CHAPITRE XI      RETOUR      ACCUEIL

LA LIGNE DE FRONT: UNE LIGNE
JALONNEE DE TOMBES, DE CROIX ...

1914 - 1918: 19 nations ont mobilisé plus de 60 000 000 de soldats. Près de 9 000 000 d'êtres humains ont été tués ou se sont entre-tués dans des mêlées effroyables. Plus de 20 000 000 ont été blessés, et parmi eux combien de mutilés à vie : plus de 5 000 000 ? Près de 8 000 000 de prisonniers et disparus.

 

Un sinistre bilan en pertes humaines.

 

- Côté Alliés. La Russie : 1 700 000 morts sur 12 000 000 de mobilisés (population en 1914: 167 000 000 h) ; la France : 1 350 000 sur 8 400 000 (population : 39 500 000 h) ; l'Empire Britannique : 908 000 sur 8 904 000 (population de la Grande-bretagne : 46 500 000 h) ; l'Italie : 650 000 sur 5 615 000 ; les Etats-Unis  116 500 sur 4 735 000.

- Côté Empires Centraux. L'Allemagne : 1 774 000 sur 11 000 000 (population en 1914: 65 000 000 h) ; l'Autriche - Hongrie : 1 200 000 sur 7 800 000 (population : 50 000 000 h).

Le pays le plus touché : la France. Pour 100 hommes actifs, 10,5 morts ou disparus. Viennent ensuite l'Allemagne (9,8), l'Autriche - Hongrie (9,5), l'Italie (6,2), la Grande-Bretagne (5,1), la Russie (5).

35 milliards de franc-or environ de pertes matérielles pour la France.

Détruites complètement : 222 000 maisons ; détruites partiellement : 342 200 maisons. Détruits : 596 000 hectares de bois.

Bouleversés : 2 125 000 hectares de terre cultivable ; 426 600 hectares de pâturages ; 111 800 hectares de terrains construits.

 

Dévastés : 66 % du territoire de la production textile, 60 % du territoire de la production minière, 55 % du territoire de la production métallurgique. Dans le Pas-de-calais, la moitié des Houillères sont noyées et rendues inexploitables.

Des trésors d'art et de civilisation détruits. Des villes, des villages entièrement rasés.

La guerre : la désolation, la tristesse, les larmes. La tristesse de ceux qui regagnent leur ville, leur village plus de toit sous lequel s'abriter. Les larmes de ceux et de celles qui ont perdu un ou plusieurs membres de leur famille. 600000 veuves à qui l'on a annoncé, brutalement ou avec ménagement : votre mari est Mort pour la France. Et combien de mères ont perdu le fruit de leurs entrailles ? Chair à canons ? . .

Ils sont morts pour la France ? Et les combattants alliés ? Et les Allemands ? . .

 

La guerre 1914 - 1918: des luttes atroces, sans merci, sur une ligne de front qui de part et d'autre ne cède pas ou très peu. Une ligne de front perpétuée par des centaines de milliers de tombes, de croix qui la jalonnent du Nord à l'Est. Soldats reposant dans des cimetières communaux, morts rassemblés dans des cités funéraires, dans des nécropoles. Près de 500 cimetières militaires.

 

L'emplacement des cimetières militaires allemands donne de la guerre 1914- 1918 une image nette des zones de combat, avec les départements les plus touchés de la mer du Nord aux Vosges.

 

Dans le Sud de la Belgique

4836 morts ; 8 cimetières.

 

Département du Nord

75 169 morts ; 30 cimetières.

Principaux cimetières : Beaucamps-Ligny (2070 tombes individuelles - 558 corps en ossuaire), Cambrai (8185 - 27463), Frasnoy (3038 - 1439), Illies (2817), Lambersart (4723 - 372), Le Cateau (5308 - 195), Lille (2888), Salomé (2548), Selvigny (2622 - 1380).

Département du Pas-de-Calais 127548 morts ; 19 cimetières.

 

Principaux cimetières : Billy-Montigny (2511), Carvin (6113), Courrières (2214), Dourges (2988), Lens - Sallaumines (8207 - 7439), Neuville Saint-Vaast (36 761 - 7966), Rumaucourt (2617), Sailly-sur-la-Lys (5496), Saint-Laurent-Blangy (7022 - 24870).

Département de la Somme 87540 morts ; 13 cimetières.

Principaux cimetières : Fricourt (5056 - 11970), Manicourt (4222 - 3101), Montdidier (4343 - 3700), Morisel (2607 - 35), Proyart (4643), Rancourt (3923 - 7492), Roye-Saint-Gilles (3755 - 2790), Vermandovillers (9319 - 13174).

 

Département de l'Oise 23659 morts ; 6 cimetières.

 

Principaux cimetières : Nampcel (6574 - 4750), Vignemont (3 802 - 1531).

 

Département de l'Aisne127 748 morts ; 25 cimetières.

 

Principaux cimetières : Belleau (4304 - 4321), Cerny-en-Laonnois (3 530 - 3 988), Champs (1 810 - 758), Laon «  Bousson »(2 650), Laon « Champs de Manoeuvre » . (3 295 - 192), Maissemy (15 478 - 7 814), Mennevret (1 663 - 1 157), Mons-en-Laonnois (3 257 - 1 753), Montaigu  (5 388 - 757), Origny Ste-Benoite (3 007 - 934), Parcy - Tigny (2129 - 2124), Sissonne (10694 - 3992), Soupir (5124 - 5955), St Quentin (6294 - 1935), Vauxbuin (3609 - 5557).

 

 

Département des Ardennes: 67960 morts ; 13 cimetières.

