Hommage à un grand champion de boxe : Charles Humez

 

On honore cette année le trentième anniversaire de son décès survenu à Bois-Bernard le 11 novembre 1979

 

Je viens au monde le 18 mai 1927 à Méricourt village, Avenue du 10 mars 1906.

 

 

 (Tout un symbole, cette rue rappelle le tragique évènement que fut la catastrophe minière dite de Courrières : près de 1100 mineurs y ont laissé la vie dans les puits 2, 3 et 4/11 de la Compagnie des Mines de Courrières)

 

 

Mes parents tiennent une petite boucherie qui permet à peine de nourrir les cinq bouches du foyer.

 

  

Le commerce ayant périclité, en 1933 nous déménageons pour Fouquières-lez-Lens au 56 route Nationale. Le 29 mai,je suis inscrit à l’école Jules Ferry, cité du Transvaal à Fouquières.

 

Le 1er mars 1936, nouveau départ, cette fois-ci nous emménageons à Harnes. Nous revenons assez  rapidement à Fouquières, 21 rue Camille Desmoulins,  assez près du centre ville.

 

Le 19 avril 1941, mon père meurt subitement…

Dès lors, plus question d’aller à l’école, il me faut travailler pour venir en aide à la famille.

 

D’abord comme aide-cimentier à Noyelles-sous-Lens avec un salaire terriblement maigre ce qui ne m’enthousiaste pas du tout.

                                                                                                                                   

 Mon frère Désiré me fait embaucher pour travailler à la fosse 7 de Fouquières au déchargement des wagons-attaches qui font la navette entre les puits et les terris.    

 

 

Mon salaire dépend de mon rendement, ainsi je décharge 4 à 5 wagons dans l’heure. Très rapidement, je trouve le moyen d’en décharger 8 ou 9.

 

Fin 1941, mon frère Désiré m’emmène, un peu contre mon gré, à la salle de boxe, au premier étage du café de la mairie à Fouquières. On y accède par un escalier raide. C’est une pièce toute nue, avec du papier peint à fleurs aux murs. Il n’y a pas de ring.

 

Le manager, un ancien pugiliste local, Jean-Baptiste Tornu me propose de faire quelques entraînements pour voir si la boxe me plaît ou non…

 

Finalement, après quelques jours de réflexion, je me laisse convaincre. Je rends donc visite à ce brave M. Tornu, j’ai drôlement peur…

 

 Avec Jean-Baptiste Tornu

 Sur un ring en plein air

 

Je débute en 1943 au boxing-club de Fouquières-lez-Lens, à 14 ans et demi. Après un mois d’entraînement, je fais quelques combats.

 

A quinze ans, je livre mon premier combat amateur à la salle des fêtes de Sallaumines contre un dénommé Broche, un Polonais dur au mal. Je l’envoie au tapis 3 ou 4 fois et je gagne aux points.

 

Après dix combats dont deux défaites, sur l’insistance de plus en plus pressante de Désiré, je décide d’aller assister à un entraînement au boxing-club d’Hénin-Liétard dirigé par Raoul Capon, un épicier héninois.

 

 

 

Le manager est un ancien boxeur, Louis Sion qui a livré plus de 400 combats et rencontré tous les cracks de son époque.

Je ne suis qu’un poids plume quand je m’engage au boxing club héninois. Le ring est aménagé dans une salle surplombant le bar “La Magie”. 

Professeur avisé, compétent et compréhensif, Louis Sion a le mérite de métamorphoser le jeune bagarreur en pugiliste aux gestes sûrs et précis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je continue de travailler sur le terri de 7 heures du matin à 5 heures de l’après-midi. Je suis autorisé à prendre deux sacs du charbon contenu dans la terre des wagons.

Régulièrement j’en emmène un troisième que je revends aux marchands pour améliorer l’ordinaire.

 

 

L’année 1944 est très dure, il n’y a plus de pommes de terre, plus de viande, plus de sucre… je déjeune avec une gamelle de rutabagas. Avant de partir pour la salle de boxe, je me lave  dans un chaudron d’eau avec du savon d’argile et je n’arrive pas à me nettoyer complètement. Le couvre-feu est à 10 heures, il faut être rentré avant. Les bombardements des alliés s’intensifient je suis pris dans l’un d’eux à Hénin avec Louis Sion et Désiré.

