CHAPITRE VIII     RETOUR      ACCUEIL

BILLY-MONTIGNY
TOUJOURS OCCUPE, PUIS EVACUE
...

Les populations civiles des territoires occupés sont menacées de famine. Pour venir à leur aide, des Comités se sont formés en Espagne, en Amérique.

C'est ainsi que, depuis le 25 mai 19i5, B!Ily-Montigny reçoit de la farine blanche envoyée par la «Commission for Relief in Belgium Fin février 1916, la Commune reçoit en plus, à titre de secours pour les familles nécessiteuses, 48 900 kg de charbon et un lot de vêtements, linge et sabots dont la distribution est assurée par le Bureau de Bienfaisance.

Sur décision du Conseil municipal en date du 4 février 1916, les 2017 kg de farine de seigle en stock, fournis antérieurement par l'Autorité allemande, sont mis en vente au prix de 0,30 F le kg, ou sous forme de pain de 3 livres à 0,40 F. Le même jour, sur la demande du Directeur de la Compagnie minière, Lavaurs, la municipalité décide de céder à l'oeuvre de la goutte de lait 6 boites de lait condensé américain par semaine pour permettre la poursuite de cette oeuvre.

Le Conseil municipal vote enfin une adresse de remerciements et de reconnaissance au Comité de Ravitaillement Hispano-Américain.

 

Entre les édiles communaux et l'Autorité allemande, tout ne va pas pour le mieux. La municipalité se refuse toujours à payer le charbon fourni par la Compagnie des Mines de Courrières pour le chauffage des troupes et la marche de l'usine à gaz de Billy-Montigny. Même refus de verser une indemnité journalière de 10 F pour chaque officier allemand résidant au sud de Billy-Montigny.

 

Le 2 mars, le capitaine von Bippen, commandant le quartier sud de la ville, enjoint le maire de s'exécuter. Réuni le 6 mars, le Conseil municipal estime qu'il ne lui est pas possible d'émettre de bons ou de faire un emprunt pour payer l'indemnité de 10 F par jour réclamée pour les officiers allemands, l'autorisation nécessaire ayant été refusée par le préfet du Nord à la date du 27 décembre 1915. Il ne peut en outre être question de payer le charbon fourni par la Compagnie des Mines de Courrières.

Malgré la gravité des circonstances, la municipalité commémore le 10ème anniversaire de la catastrophe de Courrières par le dépôt d'une couronne d'immortelles sur la fosse commune.

 

 

Le 12 avril 1916, pour la 4ème fois, le Conseil municipal est mis en demeure de se réunir en vue de délibérer sur le paiement du charbon fourni aux troupes allemandes. Le maire n'a pas commandé de charbon, ni reçu d'ordre de réquisition de combustible. La Commune n'a donc rien à payer. Et même si elle devait réellement quelque chose, elle n'a pas les fonds nécessaires au règlement de la somme de 35 000 F.

 

 

Le maire Tournay, son adjoint Broutin, les conseillers Choque et Boilley, ainsi que le secrétaire de mairie Moncomble, sont arrêtés, puis emprisonnés à Flers pour refus de subvenir aux dépenses de combustible de l'armée allemande ... et de solder des travailleurs occupés à des ouvrages destinés aux tranchées : un autre problème.

Billy-Montigny se trouve désormais privé de ses administrateurs. Le préfet du Nord institue à titre provisoire une délégation spéciale composée de MM. Vergriette, Lefebvre et Equinet. Président de la délégation : M. Vergriette.

 

Selon le préfet, la Commune doit en principe subvenir aux dépenses de combustible engagées par l'armée allemande. 100 000 F sont nécessaires pour faire face à cette dépense et aux dépenses diverses. La délégation vote le 15 mai 1916 un emprunt de 30000 F à la ville de Lens et décide le 22 mai de participer à une émission collective de bons communaux de toutes les communes de l'arrondissement de Douai et de la région de Carvin, seul genre d'émission de bons désormais autorisé.

Le 30 mai, Vergriette est appelé à la « Komandantur ». Antérieurement, il avait été décidé de ne pas rémunérer les ouvriers de la scierie occupés à des travaux de tranchées : les Allemands demandent que ces ouvriers soient dédommagés de ce travail « gratuit » par un secours en argent ou autre.

Afin de pallier la situation et de répondre aux injonctions du Commandant de la place, la délégation décide le 30 mai au soir la formation de trois équipes d'ouvriers qui travailleraient tour à tour à la scierie et au cimetière, chaque groupe étant occupé, une semaine sur trois aux tranchées.

Comme traitement, ces ouvriers touchent un salaire variant de 1,75 F à 3 F par jour pendant les 15 jours employés au cimetière, salaire insuffisant pour assurer la vie pendant trois semaines. La délégation décide en conséquence d'accorder un secours aux plus déshérités : 3 F par semaine et par homme, 3 F par semaine et par femme,2,50 F par tête d'enfant.

Le problème de la scierie étant réglé, et le combustible utilisé par l'armée allemande étant payé, la délégation spéciale, réunie le 8 juin, estime que le maintien en état d'arrestation des membres de la municipalité n'est plus justifié, ; elle décide d'intervenir pour leur mise en liberté. A cet effet, elle adresse la lettre suivante au Commandant de la place

« Nous avons l'honneur de solliciter de votre haute bienveillance la mise en liberté de Messieurs Tournay, maire, Broutin, Choque et Boilley, conseillers municipaux, et Moncomble, secrétaire de Mairie.

Croyant clos l'incident relatif aux ouvriers de la scierie et au payement du combustible, nous vous prions instamment d'avoir égard à l'âge des membres de la Municipalité et à l'infirmité du Régisseur Comptable et d'user de votre influence auprès des autorités compétentes pour rendre à la ville de Billy-Montigny ses anciens administrateurs.

 

Nous osons espérer, Monsieur le Commandant, que vous prendrez notre demande en considération, que vous lui donnerez une suite favorable et nous vous prions d'agréer l'expression de nos sentiments très respectueux »

VERGRIETTE, LEFEBVRE, EQUINET.

 

 

Le 1er juillet, convoqué au bureau du Commandant de la place, Vergriette est mis en demeure de solder les sommes suivantes

- 42640 F : montant des notes de charbon livré aux troupes allemandes de septembre 1915 à mai 1916;

- 10 245 F : coût du charbon destiné à la fabrication du gaz d'éclairage ;

- 1 328 F : prix des pommes de terre plantées sur le territoire communal ;

- 50 000 F : premier quart de la contribution de guerre qui devait être payé le ter juillet;

- 4 058 F : somme réclamée par la ville d'Hénin-Liétard pour les salaires payés par elle aux ouvriers occupés sur les routes départementales.

Réunie le 3 juillet, la délégation décide de ne payer que les frais de chauffage et de contracter ultérieurement un emprunt pour les couvrir. Quant aux autres paiements, ils ne peuvent être effectués sans une autorisation du sous préfet.

La tension monte de nouveau entre l'occupant et l'occupé.

 

Dans une note remise aux maires des villes de Lille, Roubaix, Tourcoing, Douai Valencienne et Cambrai le Haut Commandement allemand fait connaître qu’il reste du les contributions et amendes imposées  aux communes du territoire français occupé par la 6eme Armée la somme totale d'environ 21 millions , note sur laquelle figure Billy-Montigny pour Une somme de 238136,05 :

 

Contribution de guerre imposée à Billy-Montigny :                             240 570,00 F

Amende                                                                                                      800,00

Imposition pour dépenses administratives ............................                40095,00 F

                                                                                                            281 465,00 F

 

Total des acomptes versés                                                                   43 328,95 F

.

 

Reste ..........................................................................................        238 136,05 F

 

Le Haut Commandement allemand rend solidaires toutes les communes. Pour les contraindre

payer,  les scellés sur les coffres-forts et les dépôts de lettres dans les banques.

 

Afin d'éviter de graves ennuis à la population, la délégation, réunie le 25 juillet 1916, prend les mesures nécessaires pour dégager les Banques et autorise les maires des villes précitées à payer à l'Autorité allemande, pour le compte de  Billy Montigny la somme de 238 136,05 F la ville garantissant le remboursement de cette somme  qui  sera prélevée sur un emprunt à contracter par les grandes villes auprès de la Société Générale de Belgique.

 

En vue de payer les deux premiers quarts de la contribution de guerre (100000 F au total), la délégation. spéciale contracte le 9 août 1916 auprès de la Commission centrale de Douai une avance de 100000 F à rembourser 6 mois après la signature de la paix.

 

Le 31 août, Vergriette est de nouveau appelé au Commandant de la place : le 3ème quart de la contribution de guerre est déjà ; le 4ème quart, c'est pour le 1er octobre. La délégation spéciale, réunie le 1er septembre, décide de solliciter une nouvelle demande d'avance de fonds de 100 000 F auprès de la Commission de Douai.

 

Le 5 novembre, sur mise en demeure du Commandant de la place de payer le charbon livré, aux troupes allemandes et à l'usine à gaz depuis novembre 1915 (soit 58 865,45 F), la délégation autorise son Président à contracter auprès de la Commission centrale de Douai l'avance nécessaire au règlement du charbon.

Les réunions de la délégation spéciale se raréfient.

Billy-Montigny est ravitaillé depuis avril 1915 par la Commission for Relief in Belgium, le Comité National de Secours et d'Alimentation du Nord de la France et le Comité de district de Valenciennes par l'intermédiaire du Comité Régional de Carvin.

 

A la date du 31 décembre 1916, les comptes de la Commune vis-à-vis de la Commission présentent un solde débiteur de 659 648,47 F se décomposant comme suit

 

- Valeur des marchandises reçues au 31 décembre 1915                              :          154 812,16 F

- Valeur des marchandises reçues au cours de ter semestre 1916          :           200249,00 F

- Valeur des marchandises reçuesau cours du 2ème semestre 1916            :           304 587,31 F

                                          659648,47 F

Le 12 novembre, la délégation approuve les opérations de ravitaillement arrêtées à la date du 30 juin 1916. Le 30 décembre, elle alloue une gratification de 100 F au directeur du magasin de ravitaillement des denrées américaines et 50 F à chacun des deux surnuméraires ; compte tenu du coût de la vie, elle décide de payer à chaque femme de mobilisé un acompte de 30 F augmenté de 10 F par enfant à charge.

Le 10 février 1917, à la demande de la Commission for Relief in Belgium, la délégation spéciale approuve les comptes débiteurs de la Commune envers le comité Hispano­américain, comptes arrêtés au 31 décembre 1916. Le 14 février, elle décide d'allouer au médecin du bureau de Bienfaisance une somme de 1 000 F pour les soins médicaux gratuits dispensés d'août 1914 à août 1916; elle admet au bénéfice de l'assistance gratuite trois personnes, dont deux doivent être hospitalisées à Hénin-Liétard.

 

Le 9 avril 1917, en Artois, les Alliés passent à l'attaque. Vimy est repris. Le 14, ils sont aux portes de Lens.

Le 15 avril, la population de Billy-Montigny est évacuée : une partie en territoire non occupé et l'autre en Belgique où à Limal... la délégation se réunit le 29 avril 1917. Lefebvre et Equinet, Vergriette étant absent, décident de porter de 1 680 F à 2 000 F le traitement annuel de l'employé de mairie qui remplit les fonctions de régisseur comptable et de secrétaire de mairie depuis l'arrestation du secrétaire en mai 1916, compte tenu des services rendus, de l'importante hausse du coût de la vie et du fait qu'il ne touche que 61,50 F par mois, ayant délégué le surplus de son traitement pour son épouse et ses enfants évacués en territoire non occupé.

Puis, Lefebvre et Equinet votent une gratification de 100 F au Commissaire de Police pour les services rendus à la ville et pour le dévouement dont il a fait preuve au moment de l'évacuation.

«Ainsi fait et délibéré à Limal(Belgique) les jours, mois et an que dessus». La dernière délibération ...

 

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