 

Principaux cimetières : Asfeld la Ville (4508 - 870), Buzancy (3106 - 2817), La Neuville-en-Tourne-a-Fuy (1936 - 3070), Monthois (2348 - 991), Mont St Rémy (2390 - 584), Noyers-­Pont-Maugis (9 117 - 4 938), Orfeuil (1953 - 1 134), Séchault (2164 - 4292), St-Etienne-à-Arnes (7540 - 5000), Vouziers (1 660 - 3 200).

 

 

Département de la Marne­75593 morts ; 12 cimetières.

Principaux cimetières : Aubérive (2237 - 3122), Berru (4501 - 13058), Connantre (561 - 8369), Loivre (2236 - 2076), Marfaux (1 697 - 2720), Servon-Melzicourt (3597 - 6526), Souain (2463 - 11320), Warmeriville (2630 - 200).

 

 

Département de la Meuse 86 022 morts ; 28 cimetières.

Principaux cimetières : Azannes II (4588 - 148), Brieulles­sur-Meuse (5952 - 5325), Cheppy (2336 - 3 788), Consenvoye (2 532 - 8 684), Hautecourt-les-Broville (2 885 3 104), Maizeray (2 336 - 540), Mangiennes (3 332 - 358), Montmédy (1 340 - 1 155), Rembercourt-aux-Pots (583 - 4395), St-Mihiel (2969 - 3076), Troyon » Vaux-les-Palamei » (2 654 - 2 935).

Département de la Moselle 14 928 morts ; 17 cimetières.

Principaux cimetières : Fey (1485 - 521), Lafrimbolle (1030 - 1080), Metz (2049), Morhange (1970 - 2788).

Département de Meurthe-et-Moselle 30 422 morts ; 10 cimetières.

Principaux cimetières : Gerbéviller (1 120 - 4342), Pierrepont (1084 - 1933), Reillon (969 - 1873), Thiaucourt- Regniéville (8 715 - 2 968).

 

Département des Vosges - 8 766 morts ; 4 cimetières.

 

Cimetière principal : Bertrimoutier (1 243 - 5 506).

 

Département du Bas-Rhin 4 817 morts ; 7 cimetières

.

Principaux cimetières : La Broque (636 - 1 297), Strasbourg­ Cronenbourg (1644).

Département du Haut-Rhin 17 400 morts ; 11 cimetières.

Principaux cimetières : Breitenbach (2 271 - 1 085), Cernay (4428 - 1 422), Hohrod (1496 - 942), Illfurth (1 425 - 539).

Autres cimetières

2 626 morts ; 3 cimetières.

Dans le département de la Seine-et-Marne: Chambry (65 - 998) et Meaux (80) ; et Merles-sur-Loison, non situé (1 286 - 197).

Au total, 750 198 soldats allemands inhumés en France dont 460 082 ont leur tombe individuelle et 290116 corps non identifiés sont en ossuaires, répartis dans près de 200 cimetières.

 

Des gens du Midi appelaient jadis les habitants du Nord de la France : les «  Boches du Nord » ... Côté tragique de notre histoire nationale, ce sont les départements du Nord et de l'Est qui sont les premiers envahis et qui subissent les préjudices les plus graves.

 

Pas de rançons à payer, pas de maisons saccagées, pas de villes ni de villages incendiés. Heureux Méridionaux ! . .

Parallèlement, sur la ligne de front, les nécropoles nationales françaises.

En Belgique

Ypres, Comines.

Département du Nord -

2 183 morts ; 2 nécropoles.

Département du Pas-de-Calais

53 722 morts ; 6 nécropoles.

Principales nécropoles : La Targette (7 476 - 3 868), Lorette (19 964 - 19 996).

Département de la Somme

63 269 morts ; 19 nécropoles.

Principales nécropoles : Albert (3384 tombes individuelles - 2 870 corps en ossuaires), Amiens St-Acheul (2 740), Amiens St Pierre (1 347), Dompierre - Becquincourt (5236 - 1 669), Lihons (4 912 - 1 603), Maucourt (3 722 - 1 517), Maurepas (2 180 - 1 539), Montdidier (5 758 - 1 615), Rancourt (5 280- 3232).

Département de l'Oise

26 936 morts ; 15 nécropoles.

Principales nécropoles : Compiègne (2 964 - 265), Cuts (1 519 - 1 767), Tracy-le-Mont (1877 - 1302), Verberie (1068 - 1 429), Vignemont (2 150 - 954).

Département de l'Aisne.

78 730 morts ; 26 nécropoles.

Principales nécropoles : Ambleny (7 561 - 3 074), Berry-au-Bac (1 952 - 1954), Cerny-en-Laonnois (2 748 - 2 377), Pontavert (5 192 - 1 361), Saint-Quentin (3 629 - 1 319), Soupir n° 1 (4 786 - 2 450), Vauxbuin (3 957 - 934).

Département des Ardennes

11 561 morts ; 5 nécropoles.

Principales nécropoles : Chestres (1 139 - 1 337), Rethel (1 915 1 194).

 

Département de la Marne

166 365 morts ; 32 nécropoles.

Principales nécropoles : Auberive-sur-Suippes (3 516 - 2 906), Bligny (2 143 - 2 506), Châlons-sur-Marne (4 445), Cormicy (7 382 - 6 937), Fère-Champenoise (2 409 - 3 349), Jonchery­sur-Suippes (4872 - 3009), La Ferme de Suippes (6794 - 528), Minaucourt (8982 - 12217), St Thomas en Argonne (4701 - 3320), Ste-Menehould (5482 - 277), Sillery (5666 - 5548), Somme Suippes (3549 - 1388), Souain (9058 - 21685), Suippes Ville (4773), Vitry le François (1747 - 2258).

