INVASION DU NORD DE LA FRANCE ...
La Belgique est envahie. Les troupes françaises massées à la frontière ne bougent pas ; elles ne peuvent intervenir que si la Belgique fait appel aux puissances garantes de sa neutralité. Ce qui se produit le 5 août. Alors seulement, le Général Joffre autorise des éléments du 1 er et du 2ème Corps d'Armée à pénétrer en territoire belge tandis que les soldats du roi Albert 1er tentent d'enrayer la poussée allemande.
La place forte de Liège sommée de se rendre résiste héroïquement. La ville est bombardée. A l'aube du 6 août, l'armée allemande compte de lourdes pertes. Le 7, elle occupe la ville, mais les forts tiennent toujours. La France confère è Liège la Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur. Quelques jours plus tard, un projectile fait sauter le magasin de munitions du fort de Loncin ; le Général Leman est fait prisonnier. Le Général von Emmich lui rend les honneurs. Liège est entièrement occupé.
Les Belges se replient sur leur capitale tandis que les troupes françaises partent à la « découverte » d'un ennemi dont on ignore les plans. Premier choc : le 15 août à Dinant. Les Allemands s'efforcent d'enlever la citadelle. L'artillerie française repousse une première tentative du franchissement de la Meuse au pont de Bouvignes. Les Allemands réussissent à s'emparer de la ville. Que les Français reprennent après trois assauts. Mais que les Allemands réoccupent le 21 août.
Massacres, déportations, incendies s'ensuivent ; tandis que les combats se poursuivent près de la ville.
A Bouvignes, le 23 août à 18 heures, mon père, à la tête de sa section, est blessé par éclats d'obus. Deux décorations.
La MEDAILLE MILITAIRE a été conférée au militaire dont le nom suit
BOURDON Henri, Augustin, (Mie 68), adjudant-chef au 273ème Régiment d'infanterie
Sous-officier énergique et d'un dévouement au devoir à toute épreuve. S'est conduit avec entrain et courage au combat du 23 août 1914. Est resté à son poste malgré deux blessures.
La présente nomination comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec palme».
Signé : JOFFRE
Entre-temps, le 20 août, Bruxelles était occupé. L'armée allemande repousse les Belges sur Anvers où s'est retranché le roi. Albert. Tournai, Namur sont tombés entre les mains des envahisseurs. Malgré l'arrivée de renforts anglais, les Allemands s'infiltrent partout. Pillent, massacrent, incendient. Avertissent :
ORDRE A LA POPULATION LIEGEOISE
La population d'Andenne, après avoir témoigné des intentions pacifiques à l'égard
de nos troupes, les a attaquées de la façon la plus traîtresse.
Avec mon autorisation, le Général qui commandait ces troupes
a mis la ville en cendres et a fait fusiller 110 personnes.
Je porte ce fait à la connaissance de la ville de Liège
pour que ses habitants sachent à quel sort ils peuvent s'attendre
s'ils prennent une attitude semblable.
Liège, le 22 août 1914
Général von Bülow
Le dimanche 23 août, pour les armées franco- anglaises, c'est la retraite. Avec parfois l'ordre de combattre. Et de nouveau l'ordre de repli. Retraite vers quel but? Pour quel dessein ?
Les troupes allemandes déferlent sur la France. Le 25 août, on les trouve à Lille, Roubaix, Valenciennes, Douai. Le lendemain à Saint-Amand, Cambrai. Puis à Bapaume, Péronne, Amiens. Rien ne semble devoir les arrêter.
Pour sauvegarder leurs arrières, les Allemands prennent des otages. Et quels otages I Les représentants du peuple, les élus locaux.
VILLE D'AMIENS
Douze otages pris parmi les membres du Conseil Municipal
auxquels s'est joint M. le Procureur Général, répondent sur leur vie
de l'engagement pris par la Municipalité qu'aucun acte d'hostilité
ne sera commis par la population contre les troupes allemandes.
Le 31 août 1914
Le sénateur – maire
A. FIQUET
C'est la ruée des «casques à pointe» sur Paris. Un corps d'armée franchit l'Oise près de Creil, détruit Senlis. Se détourne de Paris. Gagne Meaux. Atteint la Marne. Que veut le Haut- Commandement allemand : couper les armées françaises de Paris? Les prendre dans un étau avec l'aide des forces stationnées en Lorraine?..
