Dimanche 15 novembre

 

Le convoi de ravitaillement sous les ordres du commandant Wittmer part ce matin pour Lewarde.

 

Il fait très froid et très mauvais temps, pluie et beaucoup de vent.

 

À midi arrive le convoi commandé par M.Landeberg que nous avons déjà eu ici.

 

Le matin 7 officiers sont revenus pour réquisitionner encore du vin. Je leur dis que tout a été pris. Ils insistent prétendant qu'on leur avait dit qu'il y en avait encore 300 bouteilles. Je leur montre une attestation de l'officier qui avait fait l'enlèvement, attestation sur laquelle il déclarait qu'il n'y avait plus de vin. Ils demandent à voir néanmoins et à descendre à la cave. Ils reconnaissent qu’on les  a mal renseignés et s’excusent.

 

Rien de nouveau dans la journée.

 

On nous enlève Verpillot, l’un des 2 blessés qu'on nous avait laissés le 11 octobre dernier comme n'étant pas transportables.

 

Au soir, vers 20 h,  recommencent pendant trois heures la fusillade et les coups de canon. 5 obus français sont tombés le matin sur Lens.

 

 

Lundi 16 novembre

 

Quelques coups de canon dans la journée, toujours du côté de la fosse nº 8 de Lens. Dans la soirée, à partir de 21 h violents coups de canon jusqu'à minuit accompagnés de fusillade qui reprendra pendant la nuit vers 4 h du matin.

 

 

Mardi 17 novembre

 

M Frémaux va à Hénin-Liétard pour voir s’il peut aller jusqu'à Douai avec M.Butruille pour se renseigner encore sur la somme qu'on pourrait réunir pour notre contribution au sujet de laquelle nous n'avons pas de nouvelles.

Il revient le soir après avoir vu Monsieur le Président, qui est retiré chez Monsieur Edmond  Butruille, et notre banquier M. Louis Dupont qui doit faire une démarche à la Banque de France.

 

Le bruit du canon qu'on a entendu aujourd'hui venait de très loin dans la direction  d’Armentières. La nuit a été calme.

 

Le beau temps est revenu. Il fait très froid.

 

 

Mercredi 18 novembre

 

Le convoi du commandant Landeberg part d’ici ce matin pour Lewarde ; il est remplacé ici, quelques heures après, par celui du commandant Wittmer.

 

Rien de particulier dans la journée.

 

Peu de bruit de canon qu'on entend très loin au Nord.

 

Jeudi 19 novembre

 

La gare de Lens sera évacuée aujourd'hui, nous dit-on, et Billy deviendrait tête de ligne. La raison de ce changement est due aux obus que les alliés envoient sur la gare de Lens depuis deux jours. Ce serait donc un petit recul dans les positions de l'envahisseur.

 

 

Peu de canonnade dans la journée. On tire toujours dans la direction de La Bassée et aussi au nord de Harnes mais fort loin.

 

Quelques obus des alliés sont tombés hier encore sur Lens.

 

Il fait très froid et il tombe de la neige.

 

Dans la nuit sont arrivés à Lens des renforts d'infanterie venant, les uns du côté de La Bassée, les autres de la direction d’Acheville.

 

Vendredi 20 novembre

 

Le convoi commandé par M.Wittmer part ce matin pour Auby.

 

Le sol est couvert d'une couche de quelques centimètres de neige.

 

M. Maurice Thellier de Poncheville, MM. Frémaux et Descouvemont partent pour Lille.

 

Ils sont allés voir à Roubaix le Consul d'Amérique pour lui demander s'il pourrait intervenir auprès du Général au sujet de notre contribution. Le Consul répond que ce n'est pas de sa compétence et que tout ce qu'il peut faire est de recevoir une protestation que nous lui remettrions pour la transmettre à son Gouvernement.

 

Le Crédit du Nord peut mettre à notre disposition 300 000 francs à la condition que nous nous engagions à l’inscrire parmi les banques avec lesquelles nous sommes en affaires. M. le Président à qui l'idée a été soumise a répondu qu'il n'y avait pas à hésiter.