Département de la Seine-et-Marne

3 080 morts ; 6 nécropoles.

Département de la Meuse

220 713 morts ; 39 nécropoles.

Principales nécropoles : Bras sur Meuse (4226 - 2000), DOUAUMONT (14637 - 130 000), Esnes-en-Argonne (3587 - 3046), Rembercourt-aux-Pots (2146 - 3357), Vauquois (2400 - 1972), Verdun-Bevaux (3107), Verdun Faubourg Pavé (4887), Verdun Glorieux (3 621).

Département de la Moselle

26 606 morts ; 16 nécropoles.

Principales nécropoles : Riche (1 312 - 1625), Sarrebourg- P.G. (13 320 - 34).

Département de la ~Meurthe-et-Moselle

35 320 morts ; 18 nécropoles.

 

Principales nécropoles : Flirey (2 630 - 1 750), Montauville (3 856 - 1 015), Pierrepont (708 - 2 282), Vitrimont (2 023 -1 683).

Département des Vosges

15082 morts ; 10 nécropoles.

Principales nécropoles : Saint-Dié (1 410 - 1 182), Saulcy-sur-Meurthe (1 393 - 1174).

Département du Bas-Rhin :

2 428 morts ; 10 nécropoles.

Département du Haut-Rhin

15 184 morts ; 15 nécropoles.

Principales nécropoles : Metzeral (1 774 - 866), Orbey-Wettstein (173 - 1316).

Territoire de Belfort

1 074 morts ; 2 nécropoles.

 Autres départements

14 813 morts ; 9 nécropoles.

Principales nécropoles : dans le département des Bouches du Rhône, Luynes (5721 - 3022); dans le département du ,Rhône, Lyon la Doua (2938); dans le département du Var, St-Mandrier (1086 - 777).

Au total, en France, 737 066 morts dont 394 207 ont leur tombe individuelle et 342 859 corps non identifiés sont en ossuaire, répartis dans 230 nécropoles.

 

Mais combien de corps sûrement identifiés ont été remis à leurs familles ; ils sont inhumés dans le cimetière de leur pays natal: dans un carré, réservé aux militaires, ou plus simplement à côté de leurs ancêtres.

 

Ainsi, pour le département du Nord, on ne relève dans le répertoire national que deux nécropoles, celles d'Assevent et de Zuydcoote ; alors que la liste des cimetières et carrés militaires français communiquée par la direction interdépartementale de Lille du ministère des anciens combattants donne 22 emplacements de tombes en plus des deux nécropoles précitées. Au total, 6 723 tombes individuelles

 

- 4665 tombes dans 17 cimetières communaux;

- 330 tombes dans 4 cimetières britanniques (Arneke, Glageon, Meteren, St Jans Cappel) ;

- 480 tombes dans le cimetière mixte d'Assevent ; - 1 248 tombes dans 2 carrés ;militaires.

Et 5 ossuaires (dont 3 à Asseyent) renfermant 765 corps.

 

Ajoutons à ces militaires français

- 261 tombes de soldats russes réparties dans 4 cimetières communaux ;

- 112 tombes de soldats russes dans le cimetière britannique de Glageon ;

- 101 tombes de soldats belges dans le cimetière communal de Bourbourg ;

- un carré militaire de 124 soldats belges dans le cimetière communal de Dunkerque ;

- 29 tombes de soldats belges réparties dans 7 cimetières ou carrés militaires ;

- 14 tombes de soldats roumains dans le cimetière communal de Douai.

 

Soit 7 488 soldats français, 373 soldats russes, 254 soldats belges et 14 soldats roumains.

N'en est-il pas ainsi dans la plupart des départements français touchés par la guerre ? . . En outre, quelle ville, quel village n'a pas son monument aux morts de la guerre 1914-1918?..

Vaux, Verdun, Douaumont ... Quatre cent mille hommes sont tombés sur le sol de cette région. Le plus grand nombre y est resté enseveli. A l'endroit du sacrifice, ils sont devenus cendre et poussière..

Peu après la guerre, un écriteau invitait les passants à ne pas s'écarter des routes :' Le champ de bataille doit rester intact. Ne prenez rien. Chaque motte de terre recouvre une sépulture. Ne la profanez pas ».

Dans le Nord de la France, peu de nécropoles nationales françaises mais beaucoup de tombes du Commonwealth : la ligne de front était tenue par les soldats « anglais », par les soldats de l'Empire britannique jusqu'en Belgique où le « Menin Gate Mémorial » commémore le sacrifice des combattants tués lors de la bataille d'Ypres(54360 noms).

 

Département du Nord

61 524 morts répartis dans 308 cimetières militaires ou annexes de cimetières communaux; 9 mémoriaux.

Département du Pas-de-Calais

181 570 morts répartis dans 351 cimetières ; 29 mémoriaux dont le «  Newfoundland Memorial » (Monchy-le-Preux), le «  Indian Memorial » (Meerut M. C.), le «  New Zealand Memorial to the Missing » (Grevillers), le «  Vimy Canadian National »

Département de la Somme

143 285 morts répartis dans 260 cimetières ; 42 mémoriaux dont le « Australian National Memorial » (Villers-Bretonneux), le «  Sout African Memorial, Delville Wood » (Longueval), le « Memorial to the Missing-CHINESE » (Noyelles-sur-Mer), le mémorial de Thiepval qui porte à lui seul 72073 noms de combattants du Commonwealth disparus dans ce secteur et dont les restes n'ont pu être identifiés.

Département de la Marne

2 747 morts répartis dans 9 cimetières ; 2 mémoriaux.