Le 30 août, des avions allemands lancent des tracts au-dessus de Paris : Parisiens, rendez-vous ! Nos armées sont aux portes de votre ville
Paris, la capitale, menacée quatre semaines après la déclaration de guerre I C'est invraisemblable ! Les Membres du Gouvernement quittent Paris pour Bordeaux. Gouverneur militaire et commandant l'armée de Paris, le Général Galliéni a reçu mandat de défendre Paris contre l'envahisseur .
La retraite des armées franco - anglaises : une débandade ? Dans une note secrète adressée le 2 septembre 1914 aux Commandants d'Armée, Joffre présente le plan général d'opérations qui a motivé l'envoi de l'instruction no 4 du 1 er septembre. Ce plan vise notamment les points suivants
a) Soustraire les armées à la pression de l'ennemi et les amener à s'organiser et à se fortifier dans la zone où elles s'établiront en fin de repli ;
b) Etablir l'ensemble de nos forces sur une ligne marquée par Pont-sur-Yonne, Nogent-sur-Seine, Arcis-sur-Aube, Brienne-le-Château, Joinville
Aux extrémités de cette ligne, les camps retranchés de Paris et Verdun. L'ensemble constitue une poche où semble devoir s'engouffrer l'armée de von Klück qui, dédaignant Paris, a orienté sa marche vers le Sud-Est, et qui, de ce fait, présente son flanc à l'armée de Paris, l'armée du Général Maunoury : une occasion unique d'attaquer.
Galliéni envisage de passer de suite à l'offensive. Joffre est d'accord, hésite un moment sur la date, puis dans la nuit du 4 au 5 septembre lance l'ordre d'offensive générale : • Il convient de profiter de la situation aventurée de la 1ère armée allemande pour concentrer sur elle les efforts des armées alliées d'extrême gauche. Toutes dispositions seront prises dans la journée du 5 pour partir à l'attaque le 6 ... • .
Et Joffre d'adresser à ses troupes le message suivant
Au moment où s'engage une bataille dont dépend le Salut du pays, Il Importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employée à attaquer et refouler l'ennemi. Une troupe qui ne peut plus avancer devra coûte que coûte garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée.
Reste à convaincre le Général en chef de l'armée britannique, French, resté à l'idée d'une retraite en trois étapes jusque derrière la Seine. Joffre lui rend visite à Melun : il expose son plan, la gravité de la situation, la nécessité absolue de la collaboration anglaise : " Je vous le demande au nom de la France". L'armée anglaise sera à son poste de combat.
Prévue le 6 septembre, la bataille de la Marne commence le 5 par l'entrée en action de l'armée du Général Maunoury. Un déluge d'obus de part et d'autre. Puis l'attaque française. Dans la plaine, les balles sifflent au ras des têtes. Le lieutenant Péguy emmène ses hommes, debout à travers la mitraille. Une balle l'atteint en plein front. Il tombe. Mort.
A l'aube du 6 septembre, les alliés attaquent sur l'ensemble du front de la Marne : un front de 300 km, avec Foch au centre. Il faut des renforts. A Paris, Gallieni regroupe toutes, les troupes disponibles. Dans la nuit du 7 au 8 septembre, onze cents taxis parisiens transportent six mille hommes sur le front. D'autres soldats arrivent par autobus, par chemin de fer. De partout les Allemands sont harcelés par les Français, les Anglais ; de son côté, la division marocaine du Général Humbert résiste sur les hauteurs de Mondement. Les ordres d'attaques fusent sans cesse. Le front allemand craque. Le 10, von Moltke donne l'ordre de battre en retraite.
La furia française a eu raison des forces allemandes dont l'état-major, dans l'euphorie de la marche triomphale sur Paris, avait jugé bon de retirer deux corps d'armée pour les transporter en Russie.
Le miracle de la Marne a détruit la légende d'invincibilité des armées allemandes. Le 10 septembre, Joffre conclut son ordre du jour par ces mots : La bataille qui se livre depuis cinq jours s'achève en une victoire incontestable .
Mais ce n'est pas tout. Il faut poursuivre l'ennemi jusque dans ses derniers retranchements. De nouveaux renforts arrivent, dont fait partie mon père. Et suivant le programme de Foch, quatre journées durant, le mot d'ordre est d'attaquer partout, de passer partout. Les Allemands se retirent le long de l'Aisne et de la Somme. L'avance française est stoppée, le: front stabilisé.
Plus de deux millions d'hommes ont pris part à la bataille de la Marne. Un échec cuisant pour les armées allemandes.
Dans leur retraite, les Allemands ont quitté Reims où s'installent Français et Anglais qui occupent des positions toutes faites à flanc de coteau.