 

On ne couche plus à la maison, par peur du S.T.O., Désiré, prisonnier évadé doit aller signer deux fois par semaine à la Kommandantur de Lens.

 

Après la libération en septembre 1944, je participe à mon premier championnat régional, celui des Flandres. La finale m’oppose à Alfred Piette, sourd muet, camarade de club. Vainqueur d’assez peu, je me trouve qualifié pour les phases décisives des championnats de France.

 

Je gagne en finale des poids welters contre le nord africain Si Fermann, je deviens le welter n°1 de France.

 

Je me marie en 1945, à Fouquières, avec Suzanne Legrand, la sœur de mon meilleur copain Moïse Cyr qui lui épouse ma sœur Charline.

Je suis embauché le 26 juin 1945 à la Centrale d’Harnes.

En 1946, on me sélectionne pour le Critérium des as, réservé aux vedettes amateurs puis on m’appelle pour un stage international pour représenter la France en Angleterre.

En avril 1948, je deviens champion de France amateur des welters pour la quatrième année consécutive, contre le rémois Jacques Herbillon.

En mai 1948, à Chicago, je remporte la finale en mi-moyen des Gants d’Or contre Dave Coleman. J’ajoute que mon camarade Léon Nowiaz, pour n’être pas en reste avec moi, enlève également le titre…

 

 

 

A Chicago

 

 

Félicitation du président de la republique

 

retour des gants d or

 

 

 


Notre retour fêté à Hénin-Liétard est une journée qui compte parmi les plus heureuses de ma vie, puisqu’elle marque pour moi le grand départ.

 
Ceci est ma dernière licence amateur. Après 312  combats dont 7 défaites seulement, je décide de signer ma première licence professionnelle.

 Deux mois plus tard, le 26 septembre 1948, je bats Abdallah Hezil en moins de trois reprises, je touche alors ma première bourse : 10000 francs.

Ses supporters

 

 

groupe de supporters douaisiens

 

 

tableau longtemps accroché au siège la magie Humez et Sion

Peinture de Yvon LEFEBVRE, peintre sous le nom de NOVY

 

Ayant quitté la Centrale d’Harnes le 1er février1946, je travaille depuis pour M. Capon avant de me consacrer entièrement à mon nouveau métier.

 

          

Maintenant, je suis scrupuleusement la route que mon manager Louis Sion et Bernard Capon m’ont tracée, route qui aboutit au championnat de France professionnel, titre conquis en battant l’Algérien Omer Kouidri chez lui.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le bilan de ces deux années :

1948 : 5 victoires

 1949 : 21 victoires, 1 défaite

                                                                                             

 

Cette année 1949 m’apporte la joie de remporter mon premier grand trophée professionnel, à Anvers en battant Raphaël Da Sylva aux points en douze reprises.

 

 

 

1950 : 14 victoires, 1 défaite, 1 sans décision

Le titre de champion de France me comble de bonheur en cette année 1950, cela me fait oublier l’énorme déception d’avoir dû attendre une année supplémentaire avant de passer pro.

Les réceptions sont grandioses, l’accueil chaleureux du public est énorme…

 
 

« Voix du Nord du 9 février 1950 »

 


 

En 1951 : 13 victoires : année faste, je connais ma plus grande réussite. Entre autre, le 26 février à Paris je gagne aux points en quinze reprises contre Gilbert Lavoine. Des supporters en tenue de mineur nous accompagnent Louis Sion et moi.

 

 

 
 

Nous découvrons en famille les photos relatant ce combat.

Annoncé challenger de Kid Gavilan après ma victoire le 13

juin à Porthcawl sur Eddie Thomas pour le titre de champion

d’Europe, je dois renoncer car j’ai de plus en plus de mal à faire

le poids dans la catégorie des welters.

 

Je débute par une victoire aux points en dix reprises le 22

octobre face à Tibério Mitri en poids moyen.

 

 

En 1952 : 10 victoires

 

            Laurent Dauthuille, Kid Dussart ou Mickey Laurent…

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1953 : 3 victoires, 2 défaites, 1 match nul

 

            Je perds aux points en quinze reprises, à Londres face à Randolph Turpin.

 
 

En 1954 : 9 victoires

 

Je deviens champion d’Europe des poids moyens le 13 novembre, à Milan, par arrêt à la troisième reprise.

 

En huit minutes, catapulté de mon tabouret par Philippe Filippi,

 

 

au punching ball dans la salle de Filippi

 

avec Philippe Flippi

 

mon nouveau manager depuis que j’ai enfin décidé de rejoindre

 

la capitale, je mets fin au règne éphémère du Transalpin devant 10000 Milanais atterrés.

 

Du premier au troisième round, j’ai projeté quatre fois mon adversaire

au tapis.

 

 

 

 

 

 

En 1955 : 7 victoires

 

 

Pour la quatrième fois en 9 ans, je vois mes efforts

récompensés. Cinq reprises me suffisent pour vaincre

une nouvelle fois Pierre Langlois.

 

Couvé et revu par Philippe Filippi, je montre plus

d’aisance et mes amis ont du mal à me reconnaître.

 

En effet, celui-ci, sait me guider intelligemment et

avec méthode dans la vie.

 

Cependant, je n’oublie pas tout ce que je dois à

Louis Sion.

 

 

 

En 1956 : 3 victoires, 1 défaite

 

 Ah ! ce combat contre Gene Fullmer, une bagarre comme rarement sur un ring de boxe…

J’ai trente ans, mon adversaire vingt-trois…finalement la jeunesse l’emporte.

Au dixième round, nous tabassons tellement l’un et l’autre que, complètement vidés, nous n’entendons pas le gong.

Nous pensons tous deux être KO…

 

  Lumières sur la Mine Janvier 1966

 

En 1957 : 5 victoires

 

 

Le 22 mai 1957, je gagne aux points en quinze reprises,

non sans avoir été compté à la neuvième reprise,

face à Italo Stortichini.

 

 

  

La carrière professionnelle est très exigeante, sur le plan physique : 5 à 6 km de footing le matin, repas, récupération, salle de sport le soir avec une demi-heure de culture physique, 3 rounds de corde, 3 rounds de boxe contre l’ombre, 3 rounds de “sac”, 3 ou 4 rounds de gants contre les adhérents de la salle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sans oublier la vie de famille et les parties de pêche.

 

 

 

 

 

 

 

En 1958 : 3 victoires, 1 défaite

 

  

 

 

Le 4 octobre 1958, au stade olympique de Berlin, la revanche contre Gustav Scholz, que j’ai battu l’an passé, me voit effectuer mon dernier match de boxe. Conforme à mon image de battant, je ne m’embarrasse guère de tactique, je lui rentre dedans. Hélas, cela ne suffit pas, blessé à l’arcade sourcilière et à la bouche, je suis contraint de renoncer dans la douzième reprise.

Le 14 janvier 1959, après une nuit blanche, je retrouve mon manager Filippi à la salle et je lui annonce que je ne me déshabille pas.

Il me regarde, d’abord sans dire un mot, puis il se décide « Laisse tomber, la boxe c’est fini pour toi… »

A cette annonce, ma femme Suzanne me saute au coup, soulagée…

Mais… ce soir-là, je reçois la visite de Maurice Durand, matchmaker de catch à la salle Wagram. Il me fait des propositions très intéressantes que je refuse.

 

 

 

 

 

 

 

Son combat avec Fernand RAYNAUD

 

Douze jours plus tard, ne pouvant plus résister, je le rappelle…

 

Je signe mon nouveau contrat, avec le catch.  

 

 

 

 

 

 

Mona et son père, dessin de Andy Dickson

 

 

Sources

 

            Archives familiales des familles Humez-Legrand et Legrand-Humez 

            Lumières sur la Mine

            Presse quotidienne de l’époque : Nord Eclair, Voix du Nord, Nord Matin

            Nord France 1955

Paris Match 1959

Miroir sprint

But et club

Semaine du Nord 1954

Nos champions par Victor Sinet, la bibliothèque mensuelle des sportifs 1955

 

Compilation de maintes interviews de Charles Humez par Raymond Sulliger, AGP 2908

 

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