 

Au total: 389126 tombes réparties dans 928 cimetières et 82 mémoriaux: une chaine de souvenirs.

 

 

Comme la Somme, le Pas-de-Calais a son cimetière chinois: à Ruminghem. Un cimetière qui, comme la plupart des cimetières britanniques, est entouré d'un muret. 75 pierres tombales portant quelques caractères d'écriture chinoise et, en anglais, la date du décès et une pensée. Sous ces pierres reposent 75 Chinois.

 

Des Chinois, en France, pendant la guerre 1914-1918 ? Oui, dans la région d'Audruicq. Non pas des combattants, mais des hommes occupés à des travaux de cuisine et d'entretien des routes : les  pionniers » du groupe de travail

N°11 : «  Chinese labour corps ».


 

DES ALLIES « EXTREMES »

 

LES BELGES ET LES AMERICAINS

 

Si le roi Albert 1 er avait répondu favorablement aux propositions de Guillaume II, ni Liège, ni Louvain, ni Namur, ni Ypres n'auraient été détruits ou incendiés. Et combien d'autres villes et villages! La Belgique n'aurait pas vécu sous l'occupation pendant plus de quatre ans.

La Belgique a préféré l'invasion au déshonneur. Sans les soldats belges, sans leur héroïque résistance, les Allemands n'auraient-ils pas atteint Paris en trois semaines comme ils l'avaient prévu? De Charleroi à Compiègne : 10 jours.

Pour les Français, quelle dette de reconnaissance envers leurs voisins et amis belges!

Décimée, l'armée belge a été, reconstituée en France. En novembre 1918, elle comportait 12 divisions. Statistiquement, 44000 soldats morts.

Parmi les cimetières militaires belges, l'un présente un cachet particulier; il se trouve dans les dunes d'Adinkerke, près de La Panne.

Dans le département du Nord, nous l'avons vu, 254 soldats belges reposent dans neuf cimetières ou carrés militaires

 

Dans le département du Pas-de-Calais, les tombes des soldats belges se répartissent comme suit

-  ABLAIN-ST-NAZAIRE (Cimetière National de Notre-Dame de Lorette)          1

- CALAIS (cimetière du Nord)                                                                                         1068

- GUEMPS (cimetière communal)                                                                                56

- HOUDAIN (cimetière communal)                                                                               2

- LE TOUQUET (cimetière communal)                                                                        1

- St-OMER (cimetière mixte de LONGUENESSE)                                                     18

- St-POL-SUR-TERNOISE (carré militaire)                                                                 1

L'entrée en guerre des Etats-Unis, c'est l'assurance à plus ou moins longue échéance d'un apport conséquent en troupes fraîches dotées d'un matériel moderne, qui balaieront les Allemands outre-Rhin.

Mais pour cela, il faut que les Alliés résistent aux assauts désespérés des Allemands jusqu'à ce que les Américains soient prêts. Les Alliés résisteront.

Quand et comment les troupes américaines sont-elles entrées en action ? A l'occasion de la grande offensive allemande déclenchée le 21 mars 1918.

Lors d'une réunion sur le front, le 28 mars, le général Pershing se présente au général Foch

« Je viens pour vous dire que le peuple américain tiendrait à grand honneur que nos troupes fussent engagées dans la présente bataille. Je vous le demande en mon nom et au sien. Il n'y a pas en ce moment d'autres questions que de combattre. Infanterie, artillerie, aviation, tout ce que nous avons est à vous. Disposez-en comme il vous plaira.

Il en viendra encore d'autres, aussi nombreux qu'il sera nécessaire.

Je suis venu tout exprès pour vous dire que le peuple américain sera fier d'être engagé dans la plus belle bataille de l'histoire »

Puis, dans un télégramme, Pershing rend compte à Washington de sa démarche auprès de Foch.

« J'ai placé toutes nos forces à la disposition du néral Foch ; et nos divisions seront employées si besoin, et quand le besoin se fera sentir».

Le lendemain, 29 mars, une note

« Le gouvernement français a décidé, d'accéder au désir exprimé par le général Pershing au nom du gouvernement des Etats-Unis. Les troupes américaines combattront aux côtés des troupes britanniques et françaises et le drapeau étoilé flottera auprès des drapeaux français et anglais dans les plaines de Picardie »

En août 1918, l'armée américaine en France représente 32 divisions de 27 000 hommes. Certes elles ne sont pas toutes opérationnelles. Mais dans la contre-offensive de juillet août, les divisions en action obtiennent des succès en Woëvre et en Argonne.

 

Au matin du 11 novembre 1918, les Forces Expéditionnaires Américaines à l'étranger comptent plus d'un million de combattants !

Sans l'aide apportée par les Américains aux Alliés, les Allemands auraient-ils été, vaincus?

En pertes humaines, la guerre a coûté aux Etats-Unis 114 000 morts, dont un grand nombre par maladie.

Sur quels points du front les Américains ont-ils combattu ? Les cimetières militaires l'indiquent. En France : SOMME CEMETERY au sud-ouest du village de Bony (Aisne), AISNE MARNE CEMETERY au sud du village de Belleau (Aisne), OISE AISNE CEMETERY à l'est de Fère-en-Tardenois (Aisne), MEUSE - ARGONNE CEMETERY à l'est du village de Romagne sous Montfaucon (Meuse), St-MIHIEL CEMETERY à l'ouest de Thiaucourt (Meurthe-et-Moselle). En Belgique : FLANDERS FIELD CEMETERY non loin de Waregem.

Des monuments commémorent les services et sacrifices des Américains tombés en France : monument de Cantigny (Somme) commémorant une offensive en mai 1918; monument de Bellicourt, au nord de St Quentin (Aisne), érigé en souvenir du sacrifice de 90 000 Américains ayant servi dans l'armé,e britannique au cours des années 1917 - 1918. Autres monuments, ceux de Château-Thierry, de Montfaucon, de Montsec. Celui de Sommepy (Marne) a été élevé à la mémoire des 70 000 soldats américains qui ont combattu aux côtés des Français lors de l'offensive de Champagne au cours de l'été et de l'automne 1918. En Belgique : Audenarde (à la mémoire de 40 000 soldats, octobre - novembre 1918) et Kemmel au sud d'Ypres.

En retrait du front, le cimetière américain de Suresnes sur la colline du «  Mont Valérien » : quatre carrés de tombes dont trois renferment 1 541 sépultures des morts de la première guerre mondiale. Les soldats inhumés dans ce cimetière sont morts de leurs blessures ou de maladie à l'hôpital de campagne de Neuilly, victimes pour la plupart de l'épidémie de grippe qui a sévi en 1918.

De tous les cimetières américains situés en Europe, le plus important est celui de MEUSE -ARGONNE. Il couvre une superficie de 52 ha, comporte une chapelle mémorial et renferme 14 246 tombes. Dans ce cimetière reposent un nombre important de soldats tombés au cours de l'offensive Meuse Argonne : attaque sur un front de plus de 40 Km lancée le 26 septembre 1918 par la 1 ère Armée sous les ordres du Général Hunter Liggett. Les Allemands résistent ; mais l'importance des effectifs engagés (29 divisions américaines dans cette région) fait que l'ennemi est finalement balayé.

Le lieutenant Franck Luke, un aviateur célèbre, est inhumé dans ce cimetière. En 17 jours, il avait notamment abattu 17 ballons captifs et 3 avions ennemis. L'Armée de l'Air Américaine lui a rendu hommage en donnant son nom à l'une de ses bases militaires les plus importantes : » Luke Field » en Arizona.

De l'extrémité des loggias du cimetière de MEUSE - ARGONNE, on aperçoit au loin le monument de Montfaucon une colonne cannelée à l'intérieur de laquelle un escalier de 234 marches conduit à une plate-forme d'où la vue embrasse la quasi-totalité du champ de bataille ; sur le parapet sont indiqués par des flèches les noms et distances des lieux de combats. Au sommet du monument, une statue représente LA LIBERTE

MERCI LES AMERICAINS ! MERCI AUSSI LES BELGES !


 

 

 

PRESENCE DE LA PENINSULE IBERIQUE

 

Dès 1914, alors qu'ils n'y étaient pas obligés, des engagés volontaires espagnols ont combattu sous l'uniforme du 1 er Régiment étranger : la Légion étrangère.

Fin 1917, 300 légionnaires, la moitié des survivants d'un contingent décimé, participent à un banquet où l'on fêtait la remise de la Fourragère rouge. Dans la salle, des orateurs évoquent les échecs successifs de l'armée allemande. Le député des Pyrénées-Orientales, Pierre Rameil, expose... que les Allemands qui n'ont pu passer ni sur la Marne, ni sur l'Yser, ni à Verdun, préparent un nouvel assaut.

Réponse des légionnaires espagnols: un cri jailli de 300 poitrines qui a fait trembler les vitres du palace parisien où ils se trouvaient : « No pasaran ! » (Ils ne passeront pas I) .. .

Si l'Espagne est restée en dehors de la guerre, le Portugal y est entré en mars 1916. Deux divisions de soldats. 8 000 morts.

Sur la route de La Bassée à Estaires (N. 347), à Richebourg l'Avoué, proche du Mémorial des morts de l'armée de l'Inde, un cimetière militaire portugais : CAMITARIO MILITAR PORTOGOAS.

L'entrée, faite en grille forgée, est monumentale. Une allée centrale droite, semi-circulaire ensuite, puis à nouveau droite, conduit au monument en forme de mur sur lequel sont reproduites en maints endroits et disposées harmonieusement les armoiries du Portugal, avec sur les côtés des inscriptions en portugais et deux années : 1916-1918.

Le long des allées, face à chaque rangée de tombes, des arbustes taillés en forme de cône. 400 à 500 soldats reposent dans ce cimetière.

A chaque tombe, une stèle au sommet triangulaire PORTUGA, les armoiries du Portugal, les lettres C.E.P., le nom du soldat. MORTO DE LA PATRIA et la date.

Face au cimetière, de l'autre côté de la route, une petite pancarte «  FATIMA- 1917 » et une chapelle. A l'intérieur, ces d'eux inscriptions

Eu sou a senhora de Rosario Je suis Notre-Dame du Rosaire


 

 

 

LE CAS DES ITALIENS

 

Fin 1914, dans l'Argonne, arrivent des légionnaires italiens. Parmi eux, six frères : les GARIBALDI. Leur commandant? Le colonel Peppino Garibaldi dont le grand-père, patriote italien né à Nice, avait combattu pour la France lors de la guerre de 1870.

A peine arrivés au front, les volontaires italiens vont au feu. Une quarantaine de Garibaldiens sont tués, dont le lieutenant Bruno Garibaldi. Morts pour le triomphe de la civilisation latine.

Le corps du jeune officier ne peut être relevé après l'assaut : il est tombé à quelques mètres seulement de la tranchée allemande. Le lendemain, le colonel Peppino Garibaldi, l'aîné des frères, ordonne de ramener son corps. Impossible de mener l'opération à découvert. Alors, son frère, le lieutenant Ricciotti, décide de creuser une galerie en direction du corps. A 6 heures du soir, on est proche du but. Le lieutenant Pattarino et le caporal Salgemma sortent vivement de la galerie par un trou et enlèvent le corps tandis que les Allemands ouvrent le feu. Emmené vers l'arrière, le corps de Bruno est déposé dans une simple bière, de bois blanc, puis transporté au cimetière où sont déjà enterrés d'autres combattants. Un prêtre récite les prières d'usage ; le général Gouraud lui rend un dernier hommage.

Aussitôt la nouvelle connue à Rome, le 3 janvier 1915, un cortège d'environ 3 000 manifestants se forme vers 15 heures. Des garibaldiens qui avaient fait la campagne de 1870-1871, coiffés d'une casquette, un foulard noué autour du cou, portant agrafées sur une chemise rouge des dailles militaires françaises et italiennes, ouvrent la marche.

Le cortège se rend au Janicule se dresse un monument élevé à la gloire du patriote Garibaldi Guiseppe. Des milliers de personnes se pressent autour du monument, d'autres y sont grimpées. Un journaliste prononce un discours. Une fanfare joue la  « Marseillaise ». Les drapeaux s'inclinent. Des cris retentissent : «Vive la France ! Vive Garibaldi ! »

Le 6 janvier, ce sont les funérailles de Bruno dont la dépouille mortelle est arrivée par train en gare de Rome. Des vétérans de l'épopée garibaldienne montent la garde auprès du cercueil de bois blanc reposant dans une chapelle ardente aménagée sous le hall de la gare. De 8 heures du matin à 2 heures de l'après-midi la foule défile. Parmi les gerbes de fleurs, plusieurs viennent de France ; l'une porte comme inscription :  « Général Gouraud à Bruno Garibaldi et à ses camarades ». Représentent la France aux funérailles : l'ambassadeur Camille Barrère accompagné du conseiller d'ambassade, de Billy. Vers 3 heures, c'est le départ vers le cimetière ; le cercueil est porté par le major Ravasini et des vétérans garibaldiens ; quatre heures de marche aux accents de l'hymne royal, de l'hymne de Garibaldi, de la Marseillaise.

Le père de Bruno, le général Ricciotti Garibaldi et sa famille attendent au cimetière. Le général apprend qu'un autre de ses fils, l'adjudant Costante Garibaldi, avait été tué à son tour en Argonne ... Quand arrive le cortège, la nuit tombe. Des torches sont allumées. La mère, Donna Costanza, baise les drapeaux français et italiens qui vont être enfouis avec son fils. Le général adresse à son fils un suprême adieu : «  Va, Bruno ! Pendant que ta mère te donne le dernier baiser, je te salue avec un orgueil de père et d'Italien, parce que tu es tombé pour le devoir. Mais tu ne resteras pas seul : ton frère va venir bientôt te rejoindre. (Donna Costanza pousse un cri de douleur). Dans ce moment de tristesse affreuse, la pensée que tu ne seras jamais oublié nous est une consolation. L'Italie te vengera ! ». De la foule montent des cris : « Vive Garibaldi »

« A bas l'Autriche ! A bas l'Allemagne i Guerre ! Guerre ! » .. . Un moment de tragique émotion à la lueur des torches.

Courant février 1915, le Général , Ricciotti Garibaldi, s'aidant de béquilles, et son fils Peppino passeront en revue dans l'avenue des Champs Elysées à Paris les sociétés parisiennes de préparation militaire.

L'Italie n'est pas encore en guerre aux côtés de la France et de ses Alliés. Deux hommes déclencheront par leurs discours un irrésistible mouvement national: le poète - soldat Gabriele d'Annunzio et Benito Mussolini.

Par son attitude, celui-ci est expulsé de la direction du parti socialiste italien dès 1914. Il fonde le journal «  Popolo d'Italia » et fait une telle campagne en faveur de la déclaration de guerre de l'Italie à l'Autriche - Hongrie qu'il est arrêté. Libéré après dix jours de détention, il continue à haranguer les foules jusqu'à l'ouverture des hostilités contre l'Autriche, le 24 mai 1915.

Il s'engage comme simple bersaglier le 5 octobre 1915. Grièvement blessé le 23 février 1917, il est par la suite envoyé en congé, avec le grade de  «  caporale maggiore ». Dans les colonnes de son journal, il prône la guerre à outrance.

Le 18 avril 1918, le président du Conseil Orlando, après avoir évoqué la gigantesque bataille engagée en France, déclare à la Chambre italienne

« Dans ce moment qui est certainement celui où le conflit atteint son comble, l'Italie ne pouvait et ne devait pas manquer d'être à côté de ses Alliés. L'Italie, qui comprend qu'elle est l'extrême aile droite de l'armée unique des peuples libres, et, partant, prévoit que son devoir est d'être elle-même directement engagée dans le gigantesque duel, a cependant senti qu'elle ne pouvait pas être absente, en cette heure suprême, de l'éprouvée et glorieuse terre de France. 

Sous peu les drapeaux des régiments italiens seront déployés au vent sur les champs de Picardie et des Flandres avec les drapeaux français, anglais, américains, belges et portugais ».

Et c'est ainsi que deux divisions italiennes sont venues combattre en France, beaucoup plus de 3 ans après les légionnaires de GARIBALDI.

Environ 5 600 soldats italiens reposent en terre française : 600 à Soupin (Aisne) et 5 000 à Bligny (Marne).


 

 

SOUVIENS-TOI DES SOLDATS RUSSES EN FRANCE!

 

A Marseille, depuis trois jours, on attend avec curiosité l'arrivée de soldats russes. Des moujiks à grande barbe? Pauvrement vêtus? Qu'importe qui ils sont, et comment ils sont. Dans un geste de fraternité, ces soldats, volontaires, viennent combattre en France aux côtés des troupes alliées après avoir accompli quel périple

Le 3 février 1916, ils ont quitté Moscou en train. Le 10, halte du convoi dans une gare de Sibérie perdue dans les steppes couvertes de neige ; puis c'est le lac Baïkal et les ferry-boats ; pour arriver en Mandchourie après 17 jours de Transsibérien. Le 26, départ en bateau de Dalny. Le 8 mars, escale à Saïgon. Le 16, à Singapour, les soldats russes sont passés en revue par le commandant des troupes anglaises. Le 19, défilé à travers les rues de Colombo dans l'île de Ceylan. Traversée du canal de Suez, de la Méditerranée que sillonnent les sous-marins allemands.

Enfin, le 20 avril 1916, après 75 jours de voyage dont 54 de navigation ! après avoir changé trois fois de tenue : bonnet d'astragan et pelisse de mouton (Sibérie), chemise légère (océan Indien et mer Rouge), maillot de laine fine pour aborder la Provence, ils arrivent en vue des côtes françaises.

Les transports de troupe, l'HYMALAYA et le LATOUCHE-TREVILLE approchent. Les ponts des navires disparaissent sous d'innombrables bustes immobiles portant sur la tête une casquette à visière courte. Le paquebot «  LATOUCHETREVILLE » accoste le premier.

Les hymnes nationaux retentissent. Sur la dunette, un général salue. Les soldats répondent aux hymnes par des acclamations scandées. Des prisonniers allemands, employés dans le port, lancent la passerelle. Les soldats russes foulent le sol français. Des soldats « misérables » ? Point. Des soldats jeunes, le sourire aux lèvres, le visage empreint d'une certaine gravité. Leur chef, le général Lohvitsky, relève de convalescence à la suite d'une blessure à Varsovie. Il parle le français ; ses premières paroles : « On les aura ... » la formule à la mode !

 

A peine à terre, les soldats reçoivent leurs armes ; puis, en chantant, ils gagnent à pied le camp Mirabeau aménagé au bord de la mer, près de Marseille. Leurs chants de marche ont quelque chose de religieux : ne sont-ils pas les enfants de la Sainte Russie ?

Le lendemain, au cours d'un office divin au camp, un pope passe devant les soldats en rangs alignés, et les bénit. A la place d'honneur, le général Lokhvitsky et le drapeau : sur une face, la figure du Christ brodée ; sur l'autre, les initiales de l'empereur Nicolas Il. Le même jour, défilé dans les rues de Marseille avec en tête un chasseur alpin guidant la colonne et deux soldats russes portant des bouquets aux couleurs alliées.

Marseille avait vu défiler des Australiens, des Canadiens, des Transvaaliens, des Hindous, des Marocains, des Arabes, des Sénégalais, des Annamites, etc. ... Qui, au début de la guerre, aurait imaginé un seul instant que Marseille aurait vu défiler des Russes

Envoyés par la suite au camp d'entraînement de Mailly, chaque soldat touche à son arrivée une petite bouteille de champagne. Et les Russes de retrouver dans les danses et les réjouissances cette âme sentimentale qu'est la leur :

- Bonjour, petits frères, lancent les officiers à leurs hommes.

Et ceux-ci de répondre

- Nous sommes bien heureux que tu sois content.

Les Russes sont très attachés à leur terre natale. La France ne les laissera pas seuls. Paul Doumer, à l'origine de leur arrivée, a créé, un groupement : « Les Amis du Soldat Russe » dont les membres se proposent de rendre moins pénible l'exil des soldats. Des cadeaux affluent de toutes parts. Des centaines de marraines remplacent les familles absentes. Un journal est publié en langue russe.

Courant juin 1916, Joffre se rend au camp de Mailly. En compagnie de Gouraud et de Lokhvitsky, il assiste à des manoeuvres d'attaque et de défense d'une tranchée, à la charge à la baïonnette de deux sections l'une contre l'autre et à un lancement de grenades à l'issue duquel Joffre remet une montre à un soldat russe méritant.

L'âme russe .. .

Aux félicitations qu'ils reçoivent à l'issue de revues, les soldats russes répondent en choeur par cette exclamation : « Nous sommes heureux de satisfaire Votre Excellence ! » ...

 

A l'occasion de la fête de Pâques, la plus grande fête de l'année, des trains de cadeaux sont envoyés aux soldats. A son quartier général, le tsar remet lui-même l'oeuf traditionnel aux soldats mis au repos ; et, par trois fois, le « Petit Père » met sur leurs lèvres le baiser des chrétiens des premiers âges ...

Le dimanche, le général Lokhvitsky, son état-major et une partie des troupes assistent à la messe. Après l'office, le général donne à un crucifix le baiser de paix ; puis, par sections, les soldats défilent devant lui fixant les yeux du général dans une sorte de communion exaltante entre le chef et ses hommes. Selon la coutume, le général leur lance

- Sdorovy bratzy (Bonjour, mes frères).

Les hommes répondent par une acclamation rythmée un souhait de bonne santé.

- Sdravia jelréem vaché prevospoditelstvo (Nous vous souhaitons bonne santé, notre général).

Sur quel point du front les a-t-on placés ? En Champagne.

Comment se comportent-ils ? Un obus tombe auprès d'un groupe de soldats se restaurant ; ils continuent leur collation ... On relève un détachement, un obus éclate, quatre hommes tombent ; les autres ne bougent pas, restent l'arme au pied. Ils se mettent en marche quand on leur en donne l'ordre ...

En juillet 1916, les premiers soldats russes tombent sur la terre de France. Du sang russe abreuve nos sillons...

Dans les tranchées, ils chantent. Même après les plus durs combats. Ils chantent accompagnés d'une balalaïka ou d'un accordéon en forme d'hexagone. Des voix graves et lentes. L'âme russe qui toujours transparaît.

Des soldats d'une trempe spéciale. Avec des chefs qui, du regard, hypnotisent leurs hommes, des chefs qui communiquent leur foi en la victoire, des chefs dont la vision des forces se résume dans la phrase

- C'est la volonté, la force psychique qui compte à la guerre. Non la force physique ...

En novembre 1916, sur le front français, le général Lokhvitsky sera décoré de la Croix de Guerre.

La Russie, économiquement épuisée, isolée de ses alliés occidentaux après l'échec de l'expédition franco-anglaise des Dardanelles, ne peut supporter l'épreuve d'une longue guerre.

En mars 1917, le peuple se révolte. Le tsar abdique en faveur de son frère. Les emblèmes impériaux sont arrachés aux magasins des fournisseurs de la Cour. Les anciens ministres sont arrêtés et enfermés. Le portrait de Nicolas Il est enlevé de son cadre dans la salle des séances de la Douma. Nouvel emblème : le drapeau rouge ; il flotte sur les barricades et des soldats circulent en automobiles, le drapeau rouge fixé à leur baïonnette. Un gouvernement provisoire se constitue auquel l'armée doit prêter serment.

Le texte de ce serment parvient télégraphiquement aux militaires russes en France, à l'ambassade de Paris comme sur le front de Champagne.

Dans les divers cantonnements, suivant la tradition, en présence d'un prêtre revêtu de ses habits sacerdotaux, leur général en tête, les combattants russes prêtent serment au nouveau gouvernement.

«  Soldats, vous prêtez serment à votre Patrie ; vous jurez de la servir fidèlement et honnêtement, ainsi que d'exécuter les ordres du Gouvernement provisoire qui régit l'Etat russe. Vous êtes envoyés ici pour lutter contre l'ennemi commun avec les alliés, pour défendre avec eux la cause commune. L'heure approche où, sous la poussée de nos efforts fraternels, l'ennemi doit être brisé. Soyez forts dans votre serment, dans votre vaillance, pour que la Terre de Russie qui vous a envoyés ici soit fière de vous. La Russie a décidé de conduire cette guerre jusqu'à une fin victorieuse et nous, ses fils, nous devons loyalement exécuter sa volonté » ...

En mai, dans le cantonnement de Mailly, où la brigade est au repos, le général Palitzine réunit ses soldats. Le camp est pavoisé d'écriteaux, de drapeaux rouges portant pour la plupart des inscriptions en langue russe. Sur certains écriteaux ressort le mot «  LIBERTE » .

Le général lit les dépêches du gouvernement de Pétrograd proclamant la nécessité de continuer la guerre jusqu'à la défaite des Allemands. Puis il appelle sept soldats. Délégués par la Brigade au Comité de Pétrograd, ils ont pour mission « de travailler là-bas pour les intérêts de la Russie et de la France ».

Puis la réunion se termine par un défilé devant les drapeaux de la Révolution en présence du colonel Kotovitch qui avait passé 12 années en Sibérie pour sa participation à la révolution de 1905, et venait d'arriver de Russie.

Le nouveau ministre de la Guerre et de la Marine, Kerensky «  se propose d'introduire dans l'armée une discipline de fer, mais fondée sur l'honneur, le devoir et le respect réciproque». Les traditionnelles vertus militaires basées sur a la guerre des âmes  subsisteront-elles ? . .

En Russie, tout ne va pas pour le mieux. La révolution d'octobre 1917 établit les Bolchevicks au pouvoir avec au programme: finir la guerre !

Les brigades russes en France sont désorganisées. Une grande partie des militaires demandent leur rapatriement. Ils quittent le front de Champagne. Sur le quai d'embarquement, la musique joue la Marseillaise.

Quelques éléments se regroupent cependant pour servir sous les lois militaires françaises : ils formeront un bataillon de volontaires qui retournera au front avec comme commandant, le colonel Gantois ...

Des Russes ne se soumettent pas au nouveau régime. Fin avril 1917, par l'intermédiaire de la presse, l'ambassade de Russie s'adresse à eux : «  En vertu d'un décret du gouvernement provisoire russe ordonnant des peines pour les criminels de droit commun, les insoumis russes n'encourront aucune peine s'ils se présentent aux autorités militaires compétentes avant le 14 mai de cette année u. (LE PETIT BETHUNOIS u 29 avril 1917)

Des soldats russes ont séjourné et combattu dans le Nord de la France ? .. .

Il y aurait, dit-on, des tombes de soldats russes dans des cimetières de Paris ... Ce qui est certain, c'est que des corps de soldats russes morts en France ont été rassemblés dans des ossuaires : 9 corps à La Teste-de-Buch (Gironde), 43 à Wissembourg (Bas-Rhin), 1 887 à Riche (Moselle).

Des soldats russes reposent par ailleurs dans des cimetières communaux ou militaires du département du Nord à Denain (38), à Douai (112), à Glageon (112 dans le cimetière britannique), à Haubourdin (11) et à Hautmont (100).

Peut-être trouverait-on aussi des tombes russes dans d'autres départements ...

Etrange destinée des militaires russes venus en France. Sans avoir vécu l'événement, les survivants sont passés du régime tsariste (la Sainte Russie !) au «  communisme » (l'U.R.S.S.). Pour le meilleur ? ou pour le pire ? . .