Pendant plusieurs mois, les Allemands soumettront la ville à un bombardement intensif, détruisant la cathédrale et les plus beaux quartiers, occasionnant des centaines de victimes.
Que l'on ne nous parle plus de la cathédrale de Reims ni de toutes les églises ni de tous les palais qui partageront son sort ! On nous traite de Barbares. Qu'à cela ne tienne ! Nous ferons ce qu'il faut pour mériter ce nom A confesse au journal T A G le Général von Disfurth .
Combien de villages anéantis ? Combien de villes déjà détruites ? Liège, Namur, Dinant, Louvain entre autres.
Après la bataille de la Marne, les troupes allemandes tentent de déborder les troupes françaises par le Nord - Ouest, celles du Général Maunoury sur l'Oise, et de s'ouvrir la route vers la mer. Le Général Joffre pourvoit au renforcement de ces troupes en y amenant le 20 septembre l'armée de Castelnau prélevée à l'Est de l'Argonne, laquelle s'étend progressivement d'Amiens à Doullens. Le 1er et le 2 octobre, dans le prolongement de l'armée Castelnau, aux alentours d'Arras, est mise en place la 10ème armée commandée par le Général Maud'huy, armée comprenant des territoriaux, tirailleurs sénégalais et corps de cavalerie.
Par ailleurs, fin septembre, le maréchal French demande à combattre à l'extrême gauche des troupes alliées, proche de ses bases : la Manche. French attend deux divisions d'infanterie métropolitaine et des troupes arrivant de l'Inde. Joffre défère à ce désir. Le déplacement de toute l'armée britannique s'effectue en même temps que les mouvements de troupe français. Certains jours, 220 trains circulent dans les deux sens. Le 9 octobre, le 2ème Corps se trouve dans la région d'Hazebrouck ; le 13, le 3ème Corps occupe la zone d'Hazebrouck- St-Omer; le 19, le 1er Corps débarque dans la région de St-Omer.
Parallèlement, de la Lorraine et de la Belgique, l'état-major allemand ramène sur cette ligne de front, qui monte vers le Nord, des troupes avec lesquelles il espère enfoncer le front et envelopper les troupes françaises. Conscient du danger, le Général Joffre envoie de nouveaux renforts et confie au Général Foch le commandement des armées françaises au Nord de la France et la coordination des opérations.
Les Allemands ne cessent de harceler le front français de l'Oise è Arras ; de violents combats se déroulent en Artois et dans les Flandres. En vain. Après la Marne, la stratégie allemande subit un nouvel échec : la route de la mer est barrée, tout mouvement d'enveloppement est devenu impossible.
Entre-temps, le 8 octobre, le gouvernement et l'armée belges évacuent Anvers, se replient sur l'Yser, région que gagne une partie du corps expéditionnaire anglais afin d'empêcher une percée allemande sur Dunkerque, Calais; l'autre partie du corps devant couper les communications de l'Artois vers la mer. Une division indienne renforce le corps anglais aux environs de Neuve-Chapelle.
Malgré, l'héroïque résistance des soldats belges, d'un groupe de fusiliers marins et de tirailleurs sénégalais, les Allemands passent l'Yser le 18 octobre entre Nieuport et Dixmude. Le front de l'Yser craque, faute d'artillerie. Arrivent des vaisseaux anglais et autres bâtiments qui pilonnent les lignes ennemies. Le 20, les Allemands lancent une double attaque contre les positions françaises de Nieuport et contre Dixmude. Les Français résistent. Les Allemands reviennent à la charge jour après jour. Tout semble perdu, quand ...
... le 28, des flots boueux envahissent la plaine : l'eau des bassins maritimes, vidée à marée haute, a été «canalisée- en direction des troupes allemandes. Une idée géniale d'un garde-wateringue, Charles-Louis Kogge. Du côté allemand, c'est la débandade.
Les Allemands décident alors d'attaquer Ypres. Fantassins anglais et français, hindous et autres troupes venues en renfort résistent. Du 2 au 10 novembre, duel d'artillerie. Les Allemands attaquent les 13 et 14. Les alliés ne cèdent pas. Ypres sera écrasé sous les bombes des canons à longue portée.
Fin 1914, la ligne de front de la mer à l'Oise se stabilise suivant une ligne sinueuse partant de Lombaertzyde au Nord de Nieuport, passant par Dixmude, contournant Ypres au nord-est, longeant Lille en zone occupée, traversant La Bassée, la plaine de Vermelles et Lorette, contournant Arras au nord-est, passant entre Albert et Péronne, laissant Roye en zone libre et traversant l'Oise au nord de Ribecourt.