La journée et la nuit se sont passées dans le plus grand calme. On n’a entendu aucun bruit de canon ou de mousqueterie.

 

À une heure arrive le convoi de ravitaillement sous les ordres du commandant Ohltrich.

 

Comme toujours les officiers, au nombre de 7 prennent leur repas à la maison, 2 logent chez moi, 2 chez Monsieur  Fremaux, 1 chez Madame Myon et 2 à la pharmacie.

 

Nos magasins sont un centre d'approvisionnement pour le corps d'armée. On y vient constamment  pour des réquisitions.

 

Samedi 21 novembre

 

La nuit a été assez calme.

 

Rien de particulier si ce n'est dans l'après-midi, la visite de deux officiers d’Etat-major de la 28ème division d'Infanterie : MM. le capitaine Weber et le lieutenant Comte d’Andelaw qui viennent m’annoncer que le Général de la division, Von  Kehler et son Etat-major viendront s'installer à Billy, lundi à 10 h du matin et qu'ils demandent des logements pour 12 officiers.

 

Je prends chez moi le Général, le Commandant et un officier d’ordonnance, plus le cuisinier et 3 ordonnances.

 

M. Frémaux prend 3 officiers. Cinq seront installés dans la maison vide de M. Guerre. L'aumônier catholique logera chez Madame Myon. C'est à la Régie que tous les officiers mangeront et je dois leur laisser la salle à manger et le grand salon.

 

M.Frémaux est allé à Lille au Crédit du Nord. Les exigences du Président, M. Dubar, sont telles que nous ne pouvons nous mettre d'accord.

 

Rien de particulier  comme canonnade dans la journée. La nuit la fusillade recommence.

Il est tombé à Lens quelques obus français dans la journée.

 

 

Dimanche 22 novembre

 

Le convoi de ravitaillement part le matin.

 

Dans la journée on entend, par moments, de forts coups de canon dans la direction du nº 8 de Lens et au Sud sur Acheville.

 

Les officiers d’Etat-major de la veille reviennent pour s'assurer que tout sera prêt pour l'arrivée du Général. Cet Etat-major était cantonné à Vendin-le-Vieil ; c'est donc une marche en arrière de 6 à 7 kilomètres. En même temps l'Etat-major général qui était à Wingles se replie sur Hénin-Liétard.

 

L'après-midi arrive le Capitaine de Cavalerie von Batocki qui m'annonce qu'il est désigné comme Commandant de place de Billy-Montigny et qu'il viendra demain avec ses officiers et un escadron. Il m’informe qu'il se logera dans les maisons abandonnées de notre personnel « Ingénieurs et Employés supérieurs ».

Pendant l'après-midi et une partie de la nuit, le combat recommence vers les mêmes points que ces jours derniers.

 

Lundi 23 novembre

 

L’Etat-major arrive à 11 h 30.

 

Le Général est fort courtois, son officier d’ordonnance me dit que si j'ai la moindre plainte à faire sur ses hommes, je n'ai qu'à m'adresser à lui.

 

La veille, le commandant d’Harnes était venu me voir pour me dire qu'il avait besoin de gaz à Harnes ; je lui réponds que le gaz n'appartient pas à la Compagnie ; mais que pour qu’il puisse en fournir, il lui faut du charbon et que j'en ai à peine pour les besoins de l'élévation de l'eau et du gaz de la commune pendant quelques jours, et que pour lui donner satisfaction il faudrait que je puisse faire travailler au N° 2, que j'ai l'intention de demander  cette autorisation au Général, mais qu’il serait intéressant que lui aussi lui exposât ses désirs.

 

Dès l'arrivée de la division, je fais remarquer au Comte d’Andelaw que nous n'avons plus de lumière chez moi et que s’il en voulait, je devrais être autorisé à essayer de faire marcher l'électricité à notre fosse nº 10, mais que pour cela il me faudrait du charbon, et qu'il était indispensable pour en avoir de faire de l'extraction à la fosse numéro 2.

 

Aussitôt cet officier me répond qu'il en parlerait au Général qui certainement ne la refuserait pas.

 

En effet, quelques instants après, il venait m'annoncer que cette autorisation m’était accordée.

 

Je le remercie et lui dis que nous n'avions plus de benzine pour nos lampes de mine, qu’on nous en avait enlevé plus de 6000 litres. Je vous en donnerai me répond-il. Nous prenons donc nos dispositions pour remettre en route le N° 2.

 

Dans la matinée, le Commandant de place avait fait publier par la mairie que tous les hommes de 18 à 50 ans devaient se rassembler devant la mairie à deux heures.

 

Je vais immédiatement le voir, je l'informe de l'autorisation donnée par le Général et je lui dis que je serai dans l’impossibilité de lui donner satisfaction si ces hommes étaient emmenés.

 

Il me dit alors qu'il dispense de cette présentation les hommes que j'occupe, que je n'ai qu'à lui donner leurs noms, et qu'il leur délivrera un permis. C'est ce que je fais, en ajoutant que, pour le moment, je ne peux  lui indiquer que le nom des Employés, et, qu'au fur et à mesure que je recruterai des ouvriers, je lui en ferai la liste. Nous sommes bien d'accord sur ce point.

 

Un peu de canon dans la nuit.

 

Mardi 24 novembre

 

Rien de particulier à signaler.

 

Nous organisons la reprise du travail pour demain, et nous travaillons à la remise en marche de la lumière électrique que nous pouvons obtenir le soir vers cinq heures à la grande satisfaction du Général qui me remercie.

 

Mercredi 25 novembre

 

La journée et se passe sans incidents. Un peu de canonnade dans la journée.

 

Nous avons commencé le travail à la fosse N° 2 ; 60 hommes y ont été occupés ce matin.

 

Jeudi 26 novembre

 

Dans la nuit, vers 3heures du matin, une vive fusillade s’entend du côté de Lens pendant une heure 1/2.

 

Vendredi 27 novembre

 

Le combat reprend dans la matinée et se continue très violent dans l'après-midi.

 

Un officier allemand me dit qu'on lance des obus sur Lens. On tire aussi du côté du Nord direction Carvin, mais bien plus loin. Non seulement on entend le canon mais aussi des fusillades très nourries.

 

Aucun incident ; nous continuons à travailler au N° 2 et nous cherchons à déblayer le Nº 10.

 

Samedi 28 novembre

 

Continuation de la canonnade comme la veille, parfois très violente et s'arrêtant pendant certaines heures.

On a dû installer des batteries de très fort calibre du côté de Drocourt car on entend des détonations très fortes de ce côté là ; c'est probablement pour tirer sur les collines de l’Artois, du côté de Notre-Dame de Lorette.

 

Un officier me dit que, sur les fronts, les tranchées ennemies sont distantes les unes des autres de 40 mètres ; l'espace qui les sépare est garni de fils de fer barbelés ; les hommes qui garnissent ces tranchées ne tirent que sur commandement. Entre temps, ils causent entre eux, se jettent des bouteilles vides dans lesquelles ils se font passer des cigarettes. On ne quitte pas ces tranchées, et j'ai vu hier un officier allemand qui venait d'y passer cinq semaines de suite.

 

La nuit le combat continue par intervalles.

 

Dimanche 29 novembre

 

Rien de particulier. Mêmes observations que pour hier.

 

Nous espérions avoir ce jour une messe à Billy, que nous n'avons plus depuis huit semaines. Mais le prêtre catholique, logé chez Madame Myon, est allé la célébrer à Lens, et c’est l’office protestant qui a été dit dans notre église, probablement parce que notre Général voulait y assister.

 

Lundi 30 novembre

 

On se bat toujours tout autour de nous à une douzaine de kilomètres, et sur certains points probablement plus près. Rien de particulier à signaler.

 

Journal de bord de Monsieur Lavaurs

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