui ai  fait savoir il y a deux jours, par un officier d’ici, qu’on pouvait envoyer chercher un train de 340 tonnes à Billy. On est venu le prendre hier au soir et dans quelques jours on reviendra encore. Le gaz de Lille est notre client, et il a obtenu du Commandant de place de Lille l'envoi d'une locomotive pour transporter ce charbon.

 

Le combat continue toujours dans la même direction avec plus d'intensité que les jours précédents. La nuit a été calme.

 

Les officiers se préoccupent de fêter  Noël ici. Ils m’ont demandé deux sapins pour faire leur arbre et une salle de bureau en plus de la salle des fêtes.

 

Ces projets  nous indiquent qu'ils ne songent pas à partir ; ils avaient du reste dit à leur arrivée, qu’ils célèbreraient ici la fête de Noël.

 

Dimanche 6 décembre

 

La  ville de Seclin me fait également demander du charbon pour le gaz qui est notre client .Je lui fais dire par l’officier qui vient exprès pour cela de venir le chercher mardi à 10 heures.

 

On continue à tirer le canon. Un aéroplane allié est passé est vers midi et demi et il a reçu une bordée de 15 à 20 coups  de canon et des salves de mousqueterie sans être molesté dans sa marche. Il est rare qu’après  le passage d'aéroplanes, il n'y ait pas une reprise de coups de canon.

 

La journée s'écoule sans incidents.

 

Vers 20 heures, le canon recommence pendant une heure environ.

 

Lundi 7 décembre

 

Dès le matin (six heures) reprend le tir assez violemment. De très forts coups se font entendre.

 

A 9 heures arrivent de Valenciennes 3 officiers qui sont envoyés pour nous demander si  nous ne sommes pas encore en état de verser la contribution à laquelle nous avons été condamnés. Je leur réponds que nous sommes dans la même situation que l'autre jour et que nous ne voyons pas la possibilité de nous procurer de l'argent.

 

Nos banquiers sont dans le pays envahi ; ils n'ont pas de fonds, et du reste nous n'avons pas cette somme à notre crédit chez eux ; d'autant mieux que ce crédit se compose de deux parties : l'une résultant de nos opérations de banque avec eux, l'autre des sommes versées pour la souscription d'augmentation du capital de la Compagnie ; cette souscription n’est pas terminée en ce sens que la répartition est encore à faire et que nous aurons à restituer des sommes versées en trop par ceux qui ne pourront pas avoir le nombre d'actions qu'ils ont souscrites.

 

Ils demandent notre situation chez nos banquiers et ils reviendront la chercher demain. Entre-temps j'en parle aux officiers d'ordonnance du Général qui cherchent à me rassurer et m’affirment que son Excellence s'occupera de cette désastreuse affaire et interviendra en notre faveur.

 

Le canon a continué pendant toute la journée et une partie de la nuit.

 

Mardi 8 décembre

 

Le matin je vois le Général et le remercie chaleureusement de l'assurance qu’il m’a fait donner hier par ses officiers qu'il s'occuperait de notre affaire. Il me répond très aimablement qu'il veut intervenir et faire tout ce qu'il pourra pour nous, que je  peux être rassuré.

 

A treize heures trente revient un des trois officiers qui étaient venus hier de Valenciennes. Je fais aussitôt appeler un des aides de camp du Général et ils causent longtemps ensemble.

 

Cet officier de Valenciennes est Ingénieur des mines, Directeur d'une exploitation en Silésie. Il me demande ce qui nous manque pour travailler à plusieurs de nos fosses, et me dit qu'il s'occupera de nous le procurer.

 

En somme, je crois que la solution qui interviendra probablement sera de nous mettre ces conditions de faire 4 à 500 tonnes par jour et de livrer une partie de cette production aux Allemands ?

On me demande nos prix de vente et comme on me montre les renseignements donnés par Anzin et par Aniche, je réponds que ce sont les mêmes tarifs qui, du reste, sont uniformes entre les diverses Compagnies. On agit en même temps  en notre faveur d'un autre côté.

 

La canonnade a été extrêmement violente pendant toute la matinée ; l'après-midi silence. Dans la nuit forte fusillade entre deux et trois heures du matin.

 

Mercredi 9 décembre

 

Rien à signaler aujourd'hui. Ce n'est que vers le soir qu'on a tiré quelques coups de canon.

 

Jeudi 10 décembre

 

Même observation.

 

Vendredi 11 décembre

 

Journée calme également. Le soir cependant de 16 h 30 à 18 heures, canon et surtout fusillade dans la direction Acheville.

 

Samedi 12 décembre

 

Il y a aujourd'hui dix semaines que nous sommes envahis, et nous en sommes toujours au même point, toujours isolés du monde, sans nouvelles du pays ni des nôtres.

 

Son Excellence le Général Von Kehler est ici depuis le 23 novembre avec son  Etat-major de la 28ème division d’Infanterie. C’est un homme très bienveillant et très courtois qui a bien voulu nous accorder sa protection pour notre désastreuse affaire  de contribution qu'il considère comme arrangée.

Il nous autorise à faire travailler également aux fosses 7 et 9 afin de procurer des ressources aux ouvriers. C'est une question qui est réglée en principe. L’ordre écrit nous sera donné aujourd'hui ou demain.

 

Dans l'après-midi, vers 17 heures, commence une vive fusillade qui durera une partie de la nuit, direction d’Acheville, mais plus loin.

 

Dimanche 13 décembre

 

Cette fusillade continue dans la matinée également du côté de Lens. Quelques coups de canon alternent; mais c'est plutôt un combat d'infanterie.

 

On me donne l’autorisation écrite et l’approbation d'un règlement que j’ai fait pour les fosses qui travailleront et pour celles  en chômage.

 

Le soir, la fusillade qui avait cessé depuis onze heures du matin recommence et elle continuera violente pendant une partie de la nuit.

 

Nous ne savons rien de ce qui se passe, naturellement, mais d'après ce que nous pouvons en juger, il n'y a pas de modification importante dans la situation.

 

Les officiers nous disent cependant qu’Arras aurait été bombardé et aurait beaucoup souffert ; ce qui est une cause d'inquiétude pour nous, car ma belle-mère s'y était réfugié chez ma belle-sœur et nous craignons qu'elle n’ait pas voulu ou pu partir.

 

Lundi 14 décembre

 

Rien de particulier à signaler sauf une fusillade assez nourrie le soir vers 17 h. Elle se prolonge très avant dans la nuit.

Journal de bord de Monsieur Lavaurs

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