De la mer du Nord aux Vosges, des tranchées, de longs fossés, des fils de fer barbelés forment une nouvelle frontière entre les belligérants. Aux armées françaises et anglaises, renforcées par des troupes coloniales, se sont joints des régiments formés d'étrangers : russes, 'espagnols, Italiens, turcs musulmans, juifs turcs, arméniens ...
Guerre de position ? Guerre d'usure. Guerre de sape. L'hiver 1914 - 1915 est dur.
Les mineurs du Nord forment le gros des troupes de l'Argonne ; ils creusent dans le sol gelé trois kilomètres de galeries glaciales. Le printemps sera pourri.
Les troupes ne chôment pas. Surtout -en Champagne. Les Français attaquent sans cesse. Les Allemands contre-attaquent. Des combats au corps à corps. On s'entre étripe à la baïonnette. Des tranchées, des villages pris et repris. De petites opérations sans gain de terrain appréciable, sans souci des pertes en vies humaines. Comme s'il s'agissait d'un entraînement, prélude à une grande bataille ?
Les Allemands tiennent les hauteurs sur un front qui va de Souain à Massiges. Les Français occupent Souain, Perthes, le Mesnil, Massiges. Le 25 septembre 1915, l'artillerie française ouvre le feu, l'artillerie lourde allemande répond. La terre est sens dessus dessous, l'air irrespirable. Les Allemands lancent des bombes lacrymogènes. Attaques et contre-attaques se succèdent, meurtrières. Des positions changent plusieurs fois de mains. La bataille de Champagne ? Une boucherie inutile, un véritable carnage : près de 300 000 morts (160000 Français), 260 000 blessés (160000 Français, dont mon père à Souain le 7 octobre), 55 000 prisonniers
(30000 du côté français) i
Entre-temps.
Les Allemands ont réattaqué fin avril dans la région d'Ypres, Les projectiles qui éclatent dans les lignes alliées produisent une fumée jaunâtre, verdâtre. Une fumée qui se maintient au ras du sol, une fumée qui envahit les tranchées, et se disperse. Les hommes tombent, victimes de malaises.
Gazés ! Premières victimes : les Canadiens de l'armée anglaise.
L'emploi de gaz asphyxiants avait été interdit par la convention de La Haye signée le 29 juillet 1899 par Guillaume II ..
Les Allemands en font usage.
Entre-temps également ...
En Artois s'est déclenchée une bataille sans merci.
Début mai, l'artillerie pilonne les lignes ennemies. Dimanche 9, les troupes françaises se lancent à l'assaut des tranchées allemandes minées, fortifiées par des chicanes de fils de fer barbelés. Six corps d'armées (C. A.) participent à cette première offensive, dont trois chargés de faire diversion.
Le 21ème C. A. fonce en direction du plateau de Lorette, traverse trois lignes allemandes. Devant la chapelle de Notre-Dame de Lorette, une quatrième ligne résiste. Les Français renforcent les lignes conquises. Le 12, ils s'avancent en rampant. Les Allemands veillent. A bout portant, des Français sont tués. Les autres entament un corps à corps atroce. Les ruines de la Chapelle sont aux mains des Français.
Le 33ème C. A. avec ses trois divisions d'élite enlève Carency et Ablain-Saint-Nazaire les 12 et 29 mai (70ème D), fait une percée de près de 5 km en direction de Givenchy et Petit-Vimy (division marocaine), atteint le Cabaret Rouge sur la route d'Arras (division alpine).
Le 20ème C. A., de son côté, atteint rapidement Neuvllle-Saint-Vaast où il rencontre une résistance farouche. Le village est définitivement conquis le 9 juin.
Mais Neuville-Saint-Vaast continue à être soumis à un bombardement sans relâche. Les troupes ont été relevées, et, parmi les arrivants, un soldat, qui, à l'abri de la tranchée, lit, essaye de lire pour calmer sa peur. La terre vole de partout à chaque explosion, des camarades blessés courent vers le poste de secours, des corps tombent. Pour lui, peut-être, le prochain obus. Dans l'attente d'une mort éventuelle, il écrit d'une main qui se veut assurée
Le visage contracté, les yeux plissés à être mi-clos, les poings serrés, les mâchoires contractées, on attend. On n'est plus qu'une oreille qui écoute, un cœur qui craint. Tout l'être tendu guette le sifflement, l'écoute venir et se tasse encore quand l'obus éclate dans un jaillissement de terre et de ferraille.
Peu à peu, la tête se vide et s'alourdit pourtant. On n'entend plus rien qu'eux. Les explosions font sauter les entrailles et le cœur. Puis on attend l'autre, qui déjà siffle au loin.
Quand le tir se raccourcit, c'est la mort elle-même qui se rapproche, et l'on se voudrait petit, tout petit... Une sorte de résignation hébétée vous gagne ...
Un passage des a Croix de bois « écrit par Roland DORGELES dans l'enfer de l'Artois ...
Le 16 juin, après un nouveau pilonnage d'artillerie de plusieurs jours, seconde offensive des armées françaises. On rampe sous le feu des mitrailleuses. Le terrain est retourné par les explosions. On court sous les obus, on saute de trou en trou. On se bat à mort, dans la poussière, sous un soleil ardent, au milieu d'une senteur cadavérique. Les Français dépassent le fond de Buval, approchent de Souchez. Le Hameau de la Targette est reconquis.
Le 25 septembre, troisième attaque générale. De part et d'autre, l'artillerie se déchaîne. Partout de la chair déchiquetée, des corps qui se convulsent. Le terrain prend un aspect lunaire sur lequel les cadavres s'amoncellent. Souchez est enlevé avec le formidable ouvrage du Labyrinthe. L'observatoire de la colline de Lorette est entre les mains des Alliée.
Sur un autre point du front, près de Lens, les Anglais sont sur le point d'attaquer pour reprendre le village de Loos-en-Gohelle. La plaine est recouverte de brouillard. Une jeune fille, dont le père est un ancien mineur, voit soudain de sa fenêtre, à l'aide de jumelles, surgir des soldats en direction du cimetière. Elle connaît à fond le réseau de défense des Allemands. Si les soldats se dirigent vers le terril de la fosse 11, ils vont au-devant d'un massacre général. Elle court vers eux. Ce sont des Tommies «. Un officier parle français. Elle lui explique la situation. Sous sa conduite, les highlanders du 9ème bataillon des Black Watch neutralisent le terril transformé en forteresse. Puis, après des combats de rue, Loos-en-Gohelle est libéré sans trop de pertes pour les Alliés. Grâce à Emilienne Moreau, l'héroïne de Loos.
Citée à l'ordre de l'armée
Le 25 septembre 1915, dès la prise par les troupes anglaises du village de Loos, s'est empressée d'organiser dans sa maison un poste de secours, s'employa pendant toute la journée et dans la nuit qui suivit à y transporter des blessés, à leur prodiguer ses soins et à mettre toutes ses ressources à leur disposition sans accepter la moindre rétribution.
N'hésita pas à sortir de chez elle, armée d'un révolver, et réussit, avec l'aide de quelques infirmiers anglais, à mettre hors d'état de nuire deux soldats allemands qui, embusqués dans une maison voisine, tiraient sur le poste ».
Emilienne Moreau recevra la Croix de Guerre en novembre 1915. A 16 ans!
Sur l'ensemble du front d'Artois des dizaines de milliers de soldats gisent étendus dans la plaine, dans des trous d'obus. On ne peut faire un pas sans rencontrer de cadavres. Des cadavres disloqués, piétinés par ceux qui montaient à l'attaque, déchiquetés par les obus, étripés. Au Cabaret Rouge, c'est par tombereau qu'on charge les morts.
Des offensives à outrance. Des forces à peu près égales qui se rencontrent, qui se heurtent. Un incroyable gaspillage de vies humaines. C'en est trop de cette hécatombe pour quelques arpente de terre grignotés, gagnés.
Le 14 octobre 1915, Joffre donne l'ordre d'arrêter les opérations en Champagne et en Artois. Deux offensives deux échecs ? Ou des offensives voulues pour apprendre à forcer un front de tranchées? Ou encore des combats recherchés pour maintenir en France le plus de troupes allemandes possible et soulager le front russe ? ..
La Marne, la Champagne, l'Artois : autant de théâtres d'opérations qui ont mis en valeur combattants français et allemands.
Au 15 octobre, de la frontière suisse à la mer du Nord, le front est sans faille. De Belfort à Verdun, il est solide ; de Verdun à Reims, c'est une muraille ; de Reims à Soissons, ce ne sont que tranchées inexpugnables; entre l'Oise et la Somme, on tient sous un déluge d'obus ; d'Arras à Lille, on s'apprête à vivre « retranché »; de Lille à la mer du Nord, le front est renforcé.
A la tête des troupes : le Général Joffre, nommé le 2 décembre 1915 « généralissime des armées françaises sur tous les théâtres d'